Le climat en danger : l’avis d’un expert sur le dépassement du seuil de 1,5°C
Jean-François Berthoumieu, climatologue et expert en gestion de l’eau, s’est exprimé sur une annonce récente révélant que l’objectif de limiter le réchauffement climatique à +1,5°C d’ici à 2100 ne sera pas atteint. Pour cet expert du Sud-Ouest, le défi actuel s’articule principalement autour de la gestion de l’eau, rapporte TopTribune.
Dans son analyse, Berthoumieu a évoqué les conséquences pour sa région suite à la déclaration des scientifiques du GIEC du 19 juin dernier, indiquant que le seuil des +1,5°C ne pourra être respecté. Selon lui, il est crucial d’adapter nos pratiques localement, notamment par la récupération des eaux pluviales.
Cette annonce est-elle une surprise pour vous ?
Malheureusement, ce n’est pas totalement inattendu. J’ai compris déjà dans les années 1980, au Canada, que la combustion des énergies fossiles provoquait un réchauffement planétaire. Étant en Alberta, j’étais au cœur de l’exploitation des sables bitumineux. Mon retour en France a été motivé par le désir de développer des solutions énergétiques solaires, mais à l’époque, ces idées étaient ignorées. J’ai donc orienté mes recherches vers l’agriculture pour alerter sur la hausse des températures imminente.
La région du Sud-Ouest présente un atout unique : nous avons accès aux précipitations entre l’Atlantique et la Méditerranée. Cependant, la distribution de ces pluies sera inégale, alternant entre périodes de fortes pluies et sécheresses. Avec l’augmentation des températures, notre besoin en eau va croître. Cela fait quarante ans que je milite pour l’importance de conserver l’eau de pluie, de ralentir son écoulement, et de stocker dans les nappes, mares et lacs. La végétation, en plus, abaisse la température de 10°C par rapport aux surfaces minérales.
Avez-vous constaté une intensification de ce phénomène ?
Oui, cette accélération est évidente. Les dernières années ont montré un rythme de réchauffement accru : nous sommes passés d’une hausse de +0,7°C tous les dix ans à +1,2°C. Bien qu’il y ait encore des périodes de gel, la tendance générale ne fait aucun doute. À 71 ans, je suis témoin de changements que je n’avais jamais imaginés.
Quel est l’impact concret de dépasser +1,5°C ?
C’est une moyenne, mais en été, cela se traduira par une augmentation significative des jours dépassant les 35°C. Il y a 30 ans, ces pics de chaleur étaient à 30°C. En été, cela signifierait une différence de 5°C, affectant la consommation d’énergie en raison des besoins en climatisation. Pour l’agriculture, dont ma famille est issue, cela implique des besoins accrus en eau pour les cultures. Cependant, cela fait déjà 30 à 40 ans que nous n’avons pas admis l’importance du stockage d’eau, qui pourrait être la meilleure solution pour atténuer les effets du réchauffement.
Quelles actions concrètes peuvent encore être prises ?
Je reste convaincu que des actions sont possibles. Toutefois, en suivant les décisions de pays comme les États-Unis sous Trump ou des alliances telles que celle entre la Russie et l’Arabie Saoudite, qui continuent à privilégier l’exploitation des énergies fossiles, nous nous dirigeons vers un avenir désastreux. En revanche, si nous reconnaissons que le climat représente une menace mondiale cruciale, il est possible de trouver les idées, l’énergie et les solutions nécessaires pour contenir le réchauffement. Nous pourrions réduire le taux d’augmentation à +0,5°C par décennie si nous nous en donnons les moyens.
Quelle est votre estimation de la hausse des températures d’ici 2100 si rien ne change ?
Avec cette dynamique, nous pourrions atteindre une augmentation de +5°C, ce qui correspond à la trajectoire actuelle de +1,2°C tous les dix ans. Même le scénario le plus optimiste envisage une hausse de +2°C d’ici à 2100, ce qui serait déjà colossal à atteindre.
Avons-nous encore le temps d’agir ?
Oui, il reste plusieurs décennies pour réagir. Cependant, il faut cesser de communiquer des messages alarmants avec des images lointaines, comme celles des ours polaires. Ce qui est crucial aujourd’hui, c’est de montrer que vivre dans un parc arboré à Toulouse pendant un après-midi d’été est bien plus agréable que dans une zone bétonnée. L’adaptation doit se faire à un niveau local, et elle dépend de nos choix.