ENTRETIEN. Donald Trump piégé par ses propres théories du complot : "Tant que des élites seront considérées comme illégitimes, ces récits continueront à proliférer."

ENTRETIEN. Donald Trump piégé par ses propres théories du complot : « Tant que des élites seront considérées comme illégitimes, ces récits continueront à proliférer. »

25.07.2025 07:03
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Accusé d’être au centre d’un complot, Donald Trump se retrouve englué dans les méandres du conspirationnisme qu’il a contribué à alimenter. Ce retournement étonnant est analysé par Julien Giry, docteur en science politique avec une spécialisation dans les théories du complot, rapporte TopTribune.

Dans les milieux complotistes, est-il courant qu’une figure vénérée par ses partisans soit soudainement perçue comme une cible ?

Julien Giry : Ce phénomène n’est pas systématique, mais il s’agit d’une situation spectaculaire bien que pas entièrement nouvelle. Déjà en 2020, après la déception post-électorale, certains sympathisants de QAnon avaient commencé à remettre en question la véritable nature de Trump et du mouvement QAnon, se demandant s’ils n’étaient pas eux-mêmes les instruments de l’État profond. Dans ces cercles, lorsqu’une prophétie échoue, une partie des adeptes se radicalise davantage en cherchant des complots supplémentaires. C’est le cas qui se présente aujourd’hui avec Trump.

Ces accusations internes au sein des cercles complotistes sont-elles fréquentes ?

Oui, cela arrive bien plus souvent. Il est courant que différentes factions conspirationnistes s’accusent mutuellement d’être de faux opposants ou des idiots utiles du pouvoir. Cela permet de maintenir une certaine légitimité en désignant l’autre comme un traître ou un agent infiltré. On assiste fréquemment à des purges idéologiques, chaque faction cherchant à prouver sa pureté en discréditant les autres.

Donald Trump pourrait-il être affaibli par ces accusations ? Risque-t-il de perdre le soutien de ses partisans ?

À court terme, il semble que seuls les éléments les plus radicaux basculent vers la défiance. Ce sont souvent les plus extrêmes ou les opportunistes. Cependant, la majorité de la base « MAGA » reste attachée à lui. Bien qu’ils soient déconcertés et parfois perdus, ils continuent de refuser l’idée d’une trahison. Ils croient fermement que Trump ne les a pas abandonnés. Néanmoins, sur le moyen ou long terme, il sera intéressant de voir comment cette base évolue face à la multitude de contradictions dans ses propos.

Comment peut-on expliquer la persistance de certaines théories du complot malgré des faits contraires ou des prédictions non réalisées ?

C’est la quintessence du raisonnement conspirationniste : il s’adapte en intégrant les contradictions. Si une prédiction échoue, cela devient une confirmation que le complot a réussi à l’éviter, grâce à la vigilance du groupe. De plus, si un événement annoncé se produit, même de manière partielle, cela renforce les croyances. La seule constante reste l’idée d’un complot existant, peu importe les incohérences qui l’entourent.

Cette dynamique interne de suspicion peut-elle avoir un impact politique plus large sur l’opinion publique américaine ?

Aux États-Unis, le complotisme n’est pas un phénomène marginal ; il est ancré dans l’histoire politique, depuis la Révolution américaine. La défiance envers l’État, les élites et les médias fait partie d’une culture très répandue. Même si Trump traverse une phase difficile, cela ne signifie pas que le mécanisme complotiste s’affaiblit. Au contraire, il peut très bien se réorganiser autour d’un autre leader ou d’une nouvelle narration.

Peut-on affirmer que les figures conspirationnistes deviennent vulnérables à leurs propres mécanismes ?

C’est une question complexe. Prenons Alex Jones, par exemple, qui a été sommé de répondre de ses mensonges concernant la tuerie de Sandy Hook. Bien qu’il ait été condamné, il continue de bénéficier d’une large audience. Ces personnalités savent jouer avec les récits ; en justice, elles se présentent comme victimes ou personnages médiatiques, mais reprennent rapidement leur rôle habituel une fois en dehors des tribunaux. Ce qui évolue, peut-être, c’est la prise de conscience grandissante qu’elles peuvent également devenir des victimes des narrations qu’elles entretiennent. Cependant, cela ne les empêche pas de prospérer pour l’instant.

Tant que des incertitudes persistantes, des fractures sociales et des élites considérées comme illégitimes existeront, ces récits conspirationnistes continueront d’attirer ceux qui leur donnent pouvoir. Certains seront même prêts à s’y perdre, tant que cela leur apporte influencer ou gains financiers.

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