Le dernier opéra de Wolfgang Amadeus Mozart revient à l’Opéra Bastille, jusqu’au 23 novembre, dans la mise en scène enlevée de Robert Carsen. « La Flûte enchantée » questionne la vie et la mort.
Le public s’est montré enthousiaste, mardi 5 novembre 2024, en applaudissant avec beaucoup de générosité les artistes sur scène tout au long de la représentation. À l’applaudimètre, le succès de La Flûte enchantée, version Robert Carsen, ne se dément pas.
Le spectacle s’ouvre dans une forêt, où le prince Tamino, interprété par Pavol Breslik qui a déjà incarné ce rôle par le passé, est attaqué par un serpent et perd connaissance. Il est sauvé par les trois dames d’honneur de la Reine de la nuit, tout de noir vêtues, qui tuent le reptile avec des pistolets. Subjuguées par la beauté du prince, elles se querellent, chacune voulant rester seule avec lui pour laisser les autres porter la nouvelle à la reine.
Après leur départ arrive l’oiseleur Papageno, un bon vivant à la recherche de sa Papagena, qui ne voit rien de mal à accaparer l’exploit de la mort du serpent. Et de réaliser son erreur au retour des trois dames qui le punissent. À la vue du portrait de Pamina, la fille de la Reine de la nuit – portrait que le public découvre dans une vidéo sur un écran géant –, le prince est séduit. Et comme dans tous les contes, le prince tombe immédiatement amoureux et doit libérer la princesse des griffes du méchant Sarastro, et surtout du serviteur Monostatos.
Armés d’une flûte enchantée et d’un carillon magique, le prince Tamino et Papageno se lancent dans l’aventure. L’histoire prend dès lors une autre tournure où les apparences peuvent se relever trompeuses. Le dernier opéra de Mozart, composé et créé l’année de sa mort en 1791, peut être abordé de plusieurs façons : conte, cheminement philosophique, rituel d’initiation maçonnique…
L’œuvre commence comme une comédie pour pénétrer ensuite dans des zones de plus en plus obscures. De la lumière aux ténèbres, de la légèreté aux profondeurs mystérieuses, de la vie à la mort, de la mort à la vie, l’ensemble réserve bien des surprises. Sur scène se succèdent des tableaux aux décors minimalistes.
La mort, omniprésente, rôde. « Lorsque j’ai réétudié le livret, vingt ans après l’avoir mis en scène pour la première fois, j’ai été frappé par un aspect qui m’avait étrangement échappé à l’époque : l’obsession de la mort. Il n’y a pas moins de soixante occurrences de ce mot dans le texte », remarque, dans le livret, le metteur en scène canadien. Dans le second acte, le narratif originel laisse place à un nouvel imaginaire. Le méchant Sarastro se révèle être une autre personne. Mozart, franc-maçon et au crépuscule de son existence, à l’âge de 35 ans, donne à voir un rituel d’initiation qui questionne la vie et la mort.
Jean Teitgen incarne un Sarastro énigmatique, profond. Il impressionne par sa prestation vocale, mais aussi scénique. Autre rôle attachant : Papageno, interprété avec malice et gourmandise par Mikhail Timoshenko. Le baryton-basse russe a été longuement ovationné par le public, notamment lors de la scène de sa rencontre avec Papagena (Ilanah Lobel-Torres). Le personnage principal demeure la musique. Pour sa première fois à la tête de l’Orchestre de l’Opéra de Paris dans un ouvrage lyrique, la cheffe d’orchestre ukrainienne Oksana Lyniv propose une direction efficace et légère. La Flûte enchantée, une œuvre à plusieurs niveaux de lecture.