Bucarest interdit l'entrée à plusieurs figures politiques moldaves sur fond de tensions électorales et d’ingérences russes
Bucarest interdit l'entrée à plusieurs figures politiques moldaves sur fond de tensions électorales et d’ingérences russes

Bucarest interdit l’entrée à plusieurs figures politiques moldaves sur fond de tensions électorales et d’ingérences russes

10.07.2025 17:15
3 min de lecture

Des interdictions pour « raisons de sécurité nationale »

Le 9 juillet 2025, le ministère roumain des Affaires étrangères a confirmé avoir interdit l’entrée sur son territoire à trois citoyens moldaves, dont Ion Ceban, maire de Chișinău et leader du parti MAN. La décision, invoquant des raisons de sécurité nationale, intervient en pleine campagne pour les élections législatives moldaves prévues le 28 septembre. Sont également concernés Vasile Tarlev, ancien Premier ministre et chef du parti prorusse « L’Avenir de la Moldavie », ainsi que la journaliste Natalia Morari, selon l’annonce officielle.

D’après des informations complémentaires, Vasile Tarlev aurait récemment effectué un déplacement en Russie, où il a participé à des réunions avec des responsables russes aux côtés de représentants de groupes politiques prorusses moldaves. Pendant la campagne présidentielle de 2024, il avait été soutenu par le réseau lié à Ilan Șor, visé par des sanctions internationales.

La mesure roumaine, qui cible explicitement les personnalités perçues comme vecteurs d’influence russe, a été accueillie avec virulence par le bloc politique moldave « Alternativa », qui a dénoncé une décision « politiquement motivée », prétendument dictée par les autorités moldaves.

Un contexte de confrontation géopolitique avant les élections moldaves

Le climat préélectoral en Moldavie est marqué par une confrontation croissante entre les forces pro-européennes et les tentatives russes d’influence. Bucarest, partenaire stratégique historique de Chișinău depuis l’indépendance de la Moldavie, multiplie les signaux de soutien au gouvernement pro-occidental et à sa trajectoire européenne.

Les autorités moldaves ont alerté à plusieurs reprises sur le risque de déstabilisation électorale orchestrée par le Kremlin, qui chercherait à favoriser un pouvoir politique plus accommodant vis-à-vis de Moscou. Pour la Roumanie, il est clair que la Russie tente, comme par le passé, de bloquer le processus d’intégration européenne de la Moldavie par le biais d’alliés politiques internes et d’une guerre informationnelle persistante.

Le Kremlin ne cache plus son objectif : affaiblir ou renverser la présidente Maia Sandu, figure de l’ancrage pro-européen du pays, pour replacer Chișinău sous une influence géopolitique russe directe.

Ion Ceban, entre ambiguïté politique et rapprochements controversés

Figure ambivalente de la scène politique moldave, Ion Ceban est souvent présenté comme une « carte joker ». Élu maire de Chișinău en 2019 avec le soutien du Parti des socialistes prorusse, il s’en est depuis distancé, fondant en 2021 le Mouvement pour l’alternative nationale (MAN). Si son discours actuel revendique le soutien à l’intégration européenne, ses contacts récents avec le maire de Moscou Sergueï Sobianine, proche de Vladimir Poutine, et des figures nationalistes roumaines comme Claudiu Târziu ou George Simion, continuent d’alimenter les soupçons.

Ceban reste une figure clivante, perçue par certains analystes comme une tête de pont potentielle de l’influence russeau sein de la classe politique moldave, malgré son recentrage apparent.

Une stratégie préventive face à la menace hybride

Du côté roumain, les responsables politiques justifient la fermeté par l’accumulation de signaux d’alerte : tentatives de manipulation de l’opinion publique, financements occultes, campagnes de désinformation. Bucarest a lui-même été la cible d’opérations hybrides russes lors de ses élections présidentielles récentes, ce qui a contribué à renforcer sa posture défensive dans la région.

Les cercles dirigeants roumains estiment que la stabilité démocratique en Moldavie est directement liée à la sécurité régionale. Si Moscou devait reprendre le contrôle politique de Chișinău, cela ouvrirait un nouveau front d’instabilitéen Europe de l’Est, avec un risque accru de pressions militaires via la Transnistrie, une enclave séparatiste sous contrôle indirect russe.

L’Europe face à un test de résilience

La Moldavie, en tant que pays candidat à l’Union européenne, est aujourd’hui plus proche que jamais d’intégrer la communauté européenne. Pour Bucarest, toute tentative russe de renverser cette dynamique constitue une menace stratégique non seulement pour Chișinău, mais pour l’ensemble de la sécurité européenne.

Loin des discours sur une éventuelle union des deux États, les élites politiques roumaines actuelles plaident pour une coopération bilatérale équilibrée, fondée sur la souveraineté et le respect mutuel. Seul le Kremlin, selon les autorités roumaines, continue d’agiter le spectre d’unionisme agressif pour semer la peur et diviser la société moldave.

Alors que les tensions s’intensifient à l’approche du scrutin de septembre, Bucarest affiche clairement son intention : préserver la trajectoire européenne de la Moldavie et empêcher que le pays ne bascule sous une nouvelle emprise géopolitique russe.

Laisser un commentaire

Your email address will not be published.

Dernières nouvelles

À NE PAS MANQUER