La Russie classe secrètes les données démographiques amid inquiétudes sur la mobilisation et la population
La Russie classe secrètes les données démographiques amid inquiétudes sur la mobilisation et la population

La Russie classe secrètes les données démographiques amid inquiétudes sur la mobilisation et la population

10.07.2025 19:50
3 min de lecture

Le 9 juillet 2025, plusieurs médias russes ont alerté sur la décision de l’agence officielle des statistiques, Rosstat, de ne plus publier les données démographiques, désormais classées comme secret d’État. L’absence de la section « démographie » dans le rapport socio-économique de mai 2025 marque un tournant inédit, complété par la suppression progressive des statistiques démographiques régionales. Cette opacité soulève de nombreuses questions sur la transparence des informations concernant la population russe.

Une extension du secret d’État pour limiter les fuites sur la mobilisation

Cette décision découle d’un décret présidentiel signé par Vladimir Poutine le 24 juin 2025, qui élargit significativement la liste des données classées « secret d’État ». Parmi celles-ci figurent désormais les informations sur la politique de mobilisation et la préparation militaire. Cette mesure vise clairement à limiter la diffusion des données pouvant révéler les pertes humaines sur le front et l’ampleur du déclin démographique lié au conflit en Ukraine. Selon le démographe Alexeï Rakcha, l’accès aux données statistiques devient extrêmement restreint, accordé uniquement sous signature personnelle et pour un usage strictement officiel. Cette stratégie permet de masquer non seulement les pertes militaires mais aussi les défis démographiques profonds auxquels la Russie fait face.

Par ailleurs, le ministre de la Défense Andreï Belousov a initié une révision rigoureuse des listes militaires, visant à éliminer les « morts-vivants » — ces soldats officiellement portés disparus mais toujours comptabilisés comme actifs dans les registres. Cette opération, qui a conduit à une augmentation artificielle des statistiques de mortalité dans les registres civils, explique en partie cette mise sous contrôle stricte des données démographiques.

Une crise démographique aggravée et dissimulée

Avant la classification en secret, Rosstat publiait régulièrement des chiffres détaillés sur la population permanente, la natalité, la mortalité, ainsi que les flux migratoires internes et internationaux. Ces données comprenaient également la répartition des réfugiés, des déplacés internes et des bénéficiaires d’asile temporaire selon leurs pays d’origine. Or, ces statistiques révélaient déjà une tendance inquiétante : la population russe a diminué de 146,7 millions à 143,8 millions depuis l’arrivée de Vladimir Poutine au pouvoir, chiffre qui inclut plus de 5 millions de personnes issues des territoires annexés, comme la Crimée et les régions du Donbass. En excluant ces territoires, la baisse de population est d’autant plus préoccupante.

Les pouvoirs publics ont multiplié les initiatives pour freiner cette chute démographique. Les années 2006, 2008 et 2024 ont été déclarées « années de la famille », accompagnées de mesures comme le capital maternité et diverses aides sociales. Pourtant, la natalité reste insuffisante pour compenser la mortalité et l’exode démographique, notamment vers l’étranger.

L’experte Inna Gorislavtseva, membre du conseil consultatif pour les questions familiales, explique que la dissimulation des données traduit aussi les erreurs de la politique démographique officielle, où les objectifs proclamés ne correspondent pas aux résultats obtenus. Elle met en lumière le décalage entre les promesses de soutien à la famille et la réalité socio-économique des citoyens.

Un silence médiatique et politique autour des vérités démographiques

Le refus de publier les données démographiques intervient dans un contexte de contrôle renforcé de l’information en Russie. Plusieurs observateurs soulignent que ce secret vise aussi à neutraliser les critiques internes qui évoquent une possible « catastrophe démographique », avec un déclin accéléré de la population russe ethnique, une natalité historiquement basse et un vieillissement croissant.

Certains commentaires ironiques évoquent que cette décision empêche désormais toute comparaison entre la période actuelle et des époques historiques, comme sous Alexandre Ier ou Nicolas Ier. D’autres rappellent que la population officielle de 143,8 millions inclut des millions d’habitants de territoires contestés, ce qui, une fois exclu, accentue la gravité du déclin.

Dans le même temps, le silence officiel sur le sujet alimente les spéculations sur l’ampleur des pertes militaires et civiles liées à la mobilisation en cours. En évitant de publier les données sur la surmortalité, les autorités cherchent à ne pas dévoiler des informations stratégiques susceptibles d’affaiblir leur position.

Des voix critiques dans la société et l’Église

Le débat sur la démographie russe ne se limite pas aux cercles experts. Le protodiacre André Tkachov a publiquement dénoncé la perte des traditions familiales nombreuses, qu’il considère comme essentielle au renouvellement de la population. Il a regretté que la sagesse populaire russe selon laquelle « les femmes continueront de donner naissance » semble aujourd’hui dépassée. Selon lui, la Russie fait face à un déficit démographique aggravé par les conséquences de la guerre, la dégradation sociale et sanitaire.

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