En France, un concert de soutien à la RD Congo exacerbe les tensions entre Rwandais et Congolais
En France, un concert de soutien à la RD Congo exacerbe les tensions entre Rwandais et Congolais

En France, un concert de soutien à la RD Congo exacerbe les tensions entre Rwandais et Congolais

27.03.2025
4 min de lecture

L’événement « Solidarité Congo » prévu le 7 avril à l’Accor Arena suscite de vives réactions en France. La diaspora rwandaise s’offusque de propos tenus par certains artistes programmés mais surtout de la date choisie par les organisateurs, qui correspond à la journée de commémoration du génocide des Tutsi. Face à la polémique et aux risques de débordements, la mairie de Paris a demandé à la préfecture de police d’interdire le concert.

Le concert caritatif « Solidarité Congo » va-t-il pouvoir se tenir à l’Accor Arena de Paris ? Malgré l’assurance affichée par ses organisateurs, l’événement qui doit réunir sur scène plusieurs poids lourds de la pop urbaine comme Gims, Youssoupha, Fally Ipupa, Dadju ou encore Gazo semble compromis. La mairie de Paris a annoncé, mardi 25 mars, avoir saisi le préfet de police pour faire interdire cet événement prévu le 7 avril, journée internationale de commémoration du génocide des Tutsi au Rwanda.

Actionnaire principal de la salle de spectacle, la mairie de Paris s’inquiète d’un risque de trouble à l’ordre public. Depuis plusieurs semaines, ce concert caritatif en « soutien aux enfants victimes du conflit de l’est de la République démocratique du Congo » provoque la colère de la diaspora rwandaise, qui voit dans la date choisie une provocation et une insulte à la mémoire des victimes.

De leur côté, les organisateurs plaident un malheureux hasard du calendrier. Selon eux, l’événement initialement prévu au mois de mars a été décalé pour éviter de tomber en plein ramadan alors que plusieurs artistes devant se produire sont de confession musulmane. Ils ont annoncé lundi que l’événement serait maintenu le 7 avril.

« On a compris la polémique et on a cherché des alternatives mais il n’y avait pas d’autre date compte tenu de l’engouement du public et de la disponibilité des artistes. On n’est pas dans la provocation ou la confrontation des mémoires », a assuré un membre de l’organisation auprès de Jeune Afrique.

« Un coup de Kinshasa »

« Je ne crois pas du tout à ces explications et je n’ai aucun doute que c’est un coup de Kinshasa », rétorque Christophe Renzaho, président de la Communauté rwandaise de France. « J’ai suivi personnellement le montage de ce concert et cela fait un an qu’ils cherchent à faire mal à la communauté rwandaise. Jusqu’ici, le discours de la République démocratique du Congo était de s’en prendre au gouvernement mais pas de s’attaquer directement aux Rwandais. Là, ils ont franchi la ligne rouge », s’indigne celui qui a perdu toute sa famille maternelle en 1994.

Les autorités rwandaises ont également fait part de leur « indignation » auprès du Quai d’Orsay, qui suit de près le dossier. Pour les Rwandais, le 7 avril est un jour sacré. Marquant le début des massacres qui ont fait au moins 800 000 morts dans le pays, il a été consacré en 2003 « Journée internationale de réflexion sur le génocide des Tutsi ». Il est également considéré comme une journée de commémoration dans l’Hexagone, après la parution du rapport de la commission d’historiens réunie autour de Vincent Duclert.

Comble de « l’indécence », selon les Rwandais de France, les commémorations doivent se tenir au parc de Choisy, « Jardin de la mémoire » depuis 2016 dans la capitale. Un lieu situé dans le 13e arrondissement, à seulement trois kilomètres de l’Accor Arena.

Dans ce contexte, l’un des partenaires les plus prestigieux du spectacle, l’Unicef, a préféré prendre ses distances. L’agence onusienne, qui devait reverser les recettes du concert aux victimes du conflit dans l’est de la République démocratique du Congo, a annoncé lundi qu’elle se désolidarisait de l’événement, jugeant « impossible » de bénéficier d’un concert caritatif organisé lors de la journée de commémoration du génocide rwandais.

Les fonds récoltés seront désormais versés à l’association Give Back Charity, créée par le chanteur Dadju, frère de Gims. Cette dernière sera ensuite chargée de distribuer l’argent « à des associations œuvrant sur le terrain », explique dans un communiqué « Solidarité Congo », qui affirme se « tenir à [sa] ligne directrice : rester [fidèle] à [sa] mission humanitaire ».

La préfecture de police doit trancher

Ces tensions intercommunautaires interviennent en pleine rupture diplomatique entre Kinshasa et Kigali alors que le conflit dans l’est de la République démocratique du Congo s’est intensifié ces derniers mois avec l’offensive éclair menée par le groupe armé M23, soutenu par des troupes rwandaises. Selon l’ONU, plus de 100 000 personnes ont fui la zone ces trois derniers mois.

Au-delà de la date controversée du concert, la diaspora rwandaise met en cause ce qu’elle considère comme des appels à la haine à l’encontre des Tutsi de la part de certains des artistes programmés. Dans leur viseur, le chanteur congolais Gims, très suivi sur les réseaux sociaux.

« C’est pas un jus d’orange qui va calmer la haine d’un Tutsi », affirme notamment le chanteur dans un documentaire Netflix. Gims avait également suscité la controverse en 2022 dans le titre « Thémistocle » en faisant rimer « Kagame » [le nom du président rwandais] avec « croix gammée ».

« Gims appelle à la haine, au meurtre. Et ça, en France, personne n’en parle. Ça fait 25 ans que je prends des coups, cette fois c’est fini. On ne veut plus laisser passer », assure Christophe Renzaho, qui se dit régulièrement menacé sur les réseaux sociaux. Il dénonce un climat délétère dans l’Hexagone qui s’est encore détérioré avec l’offensive du M23.

De nombreux chanteurs congolais ou d’origine congolaise tentent d’attirer l’attention sur l’urgence humanitaire dans laquelle se trouvent leurs compatriotes vivant dans l’Est. Décrivant une situation « chaotique », l’ONU s’est indignée fin février de cas confirmés « d’exécutions sommaires d’enfants par le M23 » mais aussi de violences sexuelles répétées après la prise de Bukavu, la capitale de la province du Sud-Kivu.

Après l’appel de la ville à interdire l’événement, la balle est désormais dans le camp du préfet de police, qui évalue le niveau de risque de trouble à l’ordre public. En cas de maintien du concert, plusieurs associations rwandaises d’Europe ont promis de se réunir le 7 avril devant l’Accor Arena pour exprimer leur colère. Christophe Renzaho indique qu’une demande d’autorisation a été déposée en ce sens auprès de la préfecture de police de Paris.

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