«Avez-vous remarqué qu’il pleuvait ? » s’interroge François Bayrou, étonné de sentir des gouttes au sein de l’Assemblée nationale. Les orages violents qui ont frappé la France mercredi soir ont causé des infiltrations d’eau, interrompant la séance. Cela n’est guère nouveau pour le Premier ministre, un habitué des crises depuis sa nomination à Matignon en décembre dernier. Malgré les critiques, le manque de soutien majoritaire et l’affaire Bétharram, le maire de Pau poursuit sa route. Cette semaine, il devrait échapper à sa huitième motion de censure (en six mois), déposée cette fois par des socialistes déçus d’avoir été trompés sur la question des retraites, rapporte TopTribune.
« C’est un vieux briscard »
François Bayrou avait pourtant suscité de grands espoirs avec son célèbre « conclave », censé apporter des solutions à la très mal reçue réforme des retraites d’Elisabeth Borne. Malgré l’échec de trouver un accord entre les syndicats et le patronat, le chef du gouvernement s’est montré satisfait des modestes « avancées » réalisées, telles que l’amélioration des calculs des retraites pour les mères. Face aux critiques, il s’est agacé lors d’une conférence de presse, indiquant: « Est-ce que vous étiez là ? Franchement, oser parler d’échec… ». Ce vendredi, la CFDT a cependant décliné sa proposition de relancer le dialogue.
Ce comportement illustre la méthode Bayrou, oscillant entre assurance et optimisme. « Peu avant sa nomination, il m’a dit : » Franchement, qui d’autre que moi ? » », plaisante François Patriat, président des sénateurs Renaissance. Selon lui, Bayrou est un vétéran de la politique, capable de générer du dialogue, mais aussi rusé et résilient. Sa capacité à irriter les autres est due à sa ténacité.
« Comme sur les plumes d’un canard »
Les socialistes souhaitent rappeler un autre aspect de la situation, accusant Bayrou de « trahissement » concernant sa promesse de faire débattre un texte avant l’été au Parlement, même sans accord. Bayrou, de son côté, rejette ces affirmations, affirmant qu’il a toujours cherché le dialogue. « Il se moque de nous. Il prétend aimer discuter, mais il ne pense qu’à lui-même, ce qui nous exaspère… », déclare Laurent Baumel, député PS d’Indre-et-Loire.
Malgré ce mécontentement socialiste, le Premier ministre semble avoir encore quelques jours de tranquillité devant lui, grâce à une bienveillance inattendue du Rassemblement national. « L’eau glisse sur lui comme sur les plumes d’un canard », ironise Patrick Kanner, président des sénateurs socialistes. « Bayrou maîtrise son sujet et sait tirer avantage de chaque journée, mais est-il là pour faire avancer les problèmes du pays ou simplement pour prolonger son mandat ? » se demande un proche de François Hollande.
« Gagner du temps »
Les critiques à l’encontre de Bayrou se multiplient, notamment au sein de la coalition qui est censée le soutenir. En six mois, la question demeure: a-t-il vraiment cherché à faire avancer les choses ? « La méthode Bayrou, c’est d’installer un flou constant. Aucune information sur le budget à venir, par exemple. Ses mesures pour réduire le déficit seront annoncées après la session extraordinaire de juillet, lorsque tout le monde sera en vacances… Avec lui, c’est »courez, courez, jamais vous ne m’attraperez » », exprime une ancienne ministre redevenue députée. « Son plus grand ennemi reste le temps. Lors de sa prise de fonction, il parlait des défis à relever, mais où est la fin du parcours ? », s’interroge Xavier Albertini, député Horizons de la Marne.
« Il avance tant bien que mal, même si cela reste difficile, il continue face à une forte impopularité », répond le député centriste Erwan Balanant, alors que Bayrou est considéré comme le Premier ministre le moins apprécié de la Ve République selon les sondages. Ses partisans voient ces attaques comme de la « roublardise » et défendent son expérience. « Il peut être obstiné comme un sanglier, ce qui peut parfois jouer à son avantage, mais aussi lui causer des ennuis », prévient Balanant. L’ensemble des observateurs s’accordent sur un point : la véritable épreuve se présentera avec le budget de 2026, qui sera discuté à l’automne. Le RN, cherchant à influencer les choix budgétaires, évoque déjà une motion de censure. Le PS s’engage à ne pas se laisser piéger une seconde fois. « En octobre, nous entrerons dans une zone de grands dangers, avertit le député Liot Charles de Courson. C’est maintenant que les tempêtes séviront », conclut-il, tandis que François Bayrou s’efforce de garder le cap.