Les cheminots réclament principalement une hausse des rémunérations et une meilleure anticipation des emplois du temps, qu’ils jugent trop souvent modifiés à la dernière minute.
Une « bataille » qui ne fait que commencer. Plusieurs catégories de personnel, au sein des cheminots de la conduite et du contrôle, sont appelés à faire grève depuis lundi 5 mai et jusqu’à dimanche. Deux syndicats de la SNCF, la CGT-Cheminots et SUD-Rail, ont déposé plusieurs préavis de grève pour cette semaine, durant laquelle beaucoup de Français ont prévu de « faire le pont » après le 8 mai férié. Un influent collectif de contrôleurs baptisé Collectif national ASCT (CNA) s’est également joint à l’appel à la mobilisation, lui donnant de l’ampleur.
« On ne sera pas loin de 90% de trains qui vont rouler » ce week-end, a toutefois assuré mardi le PDG de la SNCF, Jean-Pierre Farandou, appelant les clients à ne pas annuler leur réservation. « Tous les départs vont bien se passer puisqu’il n’y a quasiment pas de grève mercredi, jeudi » et « il y aura un train dimanche pour ramener tout le monde », a-t-il déclaré sur France Inter. Tous les billets restent échangeables et remboursables sans frais sur les TGV Inoui comme sur les Ouigo du 5 au 11 mai. Sur franceinfo, Alain Krakovitch, directeur de TGV-Intercités, a aussi annoncé une « mesure de compensation exceptionnelle » pour les clients dont le train a été annulé, et ce, même s’ils ont trouvé un autre train.
A travers cette grève, les cheminots réclament principalement une hausse des rémunérations et une meilleure anticipation des emplois du temps, trop souvent modifiés à la dernière minute d’après eux.
Des primes jugées basses et un système « archaïque »
Dans le détail, les agents du rail réclament une revalorisation de la prime de travail des contrôleurs, qui compense les horaires liés au travail de nuit, le dimanche ou encore les jours fériés, et de la prime de traction des conducteurs, qui dépend du nombre de kilomètres parcourus. Contrairement à d’autres métiers, la rémunération des cheminots dépend énormément de cette part variable, qui s’ajoute chaque mois au salaire de base.
« Nos revendications concernant les primes de travail ou de traction sont intégrées dans nos cahiers revendicatifs depuis des années et répondent à des questions de justice et reconnaissance sociale. Les 1,6 milliard de bénéfices annoncés pour 2024 permettent très largement de réaliser des augmentations », estime dans un communiqué SUD-Rail, troisième syndicat de la SNCF.
Sur la revalorisation salariale des conducteurs précisément, Axel Persson, agent de conduite et secrétaire général de la CGT-Cheminots de Trappes et Rambouillet, dénonçait mi-avril sur franceinfo un système « injuste, archaïque ». Auprès de L’Humanité, le secrétaire général de la CGT, Thierry Nier, développe la piste d’une prime calculée en trois temps : un socle de base « garantissant la rémunération en cas d’arrêt maladie, d’inaptitude ou de baisse du plan de transports », le versement d’une prime de technicité en fonction du matériel roulant et l’instauration d’une prime de production « variable en fonction de l’amplitude de travail et du travail de nuit ».
Mais le 23 avril, la direction de la SNCF a estimé que « sur les salaires », elle avait« fait le job lors des négociations annuelles ». « Il ne peut y avoir de négociations semestrielles ou trimestrielles », a-t-elle ainsi tranché, rappelant que l’augmentation moyenne des salaires des employés s’est élevée à 2,2% pour 2025. « Ce chiffre prend en compte les évolutions automatiques dans la grille de salaire, mais l’augmentation générale est de 1%, alors que l’entreprise a fait 1,6 milliard d’euros de bénéfices », a contesté auprès de l’AFP Fabien Villedieu, secrétaire fédéral de SUD-Rail.
Des plannings modifiés sur le tard
Autre point de discorde : les emplois du temps. Si la direction de la SNCF a finalement promis une visibilité à six mois sur les jours de repos, au lieu de trois, cette main tendue est jugée insuffisante par les syndicats. Les contrôleurs reprochent des modifications de leurs journées de travail et de repos trop tardives.
Au micro d’Europe 1, Fabien Villedieu a expliqué qu’un nouveau logiciel d’organisation du travail avait empiré la situation des agents. Selon le syndicaliste, « ce logiciel d’optimisation peut modifier vos journées quasiment 24 heures avant », ce qui « pourrit la vie des collègues ». Il illustre par un cas concret les problèmes que cela peut poser : « Si un collègue a une matinée prévue, et que finalement, 24 heures avant, sa matinée saute pour faire un après-midi, cela change toute sa vie. Il pouvait éventuellement aller chercher ses enfants à l’école, avoir un rendez-vous médical, ou simplement une activité sportive. »
Interrogée par 20 Minutes, la direction de la SNCF affirme que les modifications se font du jour au lendemain dans seulement 3% des cas. « Si c’était 3%, ce ne serait pas une cause nationale et la mobilisation prévue ne serait pas si importante », dénonce auprès du même média Julien Troccaz, cheminot et secrétaire fédéral de SUD-Rail. Ce dernier dit toutefois ne disposer d’aucun chiffre précis en la matière.
Il y a quelques jours, Jean-Pierre Farandou a tout de même admis des soucis d’emploi du temps avec « de nouveaux outils qui ajoutent des contraintes ». Mais pour François Delétraz, président de la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (Fnaut), « on ne fait pas grève pour une histoire de planning ». Il a regretté lundi sur franceinfo un mouvement « hors sol » et « une violence envers les usagers inadmissible ».
« Il faut avoir une capacité à dialoguer tranquillement, à froid, sereinement, en écoutant tous les syndicats », a estimé mardi le PDG de la SNCF. Des rendez-vous sont notamment prévus début juin avec les représentants des conducteurs et des chefs de bord.