Depuis mercredi, la cheminée de la chapelle Sixtine émet une fumée à l’issue de chaque vote des cardinaux électeurs. Si elle ressort sombre, cela signifie qu’ils n’ont pas encore réussi à s’accorder. Si elle est blanche, le 267e souverain pontife a été élu.
C’est un petit conduit de cuivre, coiffé d’un chapeau aspirateur, posé sur le toit de tuiles de la chapelle Sixtine. Une cheminée sans prétention, à première vue. Mais vers laquelle tous les regards sont tournés depuis le début du conclave au Vatican, mercredi 7 mai, et jusqu’à l’élection d’un nouveau pape. La fumée qui s’en dégage informe le monde sur l’avancement des votes pour élire le successeur de François, mort d’un AVC le 21 avril. Il s’agit du seul moyen de communication entre les cardinaux électeurs et l’extérieur durant le conclave, puisque les tractations se jouent dans le secret le plus total.
Chaque jour, la cheminée, visible depuis la place Saint-Pierre et filmée en direct par les médias, émet donc un panache : noir si aucun pape n’est élu, blanc en cas d’élection. Cette tradition répond à un impératif de confidentialité : en mettant les bulletins de vote en papier au feu, le risque d’espionnage est limité. D’une pierre deux coups, le procédé permet également de présenter l’issue d’un vote, puis l’élection finale d’un nouveau pape, aux fidèles.
Fumigènes colorants
Durant le conclave, les 133 cardinaux électeurs votent une fois le premier jour (mercredi), puis une à deux fois par demi-journée les jours suivants. En 2013, lors de l’élection du pape François, le premier signal de fumée noire a été repéré vers 19h41, relève America Magazine. La fumée sera donc ensuite visible au moins deux fois par jour, en fin de matinée et en fin de journée, jusqu’à élection d’un nouveau souverain pontife. Pour qu’un cardinal soit élu pape, et que l’on aperçoive la fameuse « fumata bianca » (« fumée blanche »), il doit obtenir la majorité des deux tiers des suffrages.
Pour que cette fumée apparaisse, la cheminée a été installée sur le toit quelques jours avant le début du conclave et deux poêles ont été positionnés temporairement à l’intérieur de la chapelle Sixtine, selon Vatican News. L’un, le poêle historique datant de 1939, brûle les bulletins de vote. L’autre, ajouté en 2013, contient des fumigènes colorants. L’ensemble est alimenté par un ventilateur qui améliore le tirage et relié à un conduit qui permet l’évacuation de la fumée.
Chlorate de potassium et lactose
Pour obtenir de la fumée noire, « un mélange de perchlorate de potassium, d’anthracène et de soufre est brûlé, produisant une fumée épaisse et sombre »,explique pour la BBC le professeur Mark Lorch, chef du département de chimie et de biochimie de l’université de Hull. « Pour la fumée blanche, on utilise une combinaison de chlorate de potassium, de lactose et de colophane de pin », poursuit-il. Jusqu’en 2005, la fumée jaune était également utilisée pour vérifier le fonctionnement du poêle avant le début du conclave, mais cette procédure est désormais effectuée par un système électronique, rapporte La Stampa.
« L’un de nos techniciens experts, enfermé dans le conclave, restera pendant toute la durée du vote dans une petite salle technique près de la chapelle Sixtine, avec une télécommande pour le poêle, prêt à intervenir rapidement en cas de besoin », explique l’ingénieur Silvio Screpanti, directeur adjoint du secteur des infrastructures du Vatican, auprès de vaticanstate. Des projecteurs sont également installés autour de la cheminée de manière à rendre la fumée visible de nuit, détaille Vatican News.
De la paille humide était utilisée par le passé pour créer une fumée plus foncée. Et de la paille sèche pour obtenir une fumée claire, mais le procédé n’était pas toujours couronné de succès, aboutissant parfois à une fumée grisâtre laissant perplexe les fidèles.
Les cloches de Saint-Pierre retentissent
Pour éviter toute incompréhension, les cloches de la basilique Saint-Pierre accompagnent dorénavant la fumée blanche en retentissant pour confirmer que l’identité du nouveau pape est connue. Une sécurité supplémentaire qui n’empêche pas pour autant les couacs : en 2005, lorsque Benoît XVI a été élu, la fumée était sortie grise et quinze minutes s’étaient écoulées avant que la cloche ne résonne. De quoi provoquer un long flottement sur les plateaux de télévision, raconte l’INA.
Malgré son efficacité relative, le Vatican refuse d’abandonner ce procédé emblématique. « C’est la beauté de l’événement. Ça dure quelques minutes, il y a du suspense, chacun essaie de comprendre, on guette les cloches qui se mettent à se balancer (…) C’est beaucoup plus intéressant qu’une horloge suisse », avait défendu, lors d’un point-presse en 2013, le porte-parole du Vatican de l’époque, le père Federico Lombardi.