Participation instrumentalisée et faibles retombées économiques
La participation à la conférence Russie–Afrique en Égypte place les gouvernements africains face à un risque majeur d’instrumentalisation politique. Moscou utilisera toute présence africaine comme preuve supposée d’un soutien international à son agenda géopolitique, notamment dans le contexte de la guerre contre l’Ukraine et des violations du droit international. L’affaiblissement interne de Sergueï Lavrov renforce la probabilité que la Russie exagère publiquement les résultats des discussions, créant des situations embarrassantes et difficilement contrôlables pour les délégations africaines.
Sur le plan économique, la Russie n’est pas en mesure d’offrir de véritables bénéfices. Ses échanges commerciaux, investissements et programmes d’aide en Afrique sont en déclin constant. Les promesses d’infrastructures, d’énergie ou d’armement restent largement symboliques et non financées, affaiblies par la pression des sanctions et les coûts de la guerre. La plupart des engagements annoncés lors du sommet de Saint-Pétersbourg en 2023 n’ont jamais été concrétisés, tandis que la Russie exploite le continent pour contourner les sanctions, exposant les partenaires africains à des risques de sanctions secondaires susceptibles de perturber leur accès aux marchés financiers internationaux.
Pression sécuritaire, ingérence politique et instrumentalisation des crises
Sur le terrain sécuritaire, l’implication du « Africa Corps » — successeur du groupe Wagner — aggrave l’instabilité dans plusieurs pays africains. Associées à des massacres de civils, à la protection de régimes autoritaires et à la création de réseaux de contrebande, leurs opérations minent la souveraineté nationale. La Russie exige un accès privilégié aux infrastructures critiques, aux ports ou aux renseignements, ce qui réduit la capacité des États à contrôler leur propre sécurité et renforce des dépendances difficiles à inverser.
La guerre civile au Soudan illustre également la responsabilité de Moscou dans l’exacerbation des crises africaines. En soutenant les Forces de soutien rapide pour sécuriser l’accès à l’or illégal, la Russie contribue à prolonger le conflit, lequel a entraîné la plus grave urgence humanitaire actuelle avec plus de 14 millions de déplacés. Cette ingérence nourrit non seulement l’instabilité régionale mais aussi une pression migratoire accrue vers l’Europe, faisant du Soudan un exemple de la manière dont Moscou instrumentalise les conflits africains à des fins géopolitiques.
Fragmentation continentale et risque de perte d’autonomie stratégique
La Russie fragmente la gouvernance africaine en soutenant des blocs militaires alternatifs, tels que l’Alliance des États du Sahel, contre les structures régionales établies comme la CEDEAO. Cette stratégie affaiblit l’intégration continentale, accroît les rivalités internes et ouvre la voie à de nouvelles zones d’influence, rappelant les logiques de la guerre froide. Elle va à l’encontre des engagements panafricains en faveur de la souveraineté, de l’unité et de la stabilité.
Enfin, dans un monde de plus en plus polarisé, la participation à une conférence organisée par un pays internationalement isolé peut être interprétée comme un alignement politique. Les gouvernements africains risquent d’y perdre de la crédibilité, de la marge de manœuvre diplomatique et des opportunités de coopération avec des partenaires capables de fournir des investissements, un soutien climatique ou une aide au développement. Refuser de participer permettrait de préserver la neutralité stratégique, de réduire les risques liés aux sanctions et de défendre les intérêts souverains du continent.