Destructions, tortures, disparitions : en Syrie, les quartiers martyrs de Damas révèlent leurs plaies
Destructions, tortures, disparitions : en Syrie, les quartiers martyrs de Damas révèlent leurs plaies

Destructions, tortures, disparitions : en Syrie, les quartiers martyrs de Damas révèlent leurs plaies

12.12.2024
3 min de lecture

Le régime de Bachar al-Assad a voulu éradiquer, méthodiquement et avec sadisme, la population des quartiers de Jobar et de Zamalka, d’où était partie la révolution syrienne en 2011.

C’est l’un des endroits symboles du sadisme du régime de Bachar al-Assad qui vient de tomber. Le quartier Jobar est un quartier martyr de Damas, théâtre de combats, dès 2011, entre rebelles et armée, puis victime du gaz sarin en 2018 avant d’être totalement vidé de sa population.

Ce quartier était inaccessible depuis six ans, aucun Syrien ni aucun journaliste n’a pu y venir pour mesurer l’ampleur des dégâts. Les routes commencent à peine à être déblayées, c’est donc la première fois que Samira revient chez elle. Elle se balade entre les ruines avec son téléphone portable. « Je filme, dit-elle, parce que nous sommes des habitants de Jobar, ce quartier nous manque et nous voulons documenter ce qui s’est passé ici et ce que régime corrompu nous a fait. »

« Aujourd’hui, on découvre qu’ils ont tout détruit et tout volé. »Myriam, habitante du quartier Jobar à Damas

à franceinfo

À Jobar, tout est détruit, c’est-à-dire que sur des centaines de mètres, il n’y a absolument plus rien, pas un bâtiment ne tient debout. Or, en 2018, après les massacres au gaz sarin, après que les révolutionnaires et les jihadistes sont partis, il y avait encore un peu vie ici, assure Myriam. « À ce moment-là, je tenais mon téléphone et je voulais tout filmer. Un soldat m’a vue, il a pris mon téléphone, a tout effacé et m’a dit : ‘ne refais plus jamais ça !’, raconte Myriam. En 2018, les bâtiments étaient là, nos maisons étaient en bon état, on pouvait rentrer chez nous. Et là, ils ont soudainement tout fermé, tout a été détruit. » Selon ces habitants, Bachar al-Assad a suivi un plan méthodique : il a voulu rayer de la carte ce quartier et décimer ses habitants, qui ont lancé la révolution en 2011.

Tortures physiques et psychologiques

Et cette méthode d’élimination, d’éradication, s’applique également dans la façon de traiter les prisonniers. Dans un quartier situé juste en face de celui de Jobar, à Zamalka, des bâtiments sont éventrés, des centaines d’immeubles dévastés, mais à la différence de Jobar, tout n’a pas été totalement détruit.

Une vue du quartier de Jobar, à Damas (Syrie), décembre 2024 (BENJAMIN THUAU / RADIO FRANCE)
Une vue du quartier de Jobar, à Damas (Syrie), décembre 2024 (BENJAMIN THUAU / RADIO FRANCE)

À Zamalka, on fête le retour de ceux qui ont été emprisonnés en tirant des coups de feu. Parmi ces survivants, Mohammed Imad Aldin Alzawoui, 31 ans, qui revient de l’enfer. Il a évidemment du mal à communiquer et à être approché par d’autres humains. Il décrit ce qui lui a été infligé : « Ils me mettaient les mains derrière le dos, ils les attachaient et après ils me suspendaient au plafond. Ils me laissaient comme ça pendant deux ou trois heures. Je perdais conscience et ils prenaient de l’eau pour me réveiller. Ils me remettaient au sol pour me frapper, me torturer et ils m’accrochaient à nouveau au plafond. Et ça durait comme ça pendant plusieurs jours, ils venaient répéter cette torture. » Mohammed décrit d’autres tortures, tout aussi violentes, pernicieuses, cruelles. Il ne sait pas combien ils étaient en prison. L’organisation était telle que chaque groupe de 20 à 30 détenus restait isolé du reste.

« Tout le temps la torture, sans cesse. Ils me laissent deux ou trois jours puis ils revenaient me torturer. Ils revenaient, ils repartaient. »Mohammed Imad Aldin Alzawoui, prisonnier rescapé

à franceinfo

À côté de lui, un homme âgé a la volonté de raconter son histoire : « Mon nom est Fathi Anis Al Zaw, j’ai 74 ans. » Ses deux fils ont été arrêtés et emprisonnés, il les considère comme morts. Il a essayé, en vain, d’en savoir plus mais les services du régime n’ont donné aucune nouvelle. « Je ne sais pas qui ils étaient ni d’où ils venaient, mais ils prenaient de l’argent ou des meubles en promettant de me donner des nouvelles de mes fils. Mais je n’ai jamais rien su… » 

À travers ces différents témoignages et les nombreuses données récoltées ces dernières heures, il semble que ce régime a pratiqué ces méthodes d’extermination, de soumission, à une échelle et un sadisme rarement constaté dans l’histoire contemporaine.

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