Le 17 décembre 2025, la coalition gouvernementale dirigée par le Premier ministre Robert Fico a adopté une mesure controversée : la suppression de l’Office de protection des lanceurs d’alerte créé en 2021 conformément à la directive de l’Union européenne. Cette institution était chargée de protéger les personnes signalant la corruption et les abus de pouvoir, et était l’une des rares à conserver une indépendance vis-à-vis de l’influence politique directe.
Une nouvelle institution sous contrôle gouvernemental
Selon la loi adoptée le 9 décembre, l’Office sera remplacé par l’« Office de protection des victimes de crimes et des informateurs », dont la direction sera nommée par le gouvernement. L’entrée en vigueur est prévue pour le 1er janvier 2026. Le choix symbolique de la date, coïncidant avec la Journée internationale de lutte contre la corruption, a été perçu par de nombreux observateurs comme un signal politique provocateur.
Polémiques et réactions locales
Le débat public a été immédiat. Les ONG de lutte contre la corruption s’inquiètent que la nouvelle structure ne garantisse pas réellement la protection des lanceurs d’alerte et ne devienne qu’un organe formel sous contrôle de l’exécutif. La question de la sécurité des dénonciateurs, qui permettait jusqu’ici de signaler des abus au plus haut niveau, se pose désormais avec acuité.
Opposition présidentielle inattendue
Le président Peter Pellegrini, considéré comme un allié politique de Robert Fico, a opposé son veto à la loi, critiquant son adoption précipitée et le non-respect des recommandations de la Commission européenne. Selon lui, le nouveau dispositif ne fournit pas de garanties suffisantes pour protéger les lanceurs d’alerte et pourrait affaiblir la confiance du public dans les institutions. Malgré le dépassement du veto par le parlement le 12 décembre, Pellegrini a annoncé qu’il ne signerait pas la loi.
Critiques européennes et risques pour l’État de droit
La Commission européenne et le Parquet européen ont souligné que cette mesure contrevient au droit de l’UE et risque de compliquer la détection et l’enquête sur la corruption. Les analystes considèrent que ce pas s’inscrit dans un mouvement plus large de réduction de l’indépendance des mécanismes anti-corruption en Slovaquie, renforçant l’influence politique sur la justice et les organes de contrôle.
Vers un modèle à la hongroise ?
Certains observateurs voient dans ces mesures une volonté de reproduire le modèle hongrois, où le gouvernement de Viktor Orbán a progressivement contrôlé les tribunaux, le parquet et les organes anticorruption, entraînant une corruption systémique et des tensions prolongées avec l’Union européenne. Les indicateurs internationaux confirment l’inquiétude : en 2024, l’Indice de perception de la corruption de Transparency International place la Slovaquie à 49/100, contre 41 pour la Hongrie et 65 pour la moyenne européenne.
Implications pour la société et l’UE
Au sein de la société slovaque, les avis sont partagés. Certains considèrent la réforme comme technique, d’autres comme un tournant menaçant l’État de droit. Pour l’Union européenne, cette évolution constitue un test de sa capacité à défendre ses valeurs et règles. La réaction de Bruxelles et de la société civile sera déterminante pour savoir si cette décision marque le début d’un nouveau cycle de revanche politique ou un moment de mobilisation citoyenne pour protéger les droits et institutions.