Européennes 2024 : pourquoi les partis inscrivent-ils des personnalités politiques en position non éligible sur les listes ?
Européennes 2024 : pourquoi les partis inscrivent-ils des personnalités politiques en position non éligible sur les listes ?

Européennes 2024 : pourquoi les partis inscrivent-ils des personnalités politiques en position non éligible sur les listes ?

17.05.2024
4 min de lecture

Marine Le Pen, Edouard Philippe, Jean-Luc Mélenchon ou encore Noël Mamère sont tous candidats pour le scrutin européen du 9 juin… et n’ont aucune chance d’être élus. Leur présence n’a toutefois rien d’anecdotique.

Des « stars » politiques se retrouvent tout en bas des listes pour les élections européennes, qui se déroulent dimanche 9 juin. Marine Le Pen est ainsi candidate en 81e et dernière position pour le Rassemblement national (RN). Il en va de même chez les communistes avec leur leader, Fabien Roussel. De son côté, La France insoumise a inscrit le nom de son fondateur, Jean-Luc Mélenchon, à la 80e place. La majorité présidentielle a, elle, fait appel à deux anciens Premiers ministres (Elisabeth Borne et Edouard Philippe) en toute fin de liste, tandis que Les Ecologistes-EELV ont sollicité un trio d’ex-candidats à la présidentielle (Noël Mamère, Eva Joly et Yannick Jadot) pour clore la leur.

Ils ont beau être en position non éligible, leur présence n’a rien d’anecdotique. Elle a des conséquences très concrètes dans l’isoloir, car « un bulletin de vote ne peut pas comporter le nom, la photo ou la représentation d’une personne qui n’est pas candidate », rappelle Romain Rambaud, spécialiste du droit électoral et professeur à l’université Grenoble Alpes. Cette règle découle d’une modification du Code électoral, adoptée en décembre 2019 et entrée en vigueur en 2020, visant à éviter d’induire les électeurs en erreur et de troubler la sincérité du scrutin. Une telle contrainte a notamment guidé le choix du RN d’investir Marine Le Pencomme en 2019. « Il y a d’abord un côté très pratique et technique, c’est pour pouvoir mettre sa photo sur le bulletin de vote », explique Gaëtan Dussausaye, porte-parole du parti et candidat en 29e position. 

« Ça ne sert pas à rien »

« Sur la propagande électorale, le dernier nom de la liste se voit plus facilement, ainsi que le premier évidemment », souligne pour sa part Thibault Leclerc, membre de l’équipe de campagne du camp présidentiel. Voilà pourquoi il a choisi de placer Elisabeth Borne à « la place d’honneur ». 

Au RN, ce choix permet aussi de servir la stratégie visant à promouvoir le duo Bardella-Le Pen. « On mise beaucoup sur ce ticket gagnant, poursuit Gaëtan Dussaussaye. En imprimant sur le bulletin les photos des deux poids lourds du parti, le RN espère « installer le refrain ‘Marine à l’Elysée, Jordan à Matignon’, pour préparer d’ores et déjà le duo pour la présidentielle de 2027 »

Du côté des écologistes, ces places sont aussi chargées de sens. S’il « ne sait pas » en quelle position il se trouve (numéro 78), Noël Mamère a accepté sans hésiter la demande de la tête de liste Marie Toussaint.

« Ma présence a une valeur symbolique : je montre mon soutien à ma famille politique, je suis dans la transmission. »Noël Mamère, candidat aux européennes en position non éligible

à franceinfo

Il côtoie ainsi deux autres anciens candidats à la présidentielle, ainsi que la secrétaire nationale des Ecologistes, Marine Tondelier, et la sénatrice Mélanie Vogel. « Les gens disent souvent que les écolos sont divisés, mauvaise pioche ! » sourit l’ancien maire de Bègles, qui met ainsi sa notoriété au service de son camp, à la peine dans les sondages. « En meeting, on m’a spontanément parlé de ma présence sur la liste, c’est la preuve que ça ne sert pas à rien », observe-t-il. 

Les partis souhaitent en outre marteler certaines idées. Les macronistes ont communiqué sur « la présence symbolique » de Jean Veil, fils de Simone Veil, en 74e position, pour mettre en avant leur proposition de campagne d’inscrire l’IVG dans la Charte européenne des droits fondamentaux. Jean Veil figurait déjà sur la liste présidentielle en 2019, là encore de manière symbolique. Chez Reconquête, si l’avant-dernière place revient au fondateur du parti, Eric Zemmour, la dernière est confiée à Evelyne Reybert, la mère d’une victime de l’attentat de Romans-sur-Isère (Drôme), le 4 avril 2020, dans l’optique d’amplifier les discours sur ce que le parti décrit comme des « francocides ».

Doper la notoriété de la tête de liste

La présence de figures politiques connues permet surtout aux partis de doper la notoriété, parfois faiblarde, de leur tête de liste. Deux mois après avoir été choisie pour mener la campagne de la coalition présidentielle, Valérie Hayer reste méconnue d’un Français sur deux, selon un sondage OpinionWay-VAE Solis pour Les Echos et Radio classique. Alors que l’eurodéputée peine à rattraper le favori des sondages, Jordan Bardella, la majorité a dévoilé le 6 mai un casting « VIP », une nouveauté par rapport à 2019 : outre Elisabeth Borne et Edouard Philippe, François Bayrou et Stéphane Séjourné, patrons du MoDem et de Renaissance, sont présents.

« Si Valérie Hayer tire la liste, Elisabeth Borne va la pousser avec son poids politique et son engagement de terrain », veut croire Thibault Leclerc. L’objectif est aussi de s’afficher comme une « famille réunie », après de longues tractations entre alliés au sujet des places éligibles. En étant nommés sur la liste, ces poids lourds ont aussi vocation « à s’investir dans cette campagne », poursuit-on au parti, en écho aux appels à la mobilisation lancés par Emmanuel Macron ou Gabriel Attal.

Le camp de Jean-Luc Mélenchon, qui figurait déjà en avant-dernière place de la liste et en photo sur le bulletin en 2019, va dans le même sens. Sa présence doit « pousser et donner de la force à cette liste parce que l’enjeu qui est posé par ce scrutin du 9 juin, en réalité, c’est l’après-Macron qui doit se dessiner », a déclaré la tête de liste Manon Aubry sur TF1 mi-mars. « En creux, il y a cette idée qu’elles ne sont pas des têtes de liste à part entière. C’est archaïque », tacle-t-on dans l’équipe de campagne socialiste.

« Parfois, ça ressemble à des mises sous tutelle : qu’on parle de Manon Aubry ou de Valérie Hayer, nos adversaires font comme si elles avaient besoin d’une figure tutélaire masculine. »L’équipe de campagne PS-Place publique

à franceinfo

La liste PS-Place publique menée par Raphaël Glucksmann fait du reste figure d’exception, comme celle des Républicains. Ces listes s’achèvent par un chapelet d’élus locaux, peu connus du grand public. « Nous avons fait le choix de la complémentarité, défend le directeur de campagne socialiste, Eric Andrieu. Une tête de liste avec une forte incarnation et des colistiers qui maîtrisent la matière européenne et sont tous ancrés dans les territoires ». Reste à voir si cela sera suffisant pour maintenir sa dynamique et tenter de devancer la liste de la majorité présidentielle le 9 juin.

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