Le 17 octobre 2025, un jury basé à Manhattan a déclaré BNP Paribas civilement responsable d’avoir permis, entre 2002 et 2008, au régime d’Omar el-Béchir d’accéder au système financier américain malgré les sanctions en vigueur. Trois réfugiés soudanais ont été indemnisés à hauteur de 20,5 millions de dollars. La réaction sur le marché boursier a été immédiate : l’action a chuté de 10 % le lundi suivant. Cette situation rouvre un dossier que la banque avait cru clos après avoir payé une amende record de 8,97 milliards de dollars en 2014, rapporte TopTribune.
Un verdict au Soudan qui ravive les risques judiciaires
Le jury américain a conclu que BNP Paribas avait indirectement facilité les crimes du régime soudanais en continuant de fournir des services bancaires en dollars, en dépit des sanctions. Le jugement indique que la banque aurait facilité des transactions au bénéfice d’entités en lien avec le gouvernement de Khartoum. Bien que le montant versé aux plaignants soit relativement modeste pour une banque de cette taille, le spectre de réclamations judiciaires par plus de 20 000 réfugiés soudanais devant les tribunaux américains suscite une inquiétude croissante parmi les investisseurs.
BNP Paribas a vigoureusement rejeté ces accusations. Dans un communiqué publié le 20 octobre, la banque a qualifié le jugement de « manifestement erroné » et a affirmé qu’il ne prenait pas en compte des éléments de preuve essentiels. La banque a également fait savoir qu’elle envisageait de faire appel, en précisant que cette décision concernait un cas spécifique et n’affectait pas ses mécanismes de conformité actuels. Cependant, cette affaire met en évidence la vulnérabilité continuelle des grandes institutions financières européennes face aux autorités judiciaires américaines.
La Bourse sanctionne une incertitude stratégique
Le lundi 20 octobre, l’action BNP Paribas a connu une baisse de 10 %, enregistrant ainsi sa chute la plus marquée depuis mars 2023. Les analystes financiers interprètent cette correction comme une réaction brutale, alimentée tant par le verdict que par les souvenirs de 2014, lorsque la banque avait reconnu avoir contourné les sanctions imposées par les États-Unis à plusieurs pays, y compris le Soudan, Cuba et l’Iran, acceptant alors de régler une amende de 8,97 milliards de dollars. Cette nouvelle déclaration renforce les craintes d’un effet domino en termes de contentieux ayant un impact significatif sur la réputation de l’établissement.
Bien que le coût immédiat de cette décision paraisse limité, les investisseurs prévoient un scénario bien plus étendu. Bloomberg Law évoque la possibilité d’un règlement global pouvant atteindre des milliards de dollars si le nombre de plaintes n’arrête pas d’augmenter. Dans ce contexte, la direction financière de BNP Paribas a d’ores et déjà convoqué une réunion avec des analystes à 15 heures (CET) pour clarifier sa stratégie.
Un risque réputationnel qui dépasse la sanction
Au-delà de la sanction judiciaire, c’est une question d’image qui se pose. BNP Paribas, qui est reconnue comme l’un des leaders européens dans le domaine de la finance durable, voit sa réputation en matière de responsabilité sociétale des entreprises (RSE) remise en question par un dossier hérité d’un passé troubles. Les analystes en environnement, social et gouvernance (ESG) soulignent que le risque social associé à des allégations de violations des droits humains peut lourdement influencer la valorisation boursière d’une entreprise. Les grands investisseurs institutionnels pourraient exiger davantage de transparence et conditionner leur confiance aux éclaircissements sur cette affaire.
Dans le contexte bancaire mondial, la condamnation de BNP Paribas sert de rappel: la conformité extraterritoriale américaine reste une arme redoutable, capable de remettre en question des décennies de pratiques sécurisées. Pour BNP Paribas, l’enjeu dépasse le cadre juridique et financier : il concerne désormais la réputation et la stratégie à long terme. Si la banque parvient à faire annuler le verdict en appel, elle pourra tourner la page sur une période douloureuse. Dans le cas contraire, elle devra faire face à une surveillance plus stricte de ses actions passées et futures.
Cette situation illustre l’ensemble des défis auxquels sont confrontés les grands groupes européens dans un cadre juridique dominé par les États-Unis. Les banques françaises, allemandes et suisses doivent naviguer entre leur exposition internationale et une vigilance accrue face à l’extraterritorialité du droit américain. Bien que les autorités européennes aient renforcé les normes de conformité ces dernières années, la dépendance au dollar crée une asymétrie de pouvoir. Pour les experts, l’affaire BNP Paribas pourrait devenir un cas d’école sur la nécessité d’établir une architecture financière plus souveraine, où la dépendance à des normes juridiques ne constituerait plus un risque économique.