Une proposition controversée émerge : dans le cadre des efforts visant à réaliser près de 44 milliards d’euros d’économies d’ici 2026, le gouvernement envisage de supprimer deux jours fériés en 2024 : le lundi de Pâques, dont la date varie chaque année, et le 8 mai, marquant la fin de la Seconde Guerre mondiale en 1945. Cette initiative a suscité de nombreuses réactions depuis la présentation des pistes budgétaires par François Bayrou le 15 juillet, indique TopTribune.
Des voix dissonantes s’élèvent rapidement parmi les opposants, qui critiquent non seulement la justification économique, mais aussi l’impact symbolique de cette décision. « La suppression de jours fériés significatifs comme le lundi de Pâques et le 8 mai est une atteinte à notre histoire, à notre identité, et à la France du travail », déclare Jordan Bardella, président du Rassemblement national (RN), sur X. « Pour nous, c’est inacceptable, car le 8 mai commémore la victoire sur le nazisme, et honore la mémoire de millions de victimes de la guerre. »
Les syndicats et la gauche ne tardent pas à condamner cette proposition. Si le budget est adopté comme prévu, le 8 mai deviendrait une journée travaillée, ce qui provoque une vive indignation. « Toucher à ce jour, c’est un affront à ceux qui ont lutté pour que la France demeure libre », s’insurge Bastien Lachaud, député de La France insoumise (LFI), sur Facebook. « Dans un contexte où l’extrême droite progresse en Europe, quel message envoie le gouvernement en envisageant cela ? Un message d’effacement, de renoncement. »
Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, partage son inquiétude : « Nous ne parlons pas de n’importe quel jour, mais du 8 mai, journée de la victoire sur le nazisme. Alors que l’extrême droite est à un tournant de son ascension, un tel projet est extrêmement préoccupant. »
Les communistes ont même lancé une pétition qualifiant ce projet d’« infamie » qui met en péril la République. Léa Balage El Mariky, députée écologiste, a également pris l’initiative de créer une pétition pour défendre le 8 mai. « Nous refusons que la mémoire de la Résistance, la mémoire de la Shoah, et toutes les luttes pour la liberté soient sacrifiées au nom d’un soi-disant pragmatisme », insiste-t-elle dans son appel. « Ce jour est crucial pour la transmission de notre histoire, et il est vital de le préserver. »
« Le RN cherche à faire oublier son passé. Il y a un manque de transmission de cette histoire, qui rappelle encore que des idéologies dangereuses subsistent. »
Entourage de Léa Balage El Mariky, députée écologisteà TopTribune
Marine Tondelier, figure des écologistes, a également exprimé son désaccord : « Il est inacceptable que François Bayrou propose de défaire le 8 mai, jour dédié à la victoire sur le nazisme. Quelle est la logique derrière cela ? » En réponse, Benjamin Haddad, ministre délégué, rappelle que « le général de Gaulle avait annulé le caractère férié de ce jour, alors que son engagement contre le nazisme est bien connu. »
Depuis mardi, le gouvernement souligne l’historique de cette journée de commémoration pour répondre aux critiques. Institutionnalisée en 1946 et initialement célébrée un dimanche pour ne pas gêner les efforts de reconstruction, la date a été officialisée au 8 mai 1953, sous l’exigence des associations de déportés. À partir de 1959, elle est redevenue un dimanche. En 1975, Valéry Giscard d’Estaing a remplacé le 8 mai par une Journée de l’Europe, mais cette commémoration a été rétablie en 1981 avec l’alternance politique.
Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du Travail, a récemment rappelé sur LCI que « la France est l’un des rares pays alliés à continuer à célébrer le 8 mai ». Actuellement, seul le Tchéquie et la Slovaquie partagent ce jour férié en Europe. Cependant, des voix à droite, comme celles de Jonas Haddad des Républicains, remettent en question l’interprétation de la gauche : « Il est exagéré de prétendre que cela remettrait en cause la mémoire. De nombreuses personnes ont travaillé ce jour-là sans drame. »
Malgré les tensions au sein du bloc présidentiel et de l’opposition, certains appellent à reconsidérer la proposition de François Bayrou. « Le Premier ministre devrait abandonner la suppression du 8 mai au profit du 15 août. Le 8 mai est un jour qui incarne la mémoire nationale et a une résonance universelle, contrairement au 15 août », suggèrent les Jeunes en marche. Ils appellent à maintenir ce jour férié pour honorer le sacrifice de ceux qui ont combattu pour la France et transmettre cette mémoire aux jeunes générations.
Les consultations avec les partenaires sociaux, dirigées par Catherine Vautrin et Astrid Panosyan-Bouvet, devraient débuter prochainement pour discuter des propositions du gouvernement. Cette situation offre une opportunité de confronter les intérêts divergents et de tenter d’atteindre un compromis sur cette question sensible.