La nuit de samedi à dimanche ne sera pas prolongée. Ce n’est pas en raison de la Fête de la musique, d’un mariage ou d’une soirée arrosée chez des amis d’enfance. En réalité, la brièveté de cette nuit s’explique par le solstice d’été qui aura lieu le 21 juin à 4h42 et 17 secondes, moment où le soleil sera à sa distance maximale de l’équateur, offrant ainsi aux habitants de l’hémisphère nord leur jour le plus long. Un jour qui s’annonce particulièrement chaud, avec des températures ressenties dépassant les 40 °C, rapporte TopTribune.
A l’aube de cette courte nuit, nous avons examiné l’un des refuges climatiques les plus efficaces contre la canicule : la forêt. Cette dernière recouvre 32 % du territoire métropolitain et a le potentiel de compenser 9 % de nos émissions de gaz à effet de serre. La forêt attire nombre d’entre nous pour des promenades ombragées, mais elle peut également inspirer une certaine crainte au crépuscule, en grande partie en raison des contes de notre enfance qui la présentent comme un lieu peuplé de loups et de créatures mystérieuses. Néanmoins, ne serait-ce pas un des endroits les plus sûrs au cœur de la nuit ?
Maman, j’ai peur du noir
La peur primordiale n’est pas tant la nuit elle-même que l’obscurité. « La peur du noir fait partie du développement d’un grand nombre d’enfants. C’est une peur archaïque que nous avons héritée de nos ancêtres. Avant que l’homme ne maîtrise le feu, il était crucial de se cacher la nuit pour échapper aux prédateurs, c’était une question de survie », explique Virginie Sotin, psychologue. Elle reçoit fréquemment des enfants terrifiés par cette obscurité qui les conduit à imaginer des monstres sous le lit ou dans le placard. « L’absence de lumière crée une vulnérabilité. Étant des êtres très visuels, la perte de la vue nous plonge dans la confusion. La visibilité nous rassure, nous permettant de détecter les dangers », poursuit-elle. L’obscurité peut éveiller d’autres peurs, suscitant des pensées de créatures telles que des araignées ou des loups, alors même que les risques d’attaques sont infimes.
Dans les profondeurs de la forêt, cette anxiété face à l’obscurité est renforcée par des zones d’ombre, des cachettes et des bruits environnants. Le vent, la pluie et le mouvement des animaux créent une atmosphère particulière. « Quand notre vision est compromise, nous nous en remettons à nos autres sens, en particulier l’audition. La forêt, sombre et dense, peut apparaître intimidante, mais avec le temps, on s’y habitue », rassure Hervé Le Bouler.
Un lieu tantôt calme, tantôt bruyant
Ancien forestier devenu expert sur les interactions entre la forêt et la société, Hervé Le Bouler a passé de nombreuses journées et nuits dans les bois. « La forêt possède cette particularité : on peut s’y perdre. Dans certains endroits, on peut marcher des jours entiers sans en sortir. Contrairement aux montagnes ou au bord de la mer, il n’y a pas de repères évidents. Dormir en forêt peut être à la fois paisible et bruyant avec l’animation des animaux nocturnes », constate-t-il.
Pour découvrir ce que cela fait de passer la nuit au milieu des arbres, nous avons interrogé Pauline Lara, une photographe animalière. « Au départ, cela me terrifiait. Les souvenirs d’enfance y jouent un rôle, aucune lumière ne laissant place à des réflexes de méfiance. Il existe un rythme particulier : il peut y avoir des moments de calme absolu suivis d’une explosion de bruits », partage-t-elle.
Avec le temps, Pauline Lara a su surmonter ses craintes, parfois camouflée dans la forêt. « La nuit, les animaux se comportent différemment. Leur méfiance à l’égard des humains semble diminuer. J’ai déjà croisé des chevreuils ou des blaireaux qui n’ont pas bougé », indique-t-elle. Ce phénomène peut aussi nous angoisser : rencontrer des animaux sauvages sans avoir pu les anticiper.
Le risque : « tourner en rond »…
Au fil des générations, les humains se sont éloignés de la nature, n’y allant que pour se divertir ou se promener. « Nous craignons l’inconnu. La forêt n’est plus notre habitat naturel, ce qui a créé une peur de devenir proie, même si les dangers sont presque inexistants », rappelle Virginie Sotin. La littérature regorge d’exemples de personnes se déplaçant la nuit, qu’il s’agisse de pèlerins cherchant à éviter la chaleur diurne ou de soldats. Généralement, tout se passe bien, du moment qu’on reste sur le chemin. « À part tourner en rond, il n’y a guère de risques », précise Hervé Le Bouler.
Il est intéressant de noter que le plus grand danger pour l’homme provient souvent d’autres humains. « Les situations où j’ai ressenti de la peur, c’est lorsque j’ai été suivie », témoigne Pauline Lara. Il ne faut pas idéaliser la forêt. Près des zones urbaines, elle peut être le théâtre d’activités illégales telles que le trafic de drogue ou d’autres crimes.
La forêt a également son lot de violences, souvent évoquées dans les rubriques de faits divers. Même si ces événements restent relativement rares, ils laissent une impression durable sur l’imaginaire collectif. « La forêt est souvent associée à des faits macabres. Cependant, la majorité des violences se produisent ailleurs. La forêt est un espace caché, utilisé quand on souhaite rester discret. Les statistiques montrent que la forêt est l’endroit le plus sûr en France », affirme Hervé Le Bouler. Bien que nous n’ayons pu vérifier cette affirmation par des données concrètes, il est évident que lors d’une nuit passée en forêt, il est peu probable de croiser qui que ce soit.