Incendies, grèves, IA : les petites mains de Hollywood en pleine crise existentielle avant les Oscars
Incendies, grèves, IA : les petites mains de Hollywood en pleine crise existentielle avant les Oscars

Incendies, grèves, IA : les petites mains de Hollywood en pleine crise existentielle avant les Oscars

25.02.2025
3 min de lecture

Grèves historiques qui ont paralysé la capitale du cinéma pendant six mois en 2023, bouleversements liés au streaming, exode des productions audiovisuelles hors de Californie… Les petites mains de Hollywood souffrent.

Cette année, Dutch Merrick n’aura pas le cœur à la fête lorsqu’il regardera les Oscars dimanche 2 mars : comme de nombreuses petites mains de Hollywood, cet accessoiriste vient de perdre sa maison dans les incendies meurtriers qui ont ravagé Los Angeles en janvier.

« Le travail a disparu », souffle Dutch Merrick habituellement embauché comme armurier sur les plateaux. « Personne de notre génération n’aurait pu imaginer que le flux de productions se réduirait à peau de chagrin. » Faute d’avoir cumulé assez d’heures, il a perdu son assurance maladie. Pour s’en sortir, il fréquente la banque alimentaire de l’IATSE, le syndicat des métiers techniques de Hollywood – monteurs, décorateurs, cadreurs, costumières et maquilleuses.

Les volontaires y voient défiler chaque semaine une quarantaine de familles, venues s’approvisionner en fruits, légumes et produits ménagers, dans leur local près des studios Warner Bros. Lancée pendant la grève des scénaristes et des acteurs en 2023, cette initiative va durer, selon le syndicaliste Dejon Ellis. Car Hollywood subit actuellement une « contraction », qui « a entraîné une baisse (du volume) de travail d’environ 30 à 35% » par rapport à 2021.

« Fondements ébranlés »

« Les incendies ont aggravé les problèmes que les gens rencontraient en raison de la pénurie d’emplois », soupire-t-il. Le moteur économique de Los Angeles s’est enrayé en 2024. L’organisation FilmLA a recensé seulement 23 480 jours de tournage dans la ville et sa région, un plus bas historique en trente ans de statistiques – si l’on exclut le gel complet de la production provoqué par la pandémie en 2020. La faute à l’éclatement de « la bulle du streaming », selon Dejon Ellis.

Finie, l’époque où chaque studio tentait d’imiter Netflix et lançait des séries tous azimuts. Sous la pression des actionnaires, chacun veut rentabiliser sa plateforme maison. Résultat, ils produisent moins et délocalisent : après la concurrence d’autres États américains comme le Nouveau-Mexique et la Géorgie, Los Angeles subit celle de pays comme la Thaïlande, la Hongrie ou l’Afrique du Sud, qui proposent des avantages fiscaux alléchants pour y tourner. « Les fondements mêmes de Hollywood sont ébranlés », s’alarme Dutch Merrick. « Les incitations fiscales ont provoqué un nivellement par le bas. »

L’armurier a le sentiment d’appartenir à un secteur en déclin, après les mutations des dernières années. SEAL Team, la dernière série militaire à laquelle il participait avant les grèves, est passée de 22 à 10 épisodes par saison, dont certains filmés au Mexique. « Ce n’est pas suffisant pour gagner sa vie », regrette-t-il.

« Intelligence artificielle »

Pour soutenir Hollywood, la Californie compte doubler le montant des crédits d’impôt destinés au cinéma et à la production audiovisuelle. Mais Veronica Kahn doute que cela suffise face aux bouleversements de l’époque. « Les gens passent plus de temps à regarder des tonnes de vidéos de 30 secondes sur TikTok, ils ont moins de temps pour les films et les séries », regrette cette ingénieure du son. « Et pendant le Super Bowl, cette année, les publicités n’utilisaient pas tellement d’acteurs, mais beaucoup d’intelligence artificielle ou d’animation. Donc nos boulots sont déjà en train de disparaître. »

La série qui la faisait vivre a été interrompue en mai 2023 par les grèves des scénaristes et des acteurs, réclamant de meilleurs salaires et des garde-fous contre l’usage de l’IA. Ils ont obtenu gain de cause, mais à son détriment. Lorsque le tournage a repris début 2024, « on m’a dit qu’avec tout l’argent supplémentaire dû aux scénaristes et aux acteurs, la production ne pouvait pas se permettre d’embaucher une personne supplémentaire pour le son », raconte-t-elle. Depuis, « à chaque fois que je rencontre un producteur, on me dit que c’est pour un tournage en dehors de Los Angeles », souffle cette Californienne. Après avoir renoncé aux sorties au restaurant et annulé tous ses abonnements de streaming, elle a été soulagée de trouver la banque alimentaire de l’IATSE.

Depuis les incendies, les studios ont eux débloqué des centaines de millions de dollars d’aide. Mais dans son local syndical, Dejon Ellis préférerait qu’ils s’engagent autrement : « Si vous voulez vraiment aider les victimes des incendies, faites plus de films et de séries ici à Los Angeles », lance-t-il.

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