Le Premier ministre François Bayrou sollicitera la confiance de l’Assemblée nationale le 8 septembre, faisant appel à une stratégie risquée pour faire adopter son plan d’économies budgétaires. Il prononcera une déclaration de politique générale sur ses orientations budgétaires, qui sera suivie d’un débat et d’un vote des députés, comme le prévoit l’article 49-1 de la Constitution, rapporte TopTribune.
Le rapport de force est extrêmement défavorable au gouvernement Bayrou : à l’extrême droite, le Rassemblement national (123 députés) et ses alliés de l’UDR (15 sièges) ont d’ores et déjà indiqué qu’ils voteraient contre la confiance. À gauche, les Insoumis (71 élus), les Écologistes (38) et les communistes (17) ont également exprimé leur intention de faire chuter le Premier ministre.
Pourquoi François Bayrou prend-il ce risque audacieux ? Quelle est la motivation derrière cette décision qui semble surprendre même certains membres de son gouvernement ?
Un discours alarmiste pour marquer les esprits
« Danger immédiat », « un moment d’hésitation et de trouble »… Le locataire de Matignon a encore une fois dépeint un tableau sombre de la situation financière de la France, qualifiée de « surendettement ». La tonalité de son discours, prononcé lundi après-midi dans les locaux gouvernementaux de l’avenue de Ségur, était à la fois solennelle et anxiogène.
« Le but est de dramatiser les enjeux pour créer un sentiment d’urgence et sensibiliser les Français ainsi que les parlementaires », analyse Ariane Ahmadi, experte en communication politique et présidente du cabinet Kerman Consulting.
Face à une nouvelle motion de censure potentielle lors de l’examen du Budget cet automne, François Bayrou cherche à reprendre l’initiative politique tout en cherchant à discréditer l’opposition, en les confrontant à leur manque de responsabilité, ajoute-t-elle.
« Une faute politique »
Depuis l’annonce de son plan le 15 juillet visant à réduire la dette de près de 44 milliards d’euros, la situation s’est particulièrement tendue pour le Premier ministre. Ses mesures, comprenant l’année blanche fiscale et la suppression de deux jours fériés, ont suscité une forte opposition dans l’opinion publique.
« Il a fait une faute politique », commente Ariane Ahmadi. « En France, culturellement, vous ne pouvez pas toucher aux congés. Ce n’est pas l’Allemagne ou la Grande-Bretagne… Ça ne passe pas. » En effet, selon un sondage Odoxa pour Le Parisien, 84 % des Français s’opposent à la suppression des jours fériés, tandis que 80 % considèrent cela comme un « impôt déguisé ». De plus, 66 % pensent qu’il n’y a pas de lien entre le travail supplémentaire et l’amélioration de la dette de la France.
À ce moment-là, François Bayrou ne devient pas seulement fragilisé à l’Assemblée nationale, il est également affaibli dans l’opinion publique. C’est un premier revers.
L’échec de sa chaîne Youtube
Selon l’experte, l’erreur du Premier ministre ne s’arrête pas là. « François Bayrou a principalement joué le jeu de l’Assemblée nationale, en essayant de se contorsionner et de répondre aux parlementaires, mais il a très tardivement pensé à répondre à l’opinion publique », affirme-t-elle.
Sa tentative désespérée avec sa chaîne Youtube, lancée durant la pause estivale, n’a pas réussi à convaincre du bien-fondé de ses propositions, en raison de faibles audiences et d’un format jugé trop classique.
Face au rejet de son plan d’économies et aux appels à bloquer le pays le 10 septembre, le Premier ministre a fait le choix de jouer sa dernière carte lundi, s’engageant dans un défi crucial alors qu’il entre dans son huitième mois à Matignon, soit six mois de plus que son prédécesseur Michel Barnier.
Préparer l’après Matignon
Malgré ses faibles chances d’obtenir une majorité le 8 septembre, avec l’extrême droite et la gauche ayant déjà manifesté leur intention de faire tomber le gouvernement, « il tente le coup malgré tout et va essayer de convaincre un maximum de députés », commente Ariane Ahmadi.
François Bayrou veut se présenter comme quelqu’un de responsable, plutôt qu’un homme accroché au pouvoir. Il essaie de préparer sa sortie et de préserver sa crédibilité avant et après le vote.
Quel scénario en cas de chute du gouvernement ? À l’extrême droite, Marine Le Pen a réaffirmé son souhait d’une nouvelle dissolution de l’Assemblée. Le leader Insoumis Jean-Luc Mélenchon a annoncé le dépôt d’une nouvelle motion de destitution contre le chef de l’État à l’Assemblée. La rentrée politique s’annonce donc explosive.