Le président américain a répété vouloir rattacher le territoire danois aux Etats-Unis. Après des semaines de silence, Copenhague adopte une position plus ferme face à Washington.
« Trump n’aura pas le Groenland. » La déclaration du ministre des Affaires étrangères danois, mardi 28 janvier, se veut ferme et définitive. Il faut dire qu’après plusieurs semaines de pressions du président américain, Copenhague a décidé de manifester une opposition frontale à l’idée d’un possible rattachement du Groenland aux Etats-Unis.
Avant même son retour à la Maison Blanche le 20 décembre, Donald Trump a plusieurs fois affirmé vouloir prendre le contrôle de l’île, territoire autonome danois. Mi-décembre, le républicain a ainsi estimé que c’était « une nécessité absolue » pour garantir « la sécurité nationale et la liberté à travers le monde ». Il a même refusé d’exclure de recourir à « la force » pour y parvenir. Au cœur de cette obsession : la base militaire américaine de Pituffik, dans le nord-ouest du Groenland, qui offre à Washington la trajectoire la plus courte pour un tir de missiles contre la Russie.
Le Danemark face à l’insistance de Donald Trump
Copenhague a d’abord répondu aux remarques du milliardaire avec prudence. Début janvier, la Première ministre, Mette Frederiksen, a assuré que « les Etats-Unis [étaien]t l’allié le plus important du Danemark », soulignant néanmoins que « toute discussion sur l’avenir du peuple groenlandais doit commencer et se terminer à Nuuk », la capitale du Groenland, rapporte Le Monde(Nouvelle fenêtre). La dirigeante social-démocrate souhaitait sûrement éviter une nouvelle crise diplomatique avec Donald Trump, après celle survenue en 2019. Elle avait à l’époque jugé « absurdes » les propos du milliardaire, qui lorgnait déjà sur le territoire autonome lors de son premier mandat.
Mais la méthode douce n’a pas suffi à calmer les envies expansionnistes du président américain. « Je crois que nous obtiendrons » le Groenland, a-t-il déclaré samedi lors d’un échange avec des journalistes relayé par la BBC(Nouvelle fenêtre). « Je pense que les habitants veulent être avec nous, a-t-il justifié. Je ne sais pas vraiment quels droits le Danemark a [sur le Groenland], mais ce serait un acte vraiment inamical s’ils ne laissaient pas les choses se produire, car c’est pour la protection du monde libre. »
En privé aussi, Donald Trump a tenté de faire plier le Danemark. Peu avant son investiture, le républicain a échangé par téléphone avec Mette Frederiksen. L’appel de 45 minutes s’est « très mal passé », révèle le Financial Times(Nouvelle fenêtre). De quoi pousser Copenhague à changer d’approche.
Une recherche de soutiens en Europe
Pour mieux résister à Donald Trump, Mette Frederiksen est allée chercher le soutien de ses partenaires européens. En premier lieu, ses voisins norvégiens, suédois et finlandais. Dans un post sur Instagram, dimanche, elle apparaît avec ses trois homologues lors d’un dîner organisé à son domicile. « Nous devons nous rappeler que le Danemark n’est pas seul. Nous avons plusieurs alliés proches avec lesquels nous partageons des valeurs », écrit la Première ministre en description.
La Première ministre danoise s’est ensuite lancée dans une tournée européenne. Mardi, elle s’est rendue à Berlin, où le chancelier allemand, Olaf Scholz, a estimé, à ses côtés, que « les frontières ne d[evaien]t pas être déplacées par la force ». Il a ajouté en anglais « to whom it may concern » (« à qui de droit »), dans un message à peine voilé à Donald Trump. Puis Mette Frederiksen a filé à Paris, pour un entretien avec Emmanuel Macron, avant de rencontrer le secrétaire général de l’Otan à Bruxelles, dans l’après-midi.
Cette dernière réunion avec Mark Rutte « montre que le dossier a maintenant pris une dimension militaire, estime un diplomate européen interrogé par Les Echos(Nouvelle fenêtre). Mais il faut avant tout garder la tête froide et ne pas surréagir aux déclarations de Donald Trump, ne pas se précipiter », assure cette source.
Mette Frederiksen garde ce cap. A l’issue de l’échange avec Mark Rutte, elle a déclaré n’avoir « aucune raison de croire qu’il existe une menace militaire contre le Groenland ou le Danemark ». Presque au même moment, son ministre des Affaires étrangères martelait toutefois que « le peuple groenlandais est un peuple au sens du droit international, protégé par le droit international ». « C’est aussi pourquoi nous avons répété à maintes reprises qu’en fin de compte, c’est le Groenland qui décide de la situation du Groenland », a insisté Lars Lokke Rasmussen.
Copenhague accentue sa présence militaire dans l’Arctique
Le Premier ministre du territoire autonome avait justement souligné, au lendemain de l’investiture de Donald Trump, que l’île n’avait aucun désir de devenir américaine, tout en restant ouverte à un renforcement de la coopération avec Washington. Un tel rapprochement serait suivi de près par le Danemark, alors que le Groenland cherche à obtenir son indépendance et compte d’importantes ressources minières et pétrolières. La question de l’indépendance sera au cœur de la campagne pour les prochaines élections locales, qui doivent se tenir au plus tard le 6 avril.
Si le Groenland est en quête de souveraineté, les Groenlandais semblent, eux, peu enclins à rejoindre les Etats-Unis. Selon un sondage réalisé par l’agence Verian pour le quotidien danois Berlingske et le journal groenlandais Sermitsiaq, 85% des sondés répondent « non » à la question de quitter le royaume danois pour faire partie des Etats-Unis. Seuls 6% y sont favorables, et 9% sont indécis.
Face au risque d’une annexion du territoire, Copenhague ne s’active pas uniquement sur le plan diplomatique. Le ministre de la Défense a annoncé lundi que le pays allait consacrer près de deux milliards d’euros au renforcement de ses moyens militaires dans l’Arctique et dans l’Atlantique Nord. Le plan inclut le déploiement de trois nouveaux navires pour l’Arctique, des drones à longue portée supplémentaires, dotés de capacités d’acquisition d’images avancées, et un renforcement de la capacité satellitaire. Un gage de sécurité accrue adressé tant au Groenland qu’aux Etats-Unis.