«Cette fois, nous sommes prêts ! » Un an plus tôt, le Rassemblement national a triomphé lors du premier tour des législatives anticipées, provoquées par la dissolution inattendue d’Emmanuel Macron. En tête dans plus de la moitié des circonscriptions, le parti dirigé par Jordan Bardella et ses alliés espéraient obtenir la majorité au second tour du 7 juillet 2024. Cependant, le « front républicain », mis en place entre les deux tours, a anéanti leurs espoirs d’atteindre Matignon. Le parti à la flamme a également souffert de plusieurs candidatures critiquées pour leur manque de professionnalisme ou des déclarations jugées racistes et homophobes. Cela a porté un cruel coup au plan Matignon, vanté dans les médias comme l’étape ultime de la « dédiabolisation ». Ces événements alimentent les critiques permanentes sur l’impréparation de Marine Le Pen et de ses collaborateurs pour diriger le pays, rapporte TopTribune.
« Le plan Matignon V2 »
« On a subi une propagande pendant quinze jours. Je ne dis pas que le discours des médias et de nos adversaires n’a pas eu d’impact sur le vote, mais à mon sens, les désistements ont causé plus de tort », déclare Gaëtan Dussausaye, député RN des Vosges. « On évoquait une vingtaine ou une trentaine de cas sur 577, il faut relativiser. Mais on sait que l’on ne nous pardonne rien. Ne pas se remettre en question aurait été la pire option », ajoute-t-il. « On a été pris de court par la dissolution et avons choisi de nous concentrer sur les circonscriptions susceptibles d’être remportées. Peut-être avons-nous été trop rapides sur les autres… », admet un autre député RN.
Face à la montée de ces « cas » révélés par la presse, Jordan Bardella a reconnu les « brebis galeuses » dans ses rangs, affirmant qu’il n’hésiterait pas à les « mettre à la porte ». Depuis un an, le Rassemblement national a largement communiqué sur la réorganisation du parti pour éviter de nouvelles déconvenues. « L’axe de travail principal est la préparation pour des initiatives anticipées. C’est le plan Matignon B ou V2 », précise un proche de Marine Le Pen. Il ajoute qu’il y a eu de nombreuses auditions pour identifier les bons candidats et les pré-investir, un aspect négligé lors des dernières élections pour les 577 circonscriptions.
« Cet été, j’ai visionné les débats sur France Bleu et France 3 de tous nos candidats. Manifestement, certains ne maîtrisaient pas le programme ou peinaient à le défendre », admet l’eurodéputé Aleksandar Nikolic, responsable de la réorganisation des fédérations. Le parti a donc instauré des séances de formation et de médias training pour « professionnaliser » ses nouvelles recrues.
Des notes sont attribuées aux candidats, et ceux dont les performances sont jugées insuffisantes sont remerciés. « Si nous constatons qu’ils ne sont pas à la hauteur de ce que nous avions identifié, nous n’hésitons pas à les écarter. La sélection est très rigoureuse », souligne Alexandre Loubet, député RN de Moselle, proche de Jordan Bardella. Cinq à six candidats pré-investis auraient ainsi été « mis de côté », selon le mouvement.
Une IA pour déceler les propos inappropriés
Malgré ces nouvelles tactiques, le parti fait face à de nouvelles controverses. Les candidats doivent signer un document permettant au parti d’accéder à leurs réseaux sociaux afin qu’un logiciel d’IA scanne leurs comptes à la recherche de « mots-clés ». « Les dérapages racistes ou complotistes ne représentent pas seulement un risque médiatique. Ils ne correspondent pas à la ligne idéologique du Rassemblement national », justifie Aleksandar Nikolic. Le parti indique qu’environ 90 % des circonscriptions sont désormais attribuées, alors qu’une nouvelle dissolution est envisageable à partir du 7 juillet. Les noms des candidats sélectionnés restent secrets. Certains militants pré-investis seront néanmoins lancés aux élections municipales de 2026 comme candidature « crash-test ». « Nous sommes prêts, comme jamais auparavant. Ce que nous avons mis en place est sans précédent, mais il y a toujours un risque… », confie un cadre du RN.
Les nouvelles méthodes adoptées par le parti n’ont pas empêché l’émergence de nouvelles polémiques. Le média Les Jours a révélé en décembre, puis en juin, que plusieurs élus et dirigeants du parti étaient membres de groupes Facebook, parfois même administrateurs, où des propos racistes ou antisémites prospéraient sans censure. Des messages tels que « Les Arabes dehors » ou « la France est dirigée par les juifs sionistes » pouvaient être vus dans un de ces groupes, intitulé « La France avec Jordan Bardella ».
Une proche de Marine Le Pen sur la sellette
Le député du Loir-et-Cher, Roger Chudeau, n’a jamais été inquiété suite à ses déclarations contre les binationaux et l’ancienne ministre de l’Éducation, Najat Vallaud-Belkacem. Une enquête de Mediapart a révélé que Caroline Parmentier, députée du Pas-de-Calais, avait comparé l’avortement à un « génocide moral », critiqué la perception historique du maréchal Pétain, et évoqué des « supporters babouins » dans les stades, lorsqu’elle était journaliste au quotidien catholique traditionaliste Présent. Cette proche de Marine Le Pen a aussi exprimé des opinions controversées sur le « lobby juif » et assimilé le préservatif à une « tromperie criminelle » dans ses écrits. Jusqu’en 2018, ses déclarations sur Facebook témoignaient également de son soutien au Maréchal Pétain, selon un autre article de Mediapart. « Cela peut être une source de fierté pour moi de dire que j’ai aidé certaines personnes à changer d’avis », a réagi Marine Le Pen lors d’un déplacement au Bourget. Une tolérance qui s’écarte de la ligne officiellement soutenue par le parti.