Budapest sous tension, Orbán invoque Bruxelles et Moscou pour contenir la crise interne
Budapest sous tension, Orbán invoque Bruxelles et Moscou pour contenir la crise interne

Budapest sous tension, Orbán invoque Bruxelles et Moscou pour contenir la crise interne

14.12.2025 20:00
4 min de lecture

Manifestation massive à Budapest sur fond de scandale d’État

Le 13 décembre 2025, plusieurs milliers de personnes ont défilé à Budapest jusqu’au bureau du Premier ministre, situé sur la colline du Château, pour dénoncer des violences commises contre des mineurs dans une institution publique. La marche, organisée sous le slogan « Protégeons les enfants », s’est distinguée par l’usage de flambeaux et de peluches, symboles de solidarité avec les victimes. Cette mobilisation a mis en lumière une crise profonde de confiance envers l’État hongrois et ses mécanismes de protection de l’enfance.

La manifestation s’est tenue alors que le parquet hongrois annonçait l’arrestation de sept personnes liées à un centre public pour mineurs à Budapest. Les enquêteurs décrivent des faits de violences physiques infligées à des adolescents par des employés de l’établissement. Parallèlement, une enquête distincte vise l’ancien directeur du centre, soupçonné d’abus sexuels sur des enfants placés sous la responsabilité de l’État.

Révélations publiques et aveu d’échec institutionnel

Le scandale a pris une ampleur nationale après la diffusion d’une vidéo montrant un employé maltraitant un enfant, rendue publique par l’activiste d’opposition Péter Juhász. À la suite de ces images, le directeur par intérim de l’établissement a présenté sa démission. Face à l’indignation croissante, le gouvernement a décidé de placer les cinq centres de détention pour mineurs du pays sous la supervision directe de la police.

Cette décision a été confirmée par le chef de cabinet du Premier ministre, Gergely Gulyás, qui a reconnu que le système de gestion précédent n’avait pas été suffisant pour prévenir les crimes. Pour une partie de l’opinion publique, ce transfert de contrôle constitue un aveu tardif d’inaction de l’État, au moment même où la pression politique s’intensifie sur le gouvernement de Viktor Orbán.

Une crise qui ravive un précédent politique majeur

L’affaire actuelle ravive le souvenir d’un scandale similaire survenu en février 2024, lié à un établissement pour enfants à Bicske. À l’époque, une grâce présidentielle avait été accordée non pas à l’auteur direct des abus, mais à une personne condamnée pour avoir contribué à dissimuler des violences sexuelles contre des mineurs. L’indignation avait été telle que la présidente Katalin Novák avait démissionné, suivie par la ministre de la Justice de l’époque, Judit Varga, dont la signature avait validé la décision.

Les protestations de décembre apparaissent ainsi comme la continuation d’une crise de confiance non résolue entre la société hongroise et ses dirigeants. Elles soulignent la persistance de failles structurelles dans la protection des enfants et la responsabilité politique qui en découle.

L’opposition tente de transformer la colère en enjeu électoral

La marche du 13 décembre a été conduite par Péter Magyar, chef du parti Tisza et principal adversaire de Viktor Orbán dans le cycle électoral en cours. Il a explicitement réclamé la démission du Premier ministre, liant le scandale des violences à une question plus large de responsabilité gouvernementale. Pour l’opposition, il s’agit de faire de la protection des enfants un test central de crédibilité pour le pouvoir en place.

Cette dynamique explique l’enjeu stratégique pour le gouvernement : empêcher que les manifestations ne se transforment en un référendum prolongé sur la capacité de l’État à protéger les plus vulnérables. La rue de Budapest est ainsi devenue un terrain de confrontation politique directe à l’approche des élections législatives.

Orbán déplace le débat vers l’Ukraine et l’Union européenne

Alors que la contestation se concentrait sur les abus dans le système public, Viktor Orbán a choisi de recentrer son discours sur des enjeux extérieurs, notamment l’Ukraine et Bruxelles. Au lieu de répondre aux questions sur les défaillances internes, le Premier ministre a multiplié les déclarations contre les décisions de l’Union européenne concernant le gel à long terme des avoirs souverains russes.

Sur le réseau social X, Orbán a qualifié ce mécanisme européen d’« illégal », affirmant que Bruxelles franchissait un « Rubicon » et promettant de « rétablir la légalité ». Ce choix de communication met en évidence une priorité politique : renforcer la confrontation avec l’UE au moment où la pression intérieure atteint un niveau critique.

Les avoirs russes comme outil de mobilisation politique

L’Union européenne a décidé de maintenir le gel d’environ 210 milliards d’euros d’avoirs souverains russes aussi longtemps que nécessaire, afin d’éviter le chantage lié au renouvellement semestriel des sanctions et de contourner un éventuel veto de certains États membres, notamment la Hongrie. Cette décision réduit la capacité de Budapest à utiliser son vote comme levier dans ce dossier.

Orbán continue toutefois d’exploiter cette question lors de réunions électorales, présentant le gel des avoirs comme une violation du droit et un affront à la Hongrie. Il affirme que Budapest a été ignorée et que « l’illusion de l’État de droit à Bruxelles s’est dissipée », un message destiné à mobiliser son électorat autour d’un sentiment de mise à l’écart.

Rhétorique de la confrontation et échos russes

Dans ses déclarations, le Premier ministre hongrois est allé jusqu’à qualifier l’utilisation des avoirs russes gelés pour soutenir l’Ukraine de « déclaration de guerre ». Moscou emploie une rhétorique similaire, dénonçant ces projets comme un « vol » et menaçant d’une réaction sévère. En reprenant ces termes, Orbán contribue à amplifier des narratifs russes au sein du débat européen.

Ce déplacement du discours vers des menaces extérieures intervient alors que la Hongrie est confrontée à une contestation intérieure rare par son ampleur. Pour ses détracteurs, cette stratégie vise à détourner l’attention des responsabilités nationales, en substituant à une crise de confiance interne un récit de confrontation géopolitique.

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