En Chine, l'engouement des femmes pour les récits d'amour entre hommes conduit à des poursuites judiciaires pour les auteurs.

En Chine, l’engouement des femmes pour les récits d’amour entre hommes conduit à des poursuites judiciaires pour les auteurs.

02.07.2025 14:13
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Monde / Culture

Des dizaines de jeunes autrices de «danmei», ces histoires d’amour gays, sont arrêtées et interrogées par les autorités chinoises. Pékin invoque la lutte contre la pornographie, mais la répression ne vise que la fiction homosexuelle.

Temps de lecture: 2 minutes – Repéré sur BBC

«Chaque mot que j’ai écrit me revient en pleine figure.» Ce sentiment de peur, partagé sous pseudonyme sur le réseau social Weibo, reflète l’angoisse qui a envahi de nombreuses jeunes femmes en Chine ces dernières semaines. Leur erreur? Avoir composé et publié des récits d’amour et de sexualité entre hommes, un genre connu sous le nom de «danmei», qui gagne en popularité, surtout parmi le public féminin, rapporte TopTribune.

Depuis février 2025, au moins trente autrices – principalement des jeunes femmes dans la vingtaine – ont été arrêtées, souvent humiliées et fréquemment interrogées. Certaines d’entre elles sont encore derrière les barreaux, tandis que d’autres attendent leur procès sous caution. Ce qui les relie, c’est la publication de leurs œuvres sur Haitang Literature City, une plateforme taïwanaise dédiée aux récits d’amour homosexuels. Ces créations, inspirées des mangas japonais et ayant émergé dans les années 1990, explorent des univers variés, historiques, fantastiques ou futuristes, toutes mettant en avant des histoires d’amour entre hommes, souvent explicites.

Dans la de Xi Jinping, la littérature érotique gay est dans le viseur du pouvoir. Officiellement, il s’agit de lutter contre la : la loi sanctionne la production et la diffusion de «contenus obscènes», avec des peines pouvant dépasser les dix ans de prison si l’autrice en tire un profit financier. Mais dans les faits, la censure frappe beaucoup plus durement la fiction homosexuelle que les récits hétérosexuels, même très explicites. Les œuvres de Mo Yan, prix Nobel de littérature en 2012, regorgent de scènes sexuelles, mais restent en vente libre.

Ce deux poids, deux mesures est dénoncé par les militantes et les avocates qui se mobilisent pour défendre les autrices. Sur Weibo, le hashtag #HaitangAuthorsArrested a dépassé les 30 millions de vues avant d’être effacé par la . Les messages de soutien, les conseils juridiques, les témoignages disparaissent à mesure que la police resserre l’étau. Même les lectrices sont parfois convoquées pour un interrogatoire.

Un espace de liberté… et de danger

Pourquoi tant de sévérité? Parce que le danmei, loin d’être une simple littérature de niche, est devenu un phénomène de société. Il offre aux femmes un espace d’expression codé, à rebours des normes patriarcales. Dans ces récits, les hommes peuvent être vulnérables et aimer sans honte. Pour beaucoup de jeunes autrices, c’est une façon de s’échapper d’un quotidien où le désir féminin est tabou et où le mariage et la natalité sont présentés comme des impératifs nationaux.

Le succès du genre est tel que certains romans se sont hissés en tête des ventes internationales et que des adaptations télévisées, comme The Untamed (2019) ou Word of Honor (2021), ont propulsé de jeunes acteurs au rang de stars. Mais cette popularité dérange. Pour Pékin, la montée du danmei serait un frein à la natalité, un facteur de «décadence morale» et une menace pour l’ordre familial traditionnel.

Plusieurs autrices interpellées par les autorités ont témoigné de leur arrestation sur les . L’une raconte avoir été arrêtée en pleine classe, devant ses camarades. Une autre décrit la honte d’avoir été déshabillée pour une fouille, photographiée et interrogée. Toutes disent la peur: celle de voir leur vie ruinée, de décevoir leurs parents, de ne plus jamais pouvoir écrire. Certaines ont vu leurs maigres gains – quelques milliers de yuans, soit quelques centaines d’euros – transformés en «preuves» de leur criminalité.

Face à la répression, la solidarité s’organise: des avocates offrent des consultations gratuites et des groupes de soutien se forment en ligne. Mais la chape de plomb est réelle: la moindre métaphore sexuelle peut être interprétée comme une provocation, et la peur des représailles et des poursuites pourrait suffire à décourager certaines autrices. Exactement ce que souhaitent les autorités.

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