La France valorise ses diplômes tout comme d’autres nations chérissent leurs héros. Des établissements tels que Polytechnique, l’ENA et HEC ont façonné depuis un siècle les élites responsables de la gouvernance, de la structuration des entreprises et de l’orientation de l’économie nationale. Toutefois, Sébastien Laye, dans son ouvrage Des moutons menés par des ânes ?, dresse un constat alarmant : cette élite monolithique, choisie pour son excellence académique, devient un obstacle à l’évolution du pays. Ce n’est pas en raison du manque de connaissances, mais plutôt à cause d’une expérience concrète, d’un leadership et d’une interaction avec les réalités du terrain qui font défaut, rapporte TopTribune.
Le diplôme comme substitut au leadership
Selon Laye, la confusion entre l’intelligence et la capacité à diriger s’avère être l’une des racines du problème. En France, un diplôme prestigieux sert de laissez-passer universel : un individu peut devenir ministre sans aucune expérience en gestion d’équipe, diriger un ministère sans avoir à faire face aux réalités du terrain, ou superviser l’économie sans jamais avoir créé de richesse.
Ce schéma se distingue nettement de celui des États-Unis, où l’élite est variée : composée de leaders dans les domaines financiers, technologiques, académiques, militaires et politiques. Une telle diversité favorise un environnement compétitif, alors qu’en France l’uniformité de l’élite engendre un phénomène de clan et appauvrit la pensée critique.
Une élite jeune, brillante… et inexpérimentée
L’ouvrage met en lumière l’essor d’une élite très jeune, souvent placée à des postes de grande responsabilité. Des ministres de 33 ans, des directeurs d’administration juste sortis de l’école, un président élu à 39 ans avec peu d’expérience dans le secteur privé : Laye y voit un symptôme d’une confusion alarmante, où précocité et talent, éclat intellectuel et maturité politique semblent être assimilés. En conséquence, nous assistons à des décideurs qui s’appuient davantage sur des théories abstraites que sur une connaissance intime des réalités sociales et économiques.
Cette homogénéité dans la pensée explique plusieurs échecs notables :
– incapacité à réformer,
– conception de politiques publiques déconnectées du contexte réel,
– manque de vision industrielle,
– surestimation des capacités régulatrices de l’État.
La crise du secteur immobilier, la désindustrialisation croissante et les rigidités du marché du travail illustrent les effets d’une élite qui réagit par la même méthode face aux mêmes défis.
Réhabiliter l’expérience et la diversité des parcours
Sébastien Laye ne prône pas la destruction des grandes écoles. Il appelle plutôt à réintégrer au système des éléments tels que :
– l’expérience,
– un contact direct avec la réalité,
– la diversité des parcours,
– des leaders provenant de l’entreprise, de l’armée ou de la société civile.
Selon lui, la relance économique passe par une révolution culturelle : la France doit reconnaître que la véritable compétence ne se cultive pas uniquement dans une salle de classe, mais se façonne à travers l’expérience vécue sur le terrain.