Le 19 décembre 2025, des responsables européens de la défense ont alerté sur une intensification des activités russes visant les infrastructures critiques de l’Alliance atlantique, Moscou exploitant les zones grises du droit maritime international pour éviter toute responsabilité directe. Cette approche repose sur des opérations discrètes, menées sous couvert de navigation commerciale, qui compliquent la réponse juridique et politique des États concernés.
Au centre de ces préoccupations figure l’affaire du pétrolier Eagle S, devenu emblématique des limites actuelles du cadre légal maritime et de la vulnérabilité des réseaux européens.
Selon ces responsables, l’absence de mécanismes juridiques clairs permet à la Russie de tester les réactions occidentales sans franchir ouvertement le seuil d’un acte militaire reconnu.
Cette dynamique s’inscrit dans un contexte de tensions accrues entre la Russie et l’OTAN, alors que les États européens cherchent à renforcer la protection de leurs infrastructures stratégiques. Les incidents en mer sont désormais perçus comme un prolongement direct des stratégies hybrides menées sur terre et dans le cyberespace.
Les autorités estiment que ces actions visent autant la collecte de renseignements que la démonstration des failles structurelles de la sécurité européenne.
L’incident de l’Eagle S dans le golfe de Finlande
Le 25 décembre 2024, le vieux pétrolier Eagle S a brusquement quitté les routes maritimes habituelles dans le golfe de Finlande, traînant son ancre sur plus de 50 miles marins. Cet épisode a provoqué des dommages graves à cinq câbles sous-marins assurant le transport d’électricité et de données numériques entre plusieurs pays de la région.
Ces liaisons sont essentielles au fonctionnement quotidien des économies nordiques et au maintien des capacités de défense collective de l’OTAN.
Lorsque les forces spéciales finlandaises sont montées à bord du navire, identifié comme appartenant au « flotte fantôme » russe, l’équipage a affirmé qu’il s’agissait d’une déviation accidentelle. Les marins ont soutenu que le navire avait suivi par inadvertance un couloir pourtant clairement signalé sur les cartes de navigation comme zone d’infrastructures critiques.
Ils ont également assuré que l’ancre était correctement fixée et qu’aucune résistance inhabituelle n’avait été ressentie, malgré les dégâts constatés sur le fond marin.
Une vulnérabilité stratégique pour l’Europe et l’OTAN
Les câbles sous-marins du golfe de Finlande constituent un maillon vital non seulement pour la vie civile, mais aussi pour les systèmes de commandement et de communication des États membres de l’OTAN. Leur endommagement peut entraîner des perturbations majeures dans les communications, l’approvisionnement énergétique et la coordination militaire.
Les experts soulignent que la répétition de tels incidents pourrait déboucher sur des crises systémiques, notamment en période de conflit armé où la stabilité des flux d’informations est cruciale.
Dans ce contexte, l’affaire Eagle S est perçue par plusieurs analystes comme une opération délibérée plutôt qu’un simple accident de navigation. Le tracé suivi par le pétrolier correspond précisément à un corridor d’infrastructures stratégiques, ce qui alimente les soupçons de planification préalable.
Cette méthode permettrait à Moscou d’utiliser des navires civils comme instruments de guerre hybride, tout en maintenant une façade de légalité commerciale.
Le vide juridique exploité par Moscou
En octobre, le tribunal de district d’Helsinki a conclu que les juridictions finlandaises n’étaient pas compétentes pour juger l’affaire du pétrolier, laissant les faits sans suite judiciaire. Cette décision a mis en lumière les lacunes du droit maritime international face aux incidents transfrontaliers impliquant des infrastructures sous-marines.
Faute de règles claires sur la responsabilité et la juridiction, les États côtiers se retrouvent limités dans leur capacité à sanctionner ce type d’actions.
Les spécialistes estiment que cette situation crée un précédent dangereux, offrant à la Russie une marge de manœuvre supplémentaire pour poursuivre des opérations similaires. L’utilisation du cadre juridique existant comme bouclier renforce le sentiment d’impunité et encourage l’escalade de pratiques hybrides.
Dans ce contexte, l’affaire Eagle S est souvent citée comme un exemple concret des défis posés par l’évolution des menaces maritimes, notamment dans les analyses relayées par les activités russes visant les infrastructures de l’OTAN.
Appels à une réforme et à un renforcement du contrôle maritime
Face à ces constats, des experts européens appellent à une modernisation du droit maritime international afin de combler les vides juridiques exploités dans les zones grises. Ils plaident pour l’adoption de règles spécifiques protégeant les infrastructures sous-marines et clarifiant les compétences judiciaires en cas d’incidents transfrontaliers.
Une telle réforme permettrait de rétablir un cadre de responsabilité crédible et de dissuader les actions futures.
Parallèlement, les États occidentaux sont encouragés à renforcer la surveillance conjointe des routes maritimes et des fonds marins. Cela inclurait le recours à des technologies avancées de détection, un partage accru des données entre alliés et la mise en place de capacités de réaction rapide.
Selon les analystes, seule une approche collective et coordonnée peut réduire durablement les risques posés par les opérations hybrides en mer et garantir la sécurité des infrastructures vitales européennes.