"C'est impossible de les contraindre" : comment les réseaux sociaux, comme X, arrivent à éviter la législation sur les sites pornographiques
"C'est impossible de les contraindre" : comment les réseaux sociaux, comme X, arrivent à éviter la législation sur les sites pornographiques

« C’est impossible de les contraindre » : comment les réseaux sociaux, comme X, arrivent à éviter la législation sur les sites pornographiques

09.06.2025 20:15
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Une annonce surprenante. Dans un communiqué, le groupe Aylo a annoncé bloquer l’accès aux contenus de ses sites pornographiques Pornhub, Youporn et Redtube aux utilisateurs français à partir du mercredi 4 juin. Une décision liée à l’obligation par le propriétaire de s’assurer que leurs visiteurs sont majeurs.

Cette règle est inscrite notamment dans la loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique, dite Sren. Elle permet à l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) de mettre en demeure et de bloquer les sites pornographiques qui ne mettent pas en place une vérification de l’âge des visiteurs pour interdire l’accès aux moins de 18 ans.

Basé à Chypre, le groupe a longtemps pu éviter d’être concerné par cette réglementation française mais à partir du samedi 7 juin, le gendarme du numérique et de l’audiovisuel français est autorisé à contraindre les sites situés dans un autre pays membre de l’Union européenne à respecter la réglementation française.

« Des contenus très violents »

Mais cette réglementation peut-elle s’appliquer à d’autres plateformes ? Certains réseaux sociaux n’empêchent pas la publication ou l’envoi à des utilisateurs de ce type de contenu. Pour le réseau social X, la publication de contenus à caractère érotique et pornographique est autorisée officiellement depuis un an par la plateforme. Le réseau social affirme néanmoins interdire les contenus promouvant « l’exploitation (sexuelle), les atteintes aux mineurs et les comportements obscènes »« Ce n’est pas la seule plateforme où il y a énormément de contenus pornographiques qui sont diffusés. On peut penser à Snapchat ou même à tous ceux qui sont diffusés sur Discord, Telegram, mais aussi sur tout le groupe Meta », déplore Eglantine Cami, chargée du plaidoyer à l’association Cameleon.

L’annonce de X d’autoriser la pornographie avait poussé des associations de protection de l’enfance à saisir l’Arcom. Mais cette saisie est restée, selon eux, sans réponse. « Après avoir fait un rapide état des lieux, on pouvait trouver sur X des contenus pornographique très violents et des scènes extrêmement choquantes », explique Thomas Rohmer, fondateur de l’Observatoire de la parentalité et de l’éducation numérique (Open), à l’origine de la de la saisine avec le Conseil français des associations pour les droits de l’enfant (Cofrade).

Certains réseaux sociaux justifient leur politique en affirmant que l’accès à ces contenus est limité aux utilisateurs majeurs, âge déclaré lors de l’inscription sur leurs plateformes.« Quand on fait des actions de prévention auprès des enfants, ils nous disent qu’ils mentent tous sur leur âge pour accéder à des réseaux sociaux. Mais la loi, pour l’instant, ne contraint pas ces réseaux sociaux à des processus de vérification de l’âge. Donc pour l’instant, c’est plutôt impossible de les contraindre », développe Eglantine Cami.

La lutte contre les sites pornos comme priorité

La législation française a été pensée pour protéger en priorité les mineurs de l’exposition aux sites pornographiques. « On avait envisagé d’intégrer les réseaux sociaux mais la priorité des priorités concernait les sites qui étaient dévolus à la diffusion de ces images », explique Marie Mercier, sénatrice Les Républicains, à l’origine d’un amendement dans une loi de 2020 qui sera par la suite transposé au sein de la loi Sren.

D’après une étude de l’Arcom, 30% des internautes ayant fréquenté des sites pour adultes ont moins de 18 ans, ce qui représente 2,3 millions d’individus. L’Autorité de régulation estime que cette pratique est en hausse constante depuis plusieurs années. Autre inquiétude, les mineurs qui fréquentent les sites pornographiques sont aussi de plus en plus jeunes. Plus de la moitié des garçons de 12 ans se rend en moyenne chaque mois sur ces sites. Ils sont près de deux tiers à s’y rendre entre 16 et 17 ans.

Les instances françaises n’ont donc pas vraiment les moyens juridiques pour exiger cette vérification de l’âge des utilisateurs auprès d’un réseau social comme X qui sont tout d’abord prévus pour permettre les interactions sociales. « Les réseaux sociaux devaient être modérés et contrôlés de façon à enlever tout ce qui pouvait inciter à la haine, au racisme, faire la promotion de scènes violentes de torture ou de la pornographie, rappelle la sénatrice Marie Mercier. On constate un laisser-faire – notamment depuis que Twitter a été repris et est devenu X – et c’est très inquiétant de voir ce qui peut être déversé sur ces réseaux impunément. »

Une perméabilité entre les codes de l’influence et la culture porno

Les comportements de certains influenceurs et influenceuses sur les réseaux sociaux suscitent également des préoccupations chez les associations de protection de l’enfance. Ces derniers ont pour objectif déclaré d’orienter les utilisateurs vers des contenus à caractère pornographique. Une porte d’entrée à des plateformes payantes, comme OnlyFans ou Mym, et un mélange des genres dangereux, selon Thomas Rohmer : « Ce qui nous préoccupe aujourd’hui, c’est cette perméabilité entre les codes de l’influence et la culture porno que proposent des égéries d’une génération. Il y a des influenceurs et des influenceuses qui vont très naturellement tenter d’embarquer la communauté qu’ils ont créée sur les réseaux vers des plateformes plus discrètes, au sein desquelles ils peuvent vendre leurs contenus clairement à caractère sexuel. »

Au risque d’avoir une diffusion « déformée et toxique de la sexualité » comme l’a dénoncée mi-mai Aurore Bergé, à propos d’AD Laurent. La ministre déléguée à l’Égalité femmes-hommes a signalé à la plateforme TikTok le compte de l’acteur pornographique, de son vrai nom Adrien Laurent. La ministre estime que « la domination et la violence prennent le pas sur le respect et le consentement » sur les contenus diffusés par l’ancien candidat de téléréalité. La plateforme a supprimé par la suite ce compte qui cumulait plus de 1,8 million d’abonnés.

La vraie contrainte viendra de l’Europe, estiment les associations de protection de l’enfance. Les nouvelles législations liées au Digital service act (DSA) doivent progressivement se mettre en place. Une Europe mieux équipée pour lutter contre les grandes entreprises qui contrôlent les réseaux sociaux. « Il n’y a qu’au niveau de l’Europe qu’on pourra leur faire peur, estime Thomas Rohmer. Pour preuve, ça ne gêne absolument pas Youporn et Pornhub de fermer les robinets en France même si c’est un gros marché pour eux. Ils savent parfaitement que de toute façon, les gens qui ont vraiment envie de se rendre sur leur site trouveront le moyen de continuer à le faire. »

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