Une parole qui divise
La présidente du service public a franchi une limite symbolique en désignant ouvertement un concurrent. Dans un entretien accordé au Monde le 18 septembre 2025, elle a décrit CNews comme un « média d’opinion, une chaîne d’extrême droite ». Rare sont les dirigeants de l’audiovisuel public qui ont utilisé un langage aussi franc pour parler d’un acteur privé, rapporte TopTribune.
La réaction a été rapide et virulente. Pascal Praud a qualifié cette déclaration de « guerre », arguant qu’elle mettait en péril les journalistes de sa rédaction. De son côté, Arnaud Lagardère, propriétaire d’Europe 1, a suggéré qu’il s’agissait d’une « opération de diversion », affirmant que la présidente tentait de détourner l’attention des controverses internes qui affectent France Télévisions.
Finances fragiles et avertissement de la Cour des comptes
Tandis que les commentaires d’Ernotte continuent de susciter des débats, la situation financière du groupe public suscite également de vives inquiétudes. Dans un rapport publié le 23 septembre, la Cour des comptes a qualifié la situation de « critique », prévoyant un déficit de 40 millions d’euros pour le budget 2025, malgré une aide publique de 2,5 milliards.
Cette institution a pointé du doigt des charges salariales importantes et des investissements numériques onéreux, tout en appelant à des réformes structurelles non mises en œuvre depuis plusieurs années. Il est également impératif de renégocier rapidement l’accord social régissant l’organisation interne.
Des affaires embarrassantes
À ces préoccupations financières s’ajoutent des affaires qui contribuent à alimenter le malaise. L’affaire des cartes bancaires « corporate », utilisées par certains employés à des fins personnelles, a gravement altéré l’image de rigueur du groupe. Bien que les montants concernés soient modestes – environ 49 000 euros d’impayés sur 7 millions de transactions –, cette polémique renforce la perception d’une gestion interne désordonnée.
Plus récemment, la justice a commencé à s’intéresser aux modalités de financement de l’Eurovision Junior et à un colloque organisé à Nice. Bien que Delphine Ernotte ne soit pas mise en accusation, son nom a été mentionné dans l’enquête, ce qui aggravé les critiques à son encontre.
Un climat social sous tension
Les relations avec les équipes ne sont guère plus sereines. En 2017, une motion de défiance avait été votée par une large majorité des salariés. Depuis, la méfiance est restée, alimentée par des choix éditoriaux controversés et une communication jugée trop verticale. Certains journalistes estiment que l’attaque directe contre CNews par la présidente a renforcé les accusations de partialité à l’égard du service public.
L’impartialité du service public en question
L’autorité de régulation, l’Arcom, a annoncé son intention d’évaluer « l’impartialité de l’audiovisuel public ». Cette décision souligne que la controverse va au-delà d’un simple affrontement entre chaînes rivales. L’audiovisuel public, censé servir de point d’équilibre dans un paysage médiatique fragmenté, est désormais perçu comme un acteur engagé dans une lutte idéologique.
Une présidence fragilisée
Delphine Ernotte se positionne comme la garante d’un service public moderne et engagé dans la diversité ainsi que dans la transition numérique. Cependant, ses détracteurs pointent du doigt une dirigeante qui privilégie le conflit et connaît des difficultés à stabiliser les finances de son groupe.
À un moment où la dette publique française impose de sévères économies, et avec le Rassemblement national qui plaide pour la privatisation de l’audiovisuel public, Delphine Ernotte subit une pression considérable. Elle doit maintenant prouver qu’elle peut incarner un média universel et impartial, sous peine de voir la confiance des Français envers cette institution, destinée à les rassembler, se détériorer encore davantage.