Le dispositif, lancé en 2020 pour encourager les rénovations énergétiques, pourrait être suspendu pendant le second semestre 2025, faute de financements suffisants.
MaPrimeRénov’ pourrait bien tirer sa révérence précocement cette année. Le gouvernement envisage la possibilité de suspendre le dispositif, dès cet été et jusqu’à fin 2025, a appris France Inter auprès de sources au sein du ministère de l’Economie et de celui du Logement, mardi 3 juin, confirmant une information du Parisien. Les deux ministères réfléchissent à « mettre sur pause » le dispositif, mais ne devraient pas trancher la question avant début juillet. « Si le dispositif est réellement suspendu, cela serait un signal extrêmement négatif pour le secteur », s’alarme Audrey Zermati, directrice de la stratégie d’Effy, entreprise spécialisée dans la rénovation énergétique.
Un énième rebondissement pour ce dispositif lancé en 2020, qui suscite de nombreuses critiques de la part des différents acteurs du logement et de la rénovation. A l’origine, pourtant, l’ambition du projet était louable : MaPrimeRenov’ devait permettre d’encourager les rénovations énergétiques des bâtiments pour réduire les émissions de CO2 dans le secteur de la construction et donc de faire baisser le montant des factures énergétiques des foyers les plus modestes.
Un dispositif victime de son succès
Selon les estimations formulées en janvier par Valérie Létard, la ministre du Logement, le dispositif MaPrimeRénov’ déclenche à lui seul « 1,8 milliard d’euros de travaux par mois d’activité » dans le pays. Mais, selon Audrey Zermati, le dispositif souffre fondamentalement d’une « inadéquation » entre la demande de rénovations d’ampleur, consistant à réaliser plusieurs travaux complémentaires très coûteux et le budget alloué par les puissances publiques.
Alors que MaPrimeRénov’ finance jusqu’à 90% du montant des travaux pour une rénovation d’ampleur, le nombre de logements ayant pu en profiter a triplé au premier trimestre 2025, par rapport à la même période de 2024, selon des chiffres de l’Agence nationale de l’habitat (Anah) publiés fin avril. Sans que cela ne s’accompagne d’une augmentation du budget total alloué au dispositif. De quoi épuiser les ressources précipitamment pour l’année 2025. Le tout après « une gestion calamiteuse du dispositif en 2024, avec deux changements de règles en milieu d’année », dénonce Audrey Zermati. « Nous n’avons pas arrêté de réclamer une mise à plat dans le dispositif. »
Le constat dressé par l’UFC-Que Choisir est similaire. Selon l’association de consommateurs, le dispositif, bien qu’ayant permis de financer la rénovation énergétique de 2,5 millions de logements depuis sa création, souffre d’un mauvais calibrage structurel. Et d’une « complexité » administrative qui « freine les ménages à se lancer ». Dans les conclusions de son étude, l’UFC-Que choisir évoque ainsi une « inefficacité persistante des dispositifs » d’aide à la rénovation énergétique.
Des délais allongés pour toucher les aides
Certains acteurs se plaignent également de lenteurs pénalisantes. Les entreprises de rénovation qui avancent à leurs clients le montant des aides déplorent en effet que l’Etat tarde à les rembourser depuis le début de l’année. En cause : le retard pris par l’adoption du budget 2025, finalement approuvé en février, entraînant des délais de paiement ou de validation rallongés pour tous les dossiers instruits depuis le 1er janvier.
« Cet afflux de dossiers, couplé au retard d’adoption du [projet de loi de finances]entraîne une surcharge des services instructeurs et un allongement des délais d’engagement », a reconnu le ministère du Logement mardi. Des retards qui ont même conduit particuliers et professionnels du bâtiment à se rassembler le 12 mai dernier pour manifester leur mécontentement devant l’Agence nationale de l’habitat (Anah), l’opérateur de l’Etat chargé de verser les fonds de MaPrimeRenov’.
L’Anah, qui reconnaît que les délais se sont allongés (tout en déplorant une exagération dans le chiffrage de ces retards), l’explique par la nécessaire lutte contre la fraude, qui alourdit les procédures. C’est en effet le talon d’Achille de MaPrimeRénov depuis son instauration il y a cinq ans : nombreux sont les acteurs du bâtiment à tenter de récupérer l’aide publique en gonflant la facture.
En 2024, 44 000 dossiers frauduleux ont ainsi été retoqués, selon les chiffres de l’Agence nationale de l’habitat cités par France Inter. L’année dernière, un dossier reçu sur dix était un dossier frauduleux, d’après la même source. Conscientes de ces problématiques, les équipes de la ministre du Logement affirment que des annonces sont à attendre « courant juin » pour mieux gérer l’afflux de dossiers et détecter les fraudeurs en amont.