Des juges français réclament le retour en France d'une centaine d'œuvres de Vasarely
Des juges français réclament le retour en France d'une centaine d'œuvres de Vasarely

Des juges français réclament le retour en France d’une centaine d’œuvres de Vasarely

31.07.2024
3 min de lecture

Ces œuvres ont été saisies en 2023 lors d’une spectaculaire perquisition de la police fédérale américaine (FBI) dans une fondation créée par la belle-fille du peintre à Porto Rico.

La centaine d’œuvres de Victor Vasarely, saisies l’année dernière par le FBI à Porto Rico, reviendront-elles un jour en France ? Leur destin nourrit une longue saga judiciaire, qui oppose la belle-fille du célèbre plasticien à son petit-fils.

L’affaire, instruite à Paris, porte le nom de Victor Vasarhelyi, dit Vasarely (1906-1997), créateur franco-hongrois de l’art optique (op art) et de la peinture cinétique. De son vivant, l’artiste, dont la notoriété a été comparable dans les années 1970 à celles de Pablo Picasso ou Salvador Dali, a donné à titre inaliénable des centaines d’œuvres à la fondation éponyme ouverte en 1971 à Aix-en-Provence.

Ses œuvres aux couleurs vives inondaient alors la culture populaire : sur des montres, des verres, une pochette de disque de David Bowie, les façades de Montparnasse, le losange de Renault…

Depuis le décès de Victor Vasarely en 1997, son petit-fils Pierre, actuel président de la fondation, s’oppose à sa belle-mère, et ex-présidente de la fondation, Michèle Taburno-Vasarely. Le premier accuse la seconde d’avoir dilapidé la fondation à son profit, en s’exilant aux États-Unis avec de multiples œuvres. L’affaire n’est « en rien pénale », estime l’un des avocats de Michèle Taburno, Jean-Jacques Neuer : elle se résume à une « passion triste entre un beau-fils et la seconde femme de son père ».

« Ce n’est pas du tout une histoire de succession », rétorque Juliette Lévy-Bissonnet, conseil de Pierre Vasarely et de la fondation, « les questions posées à la justice relèvent ici exclusivement du droit pénal et visent notamment à retrouver le patrimoine de la fondation dispersé dans le monde entier ».

Soupçon de partialité

Au commencement de l’affaire était un arbitrage. En 1995, le conseil d’administration de la fondation, alors présidée par Michèle Taburno, vote le principe d’un arbitrage, qui conclut que Victor Vasarely aurait donné trop d’œuvres à la fondation et lésé ses fils. Près de 400 œuvres sont donc retirées à la fondation pour les partager entre les héritiers.

Mais cet arbitrage a été définitivement annulé par la justice civile en mai 2014. La cour d’appel de Paris l’a comparé à « un simulacre mis en place par les héritiers Vasarely pour favoriser leurs intérêts », d’après des documents judiciaires consultés par l’AFP. Surtout, Michèle Taburno est soupçonnée de conflit d’intérêt : l’accusation estime qu’elle a caché son mandat pour gérer ou vendre les œuvres de Victor Vasarely, ce qu’elle conteste.

Quelles conséquences pour les œuvres ? L’annulation de cet arbitrage « s’est uniquement prononcée sur la régularité de la procédure », fait valoir Julia Minkowski, l’un des conseils de Michèle Taburno. « La répartition des œuvres en elle-même n’a pas été examinée. Aujourd’hui, personne ne peut affirmer que Michèle Vasarely détiendrait irrégulièrement des œuvres par le biais de l’arbitrage », insiste Me Minkowski.

Un arbitrage peut être annulé au civil s’il y a soupçon de partialité d’un arbitre. Une condamnation pénale requiert de prouver des manœuvres frauduleuses. L’information judiciaire en cours, ouverte après la plainte en 2009 d’un administrateur provisoire de la fondation, a abouti à la mise en examen de quatre avocats et du notaire de la famille en 2018.

Spectaculaire perquisition

Michèle Taburno, 83 ans et principale suspecte, a été mise en examen en avril 2023 pour abus de confiance et blanchiment. Lors d’une spectaculaire perquisition, la police fédérale américaine (FBI) a saisi 112 tableaux dans une fondation qu’elle a créée à Porto Rico.

Dans un rapport aujourd’hui contesté par la défense, un expert a dénoncé les « conditions de stockage peu respectueuses ni professionnelles » des œuvres et estimé que la fondation « ne ressemblait aucunement à une fondation destinée à la promotion de l’œuvre de Victor Vasarely ».

Depuis plus d’un an, Michèle Taburno se bat pour récupérer ses œuvres. Mais le 4 juillet, la cour d’appel de Paris a jugé les saisies du FBI « parfaitement proportionnées ». « Leur objectif est de préserver ces œuvres (…) alors qu’il est démontré (…) que Mme Taburno a vendu un certain nombre de tableaux et qu’elle n’assure pas (leur) conservation », tranche une décision, dont l’AFP a eu connaissance.

Par ailleurs, « les magistrats instructeurs » ont justifié la saisie des œuvres pour procéder à leur « transfert vers la France » car elles constituent « des éléments de preuve ». Michèle Taburno a toutefois obtenu gain de cause sur un point : l’annulation d’une audition d’août 2022, pour vice de procédure. Un « premier pas » vers l’annulation totale du dossier, a avancé sa défense, qui s’est pourvue en cassation.

D’après plusieurs sources proches du dossier, Michèle Taburno conteste aussi le rapatriement des œuvres devant la justice américaine, qui n’a pas encore tranché.

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