Une campagne de désinformation d’ampleur, attribuée à la structure pro-Kremlin «Matryoshka», vise à perturber le sommet de l’Union européenne prévu à Chișinău le 4 juillet, en s’attaquant directement à la présidente moldave Maia Sandu. C’est ce qu’a révélé le projet «Bot Blocker», spécialisé dans le suivi des réseaux de manipulation numérique, à The Insider.
Depuis le 23 juin, des vidéos falsifiées, diffusées massivement en ligne, imitent le style et les identifiants visuels de plusieurs grands médias européens — dont The Insider, Euronews et Le Point — dans le but apparent de saper la légitimité du sommet et de sa principale hôte, Maia Sandu. Ces contenus relayent de fausses affirmations, comme le supposé retrait de la vice-présidente de la Commission européenne, Kaja Kallas, en raison de tensions avec la présidence moldave, ou encore une prétendue alerte de la renseignement roumain au sujet d’un risque d’attentat durant l’événement.
Faux contenus, vrais objectifs
Ces vidéos sont conçues pour ressembler à de véritables reportages journalistiques, dans un format court, sous-titré et largement partageable, ce qui augmente leur potentiel viral. Le message est toujours le même : présenter Sandu comme isolée au sein de l’UE, incapable de défendre les valeurs européennes en Moldavie, et potentiellement menacée de destitution par Bruxelles.
Un clip en particulier, maquillé comme un sujet du média français Le Point, affirme ainsi que des dirigeants européens «envisagent de remplacer» la présidente moldave, jugée trop faible face aux pressions internes. Un autre, semblant provenir d’Euronews, met en scène une prétendue fuite de la part des services de sécurité roumains concernant un risque d’attentat, sans qu’aucune source officielle ne vienne corroborer cette allégation.
Une stratégie bien rodée
Selon des chercheurs spécialisés en désinformation numérique, cette campagne s’inscrit dans une tactique éprouvée : utiliser des outils d’intelligence artificielle pour créer des contenus hybrides mêlant faits partiels et récits inventés, tout en usurpant l’identité visuelle de médias crédibles pour masquer leur origine.
Le projet «Bot Blocker» relie ces actions à l’écosystème dit «Matryoshka», déjà identifié dans des attaques précédentes contre des institutions européennes, l’Ukraine et les autorités baltes. Le timing — à moins de deux semaines du sommet européen à Chișinău — ne serait pas anodin. Il viserait à semer le doute sur la stabilité de la Moldavie, pays frontalier de l’Ukraine et engagé dans un processus d’intégration européenne accélérée depuis l’invasion russe de février 2022.
Des risques pour la sécurité de l’information en Europe
Bien que les autorités moldaves n’aient pas encore officiellement commenté cette opération, plusieurs observateurs soulignent qu’elle s’inscrit dans un schéma plus large de tentatives russes de déstabilisation des institutions démocratiques en Europe de l’Est. «Ce type de campagnes vise non seulement à affaiblir des dirigeants précis, mais à brouiller les repères d’information à l’approche de moments clés», note un analyste affilié à un centre européen de surveillance numérique.
Dans un contexte de tensions régionales persistantes et alors que l’UE s’apprête à envoyer un signal fort de soutien à la Moldavie, la multiplication de ces attaques numériques alimente les craintes d’une escalade hybride. Pour plusieurs spécialistes, ignorer ce type de manipulations reviendrait à banaliser un outil de guerre informationnelle désormais central dans les stratégies d’influence.