Guerre en Ukraine : en Russie, l'hypothèse d'un cessez-le-feu accueillie avec défiance sur les médias et les réseaux sociaux
Guerre en Ukraine : en Russie, l'hypothèse d'un cessez-le-feu accueillie avec défiance sur les médias et les réseaux sociaux

Guerre en Ukraine : en Russie, l’hypothèse d’un cessez-le-feu accueillie avec défiance sur les médias et les réseaux sociaux

13.03.2025
3 min de lecture

Kiev a apporté son soutien à la proposition américaine d’une trêve de 30 jours entre la Russie et l’Ukraine. Mais les blogueurs militaires russes rejettent cette idée avec virulence alors que leurs troupes progressent dans la reprise de la région de Koursk.

Se rapproche-t-on d’une accalmie dans la guerre en Ukraine ? Des négociateurs américains sont attendus à Moscou, jeudi 13 mars, où ils présenteront au Kremlin la proposition américaine de cessez-le-feu de 30 jours. « Des contacts sont prévus », a déclaré le porte-parole Dmitri Peskov, qui avait déjà dit attendre des détails sur ce projet d’accord. Vladimir Poutine pourrait aborder la question lors de la conférence de presse organisée à Moscou après la visite de son homologue biélorusse, Alexandre Loukachenko. Dmitri Peskov a ajouté que le conseiller américain à la sécurité nationale, Mike Waltz, et le sherpa diplomatique de Vladimir Poutine, Iouri Ouchakov, s’étaient appelés mercredi. Mais en Russie, ces éventuels pourparlers sont accueillis avec prudence, voire rejet, sur les médias et les réseaux sociaux, par les commentateurs militaires.

Moscou, jusqu’ici, n’avait guère commenté la rencontre entre les délégations de Washington et de Kiev mardi à Djeddah, en Arabie saoudite, à l’issue de laquelle l’Ukraine a exprimé son soutien à la proposition américaine. « Pas d’emballement », avait balayé Dmitri Peskov, quand l’agence Tass lui avait demandé la position officielle sur la proposition américano-ukrainienne. Il faut dire que l’armée russe reprend du terrain dans les territoires occupés de la région de Koursk. Vêtu d’une tenue militaire, Vladimir Poutine a lui-même rendu visite à ses troupes mercredi et réclamé la libération rapide de la zone. Jeudi, la Russie a revendiqué la reprise de Soudja, la principale ville conquise par l’Ukraine dans la région, ce qui concrétise les succès récents de la contre-offensive.

« Un délai de 30 jours pour réarmer l’Ukraine »

Il est peu probable que Moscou baisse immédiatement les armes, en tout cas avant d’avoir reconquis l’intégralité du territoire de son oblast frontalier de l’Ukraine. Le timing de la proposition est souligné par le journaliste russe Andreï Medvedev : « Juste au moment où les forces armées ukrainiennes sont sur le point d’être écrasées à Soudja ? », s’interroge-t-il.

« Aucun journaliste américain n’a songé à ce qui se passerait à la fin » du cessez-le-feu, a également commenté l’éditorialiste Vladimir Kornilov, du groupe de médias Rossia Segodnia. « Ni pourquoi la Russie devrait accorder à l’Ukraine et à ses sponsors occidentaux un délai de 30 jours pour réarmer l’Ukraine et préparer de la nouvelle chair à canon. » En réponse au soutien de Kiev à son projet de cessez-le-feu, Washington a levé mardi la suspension de son aide militaire et du partage de renseignement.

Les blogueurs militaires et les correspondants de guerre, désignés génériquement sous le terme de « voenkor », rejettent aussi largement la proposition américaine. Cette frange radicale, qui s’appuie sur des chaînes Telegram aux centaines de milliers d’abonnées, souhaite que l’armée russe continue d’exploiter les récents succès dans la région de Koursk. « Mettez-vous vos initiatives de paix dans le c.. », a réagi Alexander Kots, dans un langage fleuri. « L’année dernière, nous vous avions donné les conditions pour un cessez-le-feu et vous avez répondu par une invasion » dans la région de Koursk, où l’armée ukrainienne avait saisi les territoires que la Russie est en passe de reprendre.

« Les accords s’écrivent sur le front »

Les « voenkor » dénoncent notamment une possibilité offerte à l’Ukraine de prendre un peu de répit pour se réorganiser. « La Maison Blanche veut donner aux forces armées ukrainiennes le temps de compenser leurs pertes et d’avoir la possibilité d’attaquer à nouveau », résume également le canal Telegram Archange des Spetsnaz, qui a dévoilé les images de Soudja, mercredi. « L’initiative est entre nos mains », ajoutent les auteurs, estimant que la mise en œuvre d’un cessez-le-feu signifierait simplement le « report des prochaines batailles ».

Cette pause potentielle « est au carrefour de mauvaises décisions pour la Russie et de bonnes pour les Etats-Unis », s’inquiète cependant Roman Saponkov, correspondant militaire. Moscou, affirme-t-il, n’aurait aucune garantie sur ses « objectifs initiaux » et s’exposerait même à de nouvelles sanctions, notamment contre la flotte fantôme. « Joe Biden va passer comme un grand-père bienveillant » comparé à son successeur Donald Trump, craint-il.

« Les véritables accords sont en train d’être rédigés sur le front », tempête au contraire Konstantin Kosatchev, vice-président du Conseil de la Fédération – l’équivalent du Sénat en Russie. Le responsable évoque ainsi le rapport de force actuellement favorable aux troupes russes et veut croire que « les accords seront conclus selon nos conditions et pas celles des Américains. » Plusieurs éditorialistes apportent également une lecture plus nuancée des pourparlers, et pointent l’opportunité pour Moscou de négocier des concessions. Pour Sergueï Markov, « la condition d’une trêve pourrait être un embargo sur les livraisons d’armes à l’Ukraine », de la part des Etats-Unis mais aussi des autres alliés de l’Ukraine réunis au sein du Groupe de contact sur la défense de l’Ukraine, qui inclut notamment l’intégralité de l’Otan. « Eux aussi devraient être intégrés à la trêve, car ils participent en réalité à une guerre par procuration », juge ce commentateur russe, en écho à la rhétorique de Moscou.

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