«Au travail», a lancé Sébastien Lecornu, après avoir échappé à la censure de son gouvernement jeudi dernier. L’Assemblée nationale a commencé ce lundi l’examen du projet de loi budgétaire en commission des Finances, avant que le texte n’arrive dans l’hémicycle vendredi. Les députés se retrouvent dans une course contre la montre, avec un délai imposé jusqu’à la fin de l’année pour conclure les débats. Iront-ils à leur terme? Que se passera-t-il dans le cas contraire? On fait le point, rapporte TopTribune.
De quoi on parle ?
Le timing est serré, car le texte budgétaire doit être promulgué par Emmanuel Macron au plus tard le 31 décembre. La loi stipule que les parlementaires disposent de 70 jours pour examiner le projet de loi de Finances à partir du moment où le texte est déposé (le 14 octobre dernier) : 40 jours pour la première lecture à l’Assemblée nationale, 20 jours pour le Sénat et 10 jours pour la navette parlementaire. Les députés et sénateurs ont donc jusqu’au 21 décembre pour finaliser les débats, laissant ensuite quelques jours pour l’examen par le Conseil constitutionnel. «On peut faire les paris, mais je ne pense pas que le budget soit voté dans les délais», soupirait un député RN la semaine dernière dans les couloirs de l’Assemblée.
Pourquoi ça peut coincer ?
Sébastien Lecornu a annoncé lors de son discours de politique générale qu’il renonçait à utiliser l’article 49.3 de la Constitution pour les textes budgétaires. C’est une première depuis 2022, marquée par l’absence de majorité absolue à l’Assemblée nationale. «On a une chance de sortir de la tutelle du gouvernement, les députés ont cette année totalement la main pour travailler le budget», a salué Laurent Baumel, député PS d’Indre-et-Loire. «Mais cela met les parlementaires face à leurs responsabilités. Cela nous obligera à trouver des compromis, et aussi à réduire le nombre d’amendements afin de terminer dans les temps», a-t-il ajouté. Sans le 49.3, le gouvernement ne pourra pas arrêter les débats en cas d’obstruction parlementaire.
Eric Coquerel, président LFI de la commission des Finances, a lancé un appel à tous les groupes pour éviter les montagnes d’amendements. «On examine (en commission) à peu près 1.550 amendements recevables, c’est un peu moins que l’an dernier, donc le travail visant à faire que tous les groupes diminuent leur nombre d’amendements a été respecté», a salué le député insoumis ce lundi lors d’un point presse. «On va tenir le calendrier», a-t-il confirmé. Cependant, il n’existe aucune garantie que cet appel soit respecté lors de l’arrivée du texte en hémicycle. La lutte promet également d’être acharnée lors des débats sur le financement de la Sécurité sociale, qui débutent jeudi en commission. C’est là que sera abordée la fameuse suspension de la réforme des retraites, promise par Sébastien Lecornu aux socialistes, mais que les élus macronistes et Les Républicains rechignent à accepter.
Un risque de finir par ordonnances ?
Avec une Assemblée divisée en trois blocs et sans majorité claire, il est difficile de prédire l’aspect final du texte budgétaire, qui dépendra de la mobilisation de chaque groupe. «Il y aura beaucoup moins de démobilisation au sein du bloc central, comme c’était le cas l’année dernière lors du budget Barnier, donc je ne vois pas comment on peut avoir un budget final NFP-compatible que l’on pourrait voter», a soupiré Eric Coquerel devant des journalistes la semaine dernière.
«Ça risque d’être le retour de la foire à la saucisse fiscale et des autres mesures du musée des horreurs qu’affectionne tant la gauche», raillait Matthias Renault, député RN de la Somme. Ainsi, même si les parlementaires parviennent à respecter les délais, il n’est pas assuré que les textes budgétaires obtiennent une majorité lors du vote final. «Le texte sera probablement revisité par la droite au Sénat, donc il y a un risque que tout cela se termine en ordonnances ou en loi spéciale», ajoutait l’élu RN. Si le calendrier n’est pas respecté, le gouvernement peut mettre en vigueur son budget par ordonnances, sans passer par un vote au Parlement. En cas de rejet du budget, l’exécutif sera contraint d’adopter une loi spéciale, comme en décembre 2024. Le gouvernement Lecornu pourrait alors faire à nouveau face à une motion de censure.