Paris a été le théâtre d’une nouvelle tentative d’enlèvement, mardi 13 mai, de personnes liées au milieu des cryptomonnaies. Si les attaques se multiplient, le profil des suspects ne semble pas varier : des gangs plutôt amateurs, qui espèrent faire fortune rapidement, mais commettent des erreurs en raison d’un manque de connaissances techniques sur le fonctionnement réel de ces actifs.
C’est une série de tentatives d’enlèvements ou de rapts avérés que le gouvernement prend très au sérieux. Depuis janvier, plusieurs dirigeants de sociétés spécialisées dans les cryptomonnaies, ainsi que leurs proches, ont été ciblés. La dernière en date, mardi 13 mai, concernait la fille et le petit-fils du président-directeur général de la société Paymium, au cœur du XIe arrondissement de Paris.
Bruno Retailleau a décidé de s’emparer du sujet en invitant au ministère de l’Intérieur des acteurs du milieu vendredi 16 mai. L’objectif est de mieux les protéger, alors que les cryptomonnaies et les fortunes qu’elles engendrent continuent de susciter fantasmes et convoitises.
« C’est un secteur où il n’y a pas de règles, pas d’autorité. Une liberté qui a désormais un prix, celui de l’isolement et de la peur », juge Mounia Ben Aissa Kacem, journaliste économique à France 24. « Quand on détient plusieurs millions, voire des milliards dans un simple portefeuille numérique, la vulnérabilité devient totale. Contrairement à un compte bancaire, on ne peut pas faire opposition sur un portefeuille crypto. Si vous cédez votre clé, c’est fini. Les fonds disparaissent en quelques clics. »
« C’est précisément ça qui rend les patrons du secteur convoités et expose la cryptomonnaie. C’est un secteur qui fascine et qui suscite de nombreux fantasmes, et notamment la possibilité de faire fortune très rapidement », continue-t-elle.
Une série d’enlèvements en France en 2025
Cette tentative en plein Paris est la dernière en date en France. Fin janvier, le cofondateur de Ledger David Balland et sa compagne avaient été kidnappés à leur domicile à Méreau (Cher).
Début janvier, un homme de 56 ans avait été retrouvé dans le coffre d’une voiture près du Mans, à plusieurs centaines de kilomètres de son domicile situé dans l’Ain. Selon plusieurs médias, il s’agissait du père d’un influenceur en cryptomonnaies basé à Dubaï, qui publie régulièrement des vidéos sur ses gains. Une rançon « très élevée » avait été réclamée.
Le 1er mai, le père d’un homme ayant fait fortune dans les cryptomonnaies a été enlevé par quatre hommes cagoulés, déjà en plein Paris, et libéré deux jours plus tard, mutilé, un doigt en moins.
« C’est un phénomène récent en France, mais en réalité, on recense plus de 200 cas dans le monde entier ces dernières années », nuance Renaud Lifchitz, expert en cybersécurité et cryptomonnaies. « Quand on regarde le profil des dernières victimes, contrairement à ce qu’on a pu entendre dans les cercles politiques, ce sont davantage des chefs d’entreprise que des jeunes influenceurs qui montraient leur fortune sur les réseaux sociaux qui sont visés. »
« Des gangs amateurs »
Quel est le profil des ravisseurs ? Pour le directeur scientifique du cabinet de conseil en cybersécurité Holiseum, il ne s’agit pas de professionnels. Bien au contraire.
« On a affaire à du banditisme amateur. Ce sont souvent des jeunes, voire très jeunes, qui agissent. Ils sont payés à la tâche. Ils ne sont même pas au courant du plan complet. Ils commettent des erreurs. Comme on a pu le voir sur la vidéo, ils sont mis en déroute par un extincteur », analyse Renaud Lifchitz sur le plateau de France 24. « Les commanditaires sont un peu plus aguerris, mais agissent à distance et sont donc difficiles à retrouver. Ils peuvent donner les ordres depuis l’étranger ou des prisons, comme pour le narcotrafic. »
L’expert en cybersécurité et en cryptomonnaies note que les résultats des enlèvements récents démontrent une absence de connaissances techniques sur le milieu de la cryptomonnaie : « Ils n’ont pas gagné d’argent parce qu’il y a eu un cumul d’erreurs. Ce ne sont pas des experts techniques », juge-t-il. « Ils ont demandé de l’argent en monnaie stable, en équivalent dollar typiquement. Et ça, ce sont des monnaies qu’on peut geler à distance. »
Et les bandits de croire que ces actifs sont totalement intraçables.
« La blockchain n’est pas la panacée, car n’importe quelle crypto monnaie est traçable, fonctionne sur un registre qui est ouvert notamment aux forces de l’ordre. On peut très facilement tracer ces fonds au moment où ils changent de mains. Donc il suffit de prévenir les échanges. Quand il y a eu un vol de crypto monnaie, les fonds sont en général très rapidement gelés. »