Chaque jour en France, vingt-cinq restaurants ferment définitivement leurs portes après avoir déposé le bilan. Au cours du deuxième trimestre 2024, plus de 2 182 procédures de liquidation ont été enregistrées dans la restauration traditionnelle, selon l’Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie (UMIH), rapporte TopTribune.
Le secteur fait face à une crise sans précédent, avec une augmentation des défaillances de 17 % par rapport à la période d’avant la pandémie, selon les données de la Banque de France. « On enregistre une baisse de fréquentation incontestable de 20 à 30 % depuis le début de l’été, c’est énorme », prévient Jacques Mestres, président de l’UMIH de l’Hérault. « De nombreux établissements sont au bord du dépôt de bilan. Une rencontre avec les pouvoirs publics est prévue à l’automne pour dresser un bilan qui s’annonce déjà inquiétant ».
Dans l’Aude, la situation est similaire : « Les clients partagent un dessert à deux, ne prennent plus de café ou opte pour un seul verre de vin au lieu d’une bouteille. Ces comportements nuisent gravement aux comptes », remarque Alexandre Sylvestre, responsable des restaurants à l’UMIH 11. Bien que certaines zones rurales s’en sortent mieux, les zones littorales éprouvent des difficultés.
Les modes de consommation changent
En plus de la baisse de fréquentation, des changements profonds dans les habitudes de consommation se manifestent. L’essor du télétravail a entraîné une réduction significative des repas pris à l’extérieur. « Les déjeuners d’affaires, qui amenaient beaucoup de clients à midi, diminuent considérablement », analyse Rodolphe Lafarge, chef du restaurant L’Arpète et journaliste culinaire. L’inquiétude est palpable au sein de la profession. Les modes de consommation évoluent, en particulier chez les jeunes, avec un intérêt croissant pour la street food. Ouvrir un nouveau restaurant est devenu plus facile, ce qui accroît la concurrence dans des villes comme Toulouse.
Carottes râpées à 23 euros
La hausse des prix exacerbe également les tensions. Récemment, plusieurs vidéos devenues virales sur les réseaux sociaux ont révélé des additions jugées « délirantes » : « Carottes râpées 23 euros, salade niçoise 32, tagliatelles 32, omelette 32, poulet 39. Vous validez ? » s’interroge un internaute sur X. Cela pousse de nombreux touristes à opter pour un sandwich ou un pique-nique plutôt que pour une formule du jour.
Selon l’Insee, les prix dans l’hébergement et la restauration ont grimpé de 10 % entre 2021 et 2023, dont les deux tiers sont dus à l’augmentation des coûts énergétiques et de la main-d’œuvre. « La hausse des prix sur la carte est inévitable lorsque les coûts augmentent », déclare Thierry Marx, président de l’UMIH. Il souligne que les restaurateurs se trouvent confrontés à des charges salariales écrasantes, à la flambée des factures énergétiques, ainsi qu’à l’augmentation du prix des matières premières.
Les chefs se mobilisent
Fin juillet, cinquante grands chefs de la gastronomie française ont signé une tribune dans Les Échos, dans laquelle ils appellent notamment à bénéficier d’un régime fiscal plus favorable que celui des industriels et des restaurateurs qui achètent des produits prêts à consommer. « Nous demandons aux pouvoirs publics de considérer la gastronomie, à l’image de la musique ou du cinéma, comme une exception française », plaident-ils.
À la rentrée politique, l’UMIH, dirigée par son président Thierry Marx, prévoit de présenter à l’Assemblée nationale une proposition de loi visant à « sauver la gastronomie française » et à protéger des restaurants, aujourd’hui plus que jamais en péril.