Investissements étrangers, contrats d'armement, discussions diplomatiques… Quels sont les enjeux de la visite de Donald Trump dans le Golfe ?
Investissements étrangers, contrats d'armement, discussions diplomatiques… Quels sont les enjeux de la visite de Donald Trump dans le Golfe ?

Investissements étrangers, contrats d’armement, discussions diplomatiques… Quels sont les enjeux de la visite de Donald Trump dans le Golfe ?

13.05.2025
6 min de lecture

Le président américain se rend en Arabie saoudite, au Qatar et aux Emirats arabes unis à partir de mardi. Contrairement à son dernier séjour dans la région, en 2017, aucun arrêt n’est prévu en Israël.

Le président américain, Donald Trump, et le prince héritier d'Arabie saoudite, Mohammed ben Salmane, le 13 mai 2025, à Riyad (Arabie saoudite). (BRENDAN SMIALOWSKI / AFP)
Le président américain, Donald Trump, et le prince héritier d’Arabie saoudite, Mohammed ben Salmane, le 13 mai 2025, à Riyad (Arabie saoudite). (BRENDAN SMIALOWSKI / AFP)

Une visite qui sera scrutée de près. Donald Trump est arrivé, mardi 13 mai, en Arabie saoudite, puis doit se rendre au Qatar et aux Emirats arabes unis. La tournée devrait être riche d’annonces concernant des contrats économiques, mais sera aussi l’occasion d’échanger sur les tensions au Moyen-Orient, de la guerre à Gaza à la question du nucléaire iranien. Franceinfo fait le point sur les enjeux de son déplacement.

Des objectifs économiques…

Pendant son premier mandat, le milliardaire républicain avait réservé son premier déplacement international à l’Arabie saoudite, plutôt qu’à des alliés traditionnels tels que le Canada ou le Royaume-Uni. Huit ans plus tard, il voulait faire de même, avant que les funérailles du pape François ne le conduisent à effectuer d’abord un aller-retour à Rome. Ce choix « montre que le président Donald Trump a d’autres priorités que ses prédécesseurs sur le plan géopolitique, et une autre conception des alliances que tissent les Etats-Unis avec le monde extérieur », pointe Hasni Abidi, directeur du Centre d’études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen (Cermam) et chargé de cours à l’université de Genève.

« L’intérêt de l’administration américaine, ce sont les investissements économiques. (…) Donald Trump va là où il y a de l’argent, c’est un faiseur de deals. »

Cette orientation a été confirmée par la porte-parole de la Maison Blanche, Karoline Leavitt, qui a évoqué début mai le « retour historique » de Donald Trump dans la région pour promouvoir une vision « où l’extrémisme est éliminé au profit de relations commerciales et culturelles »

Alors que l’économie américaine a été mise à mal par la guerre commerciale lancée par Donald Trump, forçant ce dernier à multiplier les revirements, le président américain compte sur la conclusion de contrats juteux avec les pays du Golfe, dans des domaines aussi variés que la défense, l’énergie ou l’intelligence artificielle, pour « redonner confiance à l’industrie et aux marchés américains », analyse Hasni Abidi. Début mai, les Etats-Unis ont ainsi annoncé la vente à l’Arabie saoudite de missiles pour un total de 3,5 milliards de dollars (environ 3,11 millions d’euros). Le prince héritier saoudien, Mohammed ben Salmane, a, lui, promis en janvier d’injecter sur quatre ans 600 milliards de dollars (environ 533 milliards d’euros) dans le commerce et les investissements aux Etats-Unis.

Enfin, la question du prix du pétrole devrait aussi être abordée. L’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis ont décidé, avec les autres pays de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole et ses alliés (Opep+), d’augmenter fortement leur production de pétrole. De quoi mettre Donald Trump, que toute baisse du cours du brut enchante, dans les meilleures dispositions.

Ces investissements s’inscrivent dans la continuité de l’approche traditionnelle des dirigeants du Golfe, consistant à octroyer des contrats juteux pour gagner en influence à Washington, relève auprès de l’AFP Hasan Alhasan, du centre de réflexion International Institute for Strategic Studies. « Pendant des décennies, les achats d’armes colossaux des Etats du Golfe ont rempli les poches des entreprises de défense américaines dont les PAC [comités d’action politique] sont parmi les plus grands donateurs des campagnes électorales américaines », souligne-t-il. « Un retour aux Etats-Unis avec un carnet de commandes bien garni » constituerait par ailleurs « une victoire », ajoute Hasni Abidi, alors que Donald Trump a pour l’instant échoué à accomplir les objectifs qu’il s’était lui-même fixés sur le plan international.

… y compris pour la Trump Organization elle-même

Les Etats-Unis ne sont pas les seuls à bénéficier de contrats économiques avantageux avec les pays du Golfe : le clan Trump dispose de nombreux intérêts privés dans la région. Du terrain de golf à Dubaï (Emirats arabes unis) à la tour Trump à Jeddah (Arabie saoudite), en passant par un projet de 4 milliards de dollars à Oman, la Trump Organization mise sur l’essor du tourisme et de l’immobilier de luxe dans ces monarchies pétrolières, lancées dans une course à la diversification. Le conglomérat est dirigé depuis 2016 par Donald Junior et Eric Trump, deux fils du président américain, mais leur père est resté actionnaire à travers un trust.

Et les liens du clan Trump avec le Golfe ne se limitent pas à l’immobilier. En avril, lors d’une conférence sur les cryptomonnaies à Dubaï, Eric Trump et Zach Witkoff – le fils de l’envoyé de Trump au Moyen-Orient – ont annoncé que le fonds émirati MGX utiliserait USD1, une cryptomonnaie développée par leur société, pour investir 2 milliards de dollars (1,8 million d’euros) dans la plateforme de cryptoactifs Binance. De son côté, Trump Junior a été invité à s’exprimer ce mois-ci au Forum économique du Qatar.

Interrogée au cours de la semaine passée sur la possibilité que Donald Trump effectue des visites ou tienne des réunions liées à ses propres intérêts commerciaux ou à ceux de sa famille, la porte-parole de la Maison Blanche a qualifié de « ridicule » cette suggestion, ajoutant même qu’il avait « perdu de l’argent en étant président ».

« Les gouvernements du Golfe voient probablement la présence de la marque Trump dans leur pays comme un moyen d’être bien vu par la nouvelle administration », affirme auprès de l’AFP Robert Mogielnicki, de l’Institut des Etats arabes du Golfe à Washington. « Ce sont les pays du Golfe eux-mêmes qui ont démarché les membres de la famille de Donald Trump, en leur proposant des partenariats, connaissant l’attachement de Donald Trump à la prospérité familiale », note le chercheur Hasni Abidi.

Des échanges diplomatiques avec des acteurs de plus en plus influents

Le déplacement trumpien ne sera néanmoins « pas qu’une affaire de chiffres, c’est aussi une visite d’ordre politique », souligne Hasni Abidi. Le président américain rencontrera à Riyad les dirigeants des six pays du Conseil de coopération du Golfe (Arabie saoudite, Emirats arabes unis, Bahreïn, Qatar, Koweït et Oman), dont l’influence diplomatique ne cesse de croître, comme en témoigne le rôle de médiation joué par certains d’entre eux dans la guerre en Ukraine ou à Gaza.

En échange de leurs investissements colossaux, ces Etats chercheront probablement à influencer la position de Donald Trump sur les grands sujets régionaux, pointe Hasni Abidi. Les discussions entre Etats-Unis et Iran sur le nucléaire (dont une nouvelle session a eu lieu durant le week-end passé à Oman), les attaques des houthis du Yémen (avec lesquels Washington vient de conclure un cessez-le-feu) mais aussi la guerre à Gaza (où les Américains ont annoncé une initiative humanitaire) seront ainsi certainement au programme.

Fin avril, Donald Trump a dit à Time Magazine être convaincu que l’Arabie saoudite reconnaîtrait Israël. Mais Riyad continue de conditionner toute normalisation avec l’Etat hébreu à la création d’un Etat palestinien, à laquelle s’oppose le gouvernement de Benyamin Nétanyahou. Face à la situation humanitaire catastrophique à Gaza, les spécialistes de la région s’accordent à dire qu’une normalisation des relations entre l’Arabie saoudite et Israël, projet un temps cher à Donald Trump, n’est plus d’actualité. Mais le président américain pourrait néanmoins assurer son soutien au projet des Saoudiens de développer un arsenal nucléaire civil, jusque-là conditionné à cette normalisation des relations.

Au-delà de ces points précis, la visite de Donald Trump agit comme une « relégitimation » des pays du Golfe « et de leur rôle à l’international », explique Hasni Abidi. Le sujet des droits humains, qui avait causé des frictions entre Riyad et l’ancien président démocrate Joe Biden, ne devrait en effet pas troubler le déplacement.

Enfin, contrairement à sa tournée de mai 2017, Donald Trump n’ira pas en Israël, une omission qui confirme des tensions, mais ne marque pas de véritable inflexion, selon Hasni Abidi. « On sait qu’il y a un froid entre Trump et Nétanyahou maintenant, mais la relation est importante et le fait de ne pas avoir d’escale à Tel-Aviv ou Jérusalem durant cette tournée ne change pas la nature profonde des relations entre les deux pays. »

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