Le cacao est désormais devenu la principale source de revenus d’exportation pour l’Équateur, dépassant ainsi les recettes provenant des métaux précieux tels que l’or et l’argent. Cette évolution récente illustre un réajustement des équilibres économiques, en lien avec l’augmentation des prix sur le marché international et la structuration croissante de ce secteur, rapporte TopTribune.
Le 28 juin 2025, le ministère équatorien de l’Économie a annoncé que les exportations de cacao avaient dépassé, pour la première fois, celles de l’ensemble de l’industrie minière. Lors de la dernière campagne commerciale, les ventes de fèves de cacao ont généré 3,6 milliards de dollars, soit environ 3,3 milliards d’euros, en comparaison avec 3 milliards de dollars pour les revenus cumulés de l’or, de l’argent et du cuivre. Ce tournant s’explique par une combinaison de facteurs structurels et conjoncturels qui redéfinissent les priorités économiques dans le pays.
Une augmentation exceptionnelle des prix du cacao
Depuis le début de 2024, les tarifs du cacao sur les marchés globe ont enregistré une hausse rapide et constante. En octobre 2024, le prix d’une tonne de fèves a frôlé les 13 000 dollars, comparé à seulement 2 300 dollars au début de l’année 2023. Cette flambée des prix est attribuable à des perturbations dans les deux principaux pays producteurs, la Côte d’Ivoire et le Ghana, qui ont été frappés par des sécheresses et divers problèmes phytosanitaires. La diminution de l’offre mondiale a donc généré une pression à la hausse sur les prix, bénéfique pour l’Équateur, le troisième exportateur mondial.
À l’issue du premier semestre 2025, les prix se sont stabilisés autour de 9 500 dollars par tonne, ce qui reste élevé par rapport aux standards historiques. Cette situation a permis au secteur équatorien de renforcer sa contribution à la balance commerciale, dépassant pour la première fois celle de l’industrie minière.
Des répercussions immédiates pour les producteurs équatoriens
Environ 400 000 producteurs de cacao opèrent en Équateur, la majorité de ces exploitations étant de petite taille et familiales. La montée des prix a permis d’améliorer significativement les revenus des agriculteurs. Dans plusieurs provinces, les agriculteurs ont pu investir dans du matériel agricole moderne, améliorer leurs systèmes d’irrigation ou étendre leurs terres cultivées. Les institutions financières locales ont également élargi leurs offres de crédit agricole, en réponse à la meilleure solvabilité des producteurs.
La mise en développement de la variété clonale CCN-51, particulièrement productive, a aussi contribué à cette hausse. Cultivée sur plus de 90 % des surfaces destinées à l’exportation, cette variété répond mieux aux besoins du marché international. Les rendements par hectare ont ainsi connu une progression, de même que la qualité du produit final, facilitant les ventes auprès des chocolatiers en Europe et en Amérique du Nord.
Une redéfinition des secteurs d’exportation
Jusqu’en 2023, les métaux précieux constituaient une pierre angulaire des exportations équatoriennes, au même titre que le pétrole et la banane. Bien que la production minière demeure relativement limitée comparée à celle d’autres pays andins, les recettes générées par l’or et l’argent ont longtemps été stables et significatives pour le budget national.
Avec une production annuelle d’environ 235 000 tonnes de cacao, l’Équateur s’affirme désormais comme un acteur clé dans cette industrie à l’échelle mondiale. Les autorités économiques ont indiqué que, pour la première fois, les revenus d’exportation du cacao surpassent ceux des bananes, traditionnellement dominantes, ainsi que ceux du secteur minier dans son ensemble.
Cette nouvelle hiérarchie est le résultat d’une combinaison d’effets de prix et d’une augmentation des volumes exportés. Le cacao émerge ainsi comme le principal produit agricole non pétrolier en valeur, devant d’autres produits tels que le poisson, les fleurs coupées et les fruits tropicaux.
Des défis et des risques à surveiller
L’expansion rapide du secteur du cacao en Équateur s’accompagne de tensions, notamment sur le plan sécuritaire. Dans certaines zones, l’augmentation de la valeur du produit a entraîné une recrudescence des extorsions et du racket, en particulier dans les provinces de Manabí et d’Esmeraldas. Plusieurs producteurs ont rapporté des tentatives d’intimidation ou d’enlèvement, incitant les autorités à accroître la présence des forces de l’ordre dans certaines régions rurales.
En outre, sur le plan environnemental, l’expansion des cultures de cacao suscite des interrogations. Des études indépendantes ont mis en lumière l’expansion des terres agricoles aux dépens des zones forestières, dans un contexte où les exigences de traçabilité et de conformité environnementale se renforcent sur le marché européen.
Cependant, l’Équateur n’a pas été classé à risque par la Commission européenne lors de la dernière mise à jour de sa liste des pays producteurs soumis à restrictions d’importation, ce qui permet aux exportateurs locaux de maintenir leurs débouchés.
Un secteur face à des enjeux globaux
Le cacao équatorien opère au sein d’un marché mondial très compétitif, où les critères de durabilité, de certification et de qualité prennent de plus en plus d’importance. Les industriels du chocolat, soumis à des exigences de transparence croissantes, privilégient les chaînes d’approvisionnement capables de garantir l’origine, de respecter les normes sociales et environnementales, ainsi que d’assurer la régularité des livraisons.
Dans ce contexte, l’Équateur bénéficie d’un avantage comparatif. Son réseau de coopératives, son niveau de structuration technique et sa capacité d’investissement dans les infrastructures post-récolte lui confèrent une position reconnue. Néanmoins, la dépendance grandissante à une seule matière première expose l’économie nationale à des fluctuations. Un retournement des prix ou une surproduction mondiale pourrait nuire aux marges et remettre en cause les investissements en cours.
Selon les prévisions de la Banque mondiale publiées en juin 2025, les prix du cacao devraient connaître une baisse de 13 % d’ici la fin de l’année, en raison d’un rétablissement partiel de la production en Afrique. Cette correction, toutefois, reste modérée par rapport aux niveaux records atteints au cours des 18 derniers mois.