
En choisissant de s’adresser directement aux Français via YouTube, François Bayrou entreprend une démarche visant à se démarquer des canaux de communication traditionnels. Cette initiative devient de plus en plus populaire parmi les responsables politiques désireux de s’immerger dans la modernité et d’encourager les échanges.
Cependant, Dominique Wolton, directeur de recherche au CNRS et expert en communication politique, défend que « le fait qu’un homme politique parle seul, sans intermédiaire, ne garantit pas qu’il sera écouté ou cru ». Il exprime des réserves quant à une « compétition inutile avec la presse », soulignant une tendance à éviter les journalistes.
« On observe ici des politiciens qui cherchent désespérément à échapper à l’influence des journalistes », conclut-il.
Une utilisation de YouTube pour fuir la critique
François Bayrou a lancé un projet de « communication directe » avec les citoyens qui se poursuivra jusqu’au mois de septembre, dans le but de convaincre le public des avantages des mesures économiques annoncées pour le budget 2026.
Ce projet a débuté avec une première émission diffusée mardi, suivie d’un second épisode publié mercredi.
Malgré l’intention d’établir un dialogue, Émilie Zapalski, experte en communication, regrette l’absence d’interactions véritablement significatives avec le public, notant que les commentaires étaient désactivés lors de la première diffusion sur YouTube.
En optant pour YouTube, Bayrou engage une communication « surveillée », en évitant de s’exposer à des critiques potentielles ou de naviguer dans des lignes éditoriales risquées, juge Pierre Lefébure, spécialiste en communication politique à l’université Sorbonne Paris Nord.
Il ne s’expose même pas à un échange qu’on aurait pu imaginer hebdomadaire avec une tranche de 10 à 15 minutes dans un JT de 20 heures.
« Ce format reste fondamentalement classique, et ne peut pas être considéré comme véritablement innovant. Il semble qu’il cherche à maintenir sa présence, et à pouvoir justifier une éventuelle censure en affirmant qu’il a essayé de convaincre le public », conclut Émilie Zapalski.
Défis et alliances avec des créateurs de contenu
Emmanuel Macron, quant à lui, a déjà maîtrisé les arts de la communication sur les réseaux sociaux, répondant aux questions des Français sur YouTube ou X, voire en réalisant lui-même des vidéos, comme lors d’un challenge avec les YouTubeurs McFly & Carlito.
Ces formats représentent un risque sur le long terme, grâce à leur répétition et au fait qu’ils puissent être visionnés à la demande, générant ainsi des discussions. C’est une stratégie efficace pour favoriser la sympathie.
« Avec Macron, nous avons un leader qui maîtrise l’art de la communication personnelle et ludique, en établissant des liens avec des figures du numérique, notamment à travers des challenges. Il est difficile de rivaliser avec cela », ajoute Pierre Lefébure.
L’ancien Premier ministre Gabriel Attal a également tenté de toucher un public jeune en recourant aux influenceurs, notamment avec des vidéos sur le service national universel en collaboration avec TiboInShape, ainsi qu’en répondant à des questions en direct sur Instagram.
Aucun homme politique n’échappe à cette tendance
Édouard Philippe a, de son côté, adopté le format des Facebook Lives, des vidéos en direct, où il s’exprimait seul ou avec des membres de son gouvernement, afin d’expliquer son mandat de Premier ministre (2017-2020).
La démarche de François Bayrou évoque également le programme Parlons France de l’ancien Premier ministre Laurent Fabius, qui, jeune à son époque (nommé à Matignon à 37 ans, en 1984), avait tenté de renouveler la communication gouvernementale en s’adressant directement aux citoyens.
Pierre Mendès France et Guy Mollet avaient également été des pionniers en introduisant de nouveaux formats de communication, notamment en réalisant des causeries.
Soixante-dix ans plus tard, l’héritage de « PMF » continue d’influencer notre actuel Premier ministre, qui cite régulièrement ce personnage éphémère, mais marquant, de l’histoire politique française.
Avec AFP.