Donald Trump continue de dévoiler les personnalités qu’il a choisies pour composer son gouvernement et son entourage à la Maison Blanche. Cette liste est davantage guidée par l’allégeance à sa personne que par l’expérience des concernés.
Donald Trump jubile, car il tient sa revanche. Lors d’un discours de gala dans son fief de Mar-a-Lago à Palm Beach, en Floride, ouvert par le président argentin Javier Milei et l’acteur Sylvester Stallone, le président élu s’est félicité, jeudi 14 novembre, de ses nominations fracassantes à la Santé, à la Justice, à la Défense et à la tête d’une commission pour l’Efficacité gouvernementale, confiée à Elon Musk. Pas question pour Donald Trump de répéter ce qu’il a décrit comme la « plus grande erreur » de son premier mandat : choisir « des personnes qui n’étaient pas loyales ».
Cette fois, celui qui s’installera en janvier 2025 à la Maison Blanche en tant que 47e président des Etats-Unis privilégie des personnalités qui n’ont parfois aucune expérience de l’appareil d’Etat, mais qui le soutiennent sans réserve. En témoigne son intention de placer trois de ses avocats personnels aux postes clés de ministres adjoints et représentant du ministère à la Cour suprême. Plusieurs autres nominations ont suscité de vives critiques de l’opposition démocrate et parfois un silence gêné dans ses propres rangs. Elles devront encore être confirmées par le Sénat, un test de la loyauté des élus républicains envers le milliardaire populiste.
Robert F. Kennedy Jr., un antivax à la Santé
Robert F. Kennedy Junior a été choisi pour prendre les rênes de la Santé. Sous la houlette de « RFK Jr. », a promis Donald Trump, ce ministère « jouera un grand rôle pour assurer que tout le monde soit protégé des produits chimiques, polluants, pesticides, produits pharmaceutiques et additifs alimentaires dangereux ». Cet ancien avocat en droit de l’environnement, sans formation scientifique, a forgé une alliance improbable avec le candidat républicain, après avoir renoncé à être candidat indépendant à la présidentielle. Ses compétences restent à prouver. « Il y a des comités qui vont mener des auditions, et les dossiers de ces candidats seront examinés de près le moment venu », a poliment éludé John Thune, futur chef des républicains au Sénat, selon des propos rapportés par NBC News(Nouvelle fenêtre).
Robert F. Kennedy Jr. a fondé la Children’s Health Defense, une association qui promeut le scepticisme vaccinal. Pendant la crise du Covid-19, il a propagé des théories du complot, notamment sur de prétendus liens entre vaccination et autisme – une idée abandonnée depuis longtemps, après de nombreux travaux scientifiques. Il a aussi déclaré, entre autres, que le Covid-19 ciblait davantage certaines ethnies, que les tueries de masse étaient liées aux médicaments sur ordonnance et que la présidentielle de 2004 avait été volée. « RFK Jr. » réclame l’arrêt de l’ajout de fluor dans l’eau courante, pourtant considérée comme une grande réussite sanitaire dans la lutte contre les caries dentaires.
Cette personnalité insaisissable a raconté avoir abandonné le cadavre d’un ourson dans Central Park à New York et avoir un jour dû se faire retirer un ver du cerveau. « Les opinions extravagantes de M. [Robert F.] Kennedy sur des faits scientifiques de base sont dérangeantes et devraient inquiéter tous les parents qui s’attendent à ce que les écoles et autres espaces publics soient sûrs pour leurs enfants », a écrit le sénateur démocrate Ron Wyden, dans un communiqué. Il « représente un danger clair et réel pour la santé de la nation », a ajouté Public Citizen, une association consacrée à la défense des consommateurs, qui considère qu’il « ne devrait pas être autorisé à entrer dans le bâtiment du ministère de la Santé et des Services sociaux, et encore moins être nommé à la tête de l’agence de santé publique du pays. »
Matt Gaetz, un trumpiste radical à la Justice
Matt Gaetz, 42 ans, a été choisi pour prendre les rênes du ministère de la Justice. Ce poulain de Donald Trump, qui le considère comme un « juriste tenace et extrêmement doué », n’a que brièvement travaillé dans un cabinet d’avocat et n’a aucune expérience de procureur. Il a aussi été mis en cause dans plusieurs affaires. Il est accusé d’avoir eu une relation sexuelle avec une jeune fille de 17 ans, allégation qu’il a récusée en se disant victime de l’establishment. Ces faits présumés ont déclenché une enquête pour exploitation sexuelle de mineure, diligentée par des procureurs relevant du ministère de la Justice qu’il pourrait justement diriger. Cette enquête a débouché sur un non-lieu, a assuré l’élu en 2023.
Mais Matt Gaetz est visé par d’autres investigations, menées cette fois par la commission d’éthique de la Chambre des représentants, pour infractions sexuelles présumées, consommation illégale de stupéfiants, détournement de fonds de campagne et diverses fautes professionnelles. Selon ABC News, la jeune fille aurait témoigné devant cette commission que Matt Gaetz avait bien eu un rapport sexuel avec elle quand elle avait 17 ans. L’élu de Floride a démissionné mercredi de la Chambre, mettant ainsi fin à cette enquête.
En octobre 2023, Matt Gaetz avait mené la charge de la frange radicale trumpiste contre le président républicain de la Chambre d’alors, Kevin McCarthy, aboutissant à son éviction. Ce qui a laissé quelques traces au sein du parti. « Quand j’étais plus jeune, on m’a dit que si je n’avais rien de bien à dire, je ne devais rien dire du tout », a commenté Don Bacon, élu républicain à la Chambre des représentants. « C’est la plus grosse surprise que j’ai eue depuis longtemps. J’ai vraiment du mal à croire qu’il puisse passer le processus de confirmation du Sénat. On ne sait jamais », abonde Mike Simpson, autre élu cité par la chaîne ABC(Nouvelle fenêtre).
Tout cela augure également un processus de confirmation probablement houleux au Sénat. Susan Collins, une sénatrice républicaine du Maine, s’est ainsi dite « choquée » par cette nomination. Une autre sénatrice républicaine, Lisa Murkowski – très critique de Donald Trump depuis de nombreuses années – a également exprimé ses doutes. « Je ne pense pas que cela soit une nomination sérieuse pour [le poste de] ministre de la Justice », a-t-elle dit aux journalistes.
Une référence directe au rôle de trublion assumé de Matt Gaetz, puisqu’il a perturbé à de nombreuses reprises des travaux parlementaires. En 2018, il avait invité un négationniste au Capitole pour entendre le discours sur l’état de l’Union de Donald Trump. En mars 2020, il s’était présenté dans l’hémicycle le visage recouvert d’un masque à gaz pour protester contre les mesures anti-Covid en débat à la Chambre. En 2021, il avait été suspendu par le barreau de Floride pour des arriérés de cotisations, puis avait été rétabli. Si sa nomination au « Department of Justice » est confirmée, il devra gérer un organe fédéral tentaculaire, comptant plus de 115 000 employés et une quarantaine d’organisations, dont un puissant parquet et le FBI.
Pete Hegseth, un novice à la Défense
Pete Hegseth, 44 ans, a servi en Irak et en Afghanistan. Mais ce vétéran n’a aucune expérience du commandement de haut niveau. La nomination de ce soldat reconverti en animateur de la chaîne Fox News à la tête du Pentagone a donc fait l’effet d’une bombe. « Qui ? », a réagi le sénateur républicain Bill Cassidy sur NBC News, quand on lui a demandé son avis sur ce choix. « Je ne connais pas Pete. Je ne sais tout simplement rien de lui. » L’intéressé raconte lui-même avoir été renvoyé d’un régiment de la Garde nationale chargé de protéger l’investiture de Joe Biden, en raison de ses tatouages suspects.
Plus récemment, Pete Hegseth a écrit un livre pour dénoncer la « culture woke » dans l’armée, intitulé La Guerre contre les guerriers : les secrets d’une trahison des hommes qui se battent pour notre liberté.
Lors de son premier mandat, Donald Trump avait déjà songé à nommer Pete Hegseth à la tête du département des Anciens Combattants, mais il s’était heurté à l’opposition des principaux groupes de vétérans. L’animateur de télévision a cependant longtemps fait office de conseiller informel du milliardaire. « Il n’a aucune expérience dans une bureaucratie ou au ministère de la Défense, où il devra superviser l’armée la plus puissante et la plus grande du monde », souligne la journaliste d’investigation du Washington Post Jacqueline Alemany, spécialiste du Congrès. Je pense que ce sera le premier test pour savoir qui résistera finalement à Trump », a-t-elle déclaré dans le « Morning Joe », sur MSNBC.
Cette nomination « n’a aucun sens », a déclaré un sénateur républicain au magazine Rolling Stones(Nouvelle fenêtre), même si peu d’élus du parti prennent ouvertement la parole pour critiquer cette décision du président élu. Si sa nomination est validée au Sénat, Pete Hegseth sera amené à prendre des décisions importantes pour la sécurité nationale, à la tête d’une agence qui supervise 2,9 millions de civils et militaires à travers le monde, dotée d’un budget de 900 milliards de dollars. Le poste de secrétaire à la Défense « ne devrait jamais être une nomination de loyauté », a commenté auprès de la BBC(Nouvelle fenêtre) John Bolton, qui a été conseiller à la sécurité nationale de Donald Trump. Et John Bolton de livrer cette analyse : « La question est : sera-t-il un ‘yes man’ pour Donald Trump ou se comportera-t-il de manière professionnelle et courageuse, comme il l’a fait lorsqu’il était en uniforme ? »