"Au final, c'est soit la prison, soit la mort" : d'anciens adolescents dealers racontent comment ils sont sortis du trafic de drogue à Marseille
"Au final, c'est soit la prison, soit la mort" : d'anciens adolescents dealers racontent comment ils sont sortis du trafic de drogue à Marseille

« Au final, c’est soit la prison, soit la mort » : d’anciens adolescents dealers racontent comment ils sont sortis du trafic de drogue à Marseille

23.01.2025
3 min de lecture

Tombés très jeunes dans l’engrenage du trafic de drogue, Pablo et Enzo, que franceinfo a rencontrés à Marseille, sont aidés par un foyer de réinsertion marseillais. Objectif : « Leur montrer qu’ils ne sont pas que des bandits ».

« On m’a forcé à dealer », confie Pablo, qui vient d’avoir 18 ans. On le sait : les réseaux de trafiquants de drogue fonctionnent de manière pyramidale. Avec au bas de l’échelle, très souvent, de jeunes ados. C’est même une tendance actuellement : les vendeurs sont de plus en plus jeunes. Franceinfo s’est rendu dans un foyer de réinsertion pour mineurs délinquants à Marseille.

Dans le foyer Calendal, sur la cinquantaine de jeunes accueillis, la plupart ont été recrutés très jeunes par les trafiquants, comme Pablo et Enzo*. Tous les deux sont d’anciennes petites mains du deal à Marseille. Avec des parcours de vie chaotique, ils étaient des proies faciles pour les réseaux de trafiquants.

Né en Tunisie, Pablo arrive à 14 ans en France, avec son petit frère. Il se retrouve dans un foyer d’urgence. Et comme d’autres ados de l’établissement, il est rapidement recruté par les trafiquants marseillais. « Mon travail ? Guetteur. Et vendeur de temps en temps. Mais on m’a forcé à être vendeur, en me faisant des menaces« , confie-t-il.

« Non, ce n’est pas l’argent facile »

Le jeune homme est menacé, forcé de vendre de la drogue, à « charbonner« , comme on dit ici, pour 50 à 100 euros par jour. Cela dure quelques mois jusqu’au jour où Pablo est arrêté lors d’une descente de police dans la cité. « Dès que je me suis fait attraper une fois, c’est bon, je me suis arrêté », assure-t-il, précisant qu’il se tient désormais loin de la cité. Et pour cause : il a une dette envers les trafiquants. « Si j’y retourne, ils vont me dire de rembourser ce que la police a pris… Ils vont me faire charbonner gratuitement. Et si je ne le fais pas, ça va mal finir« , regrette Pablo. 

Depuis deux ans, le jeune homme est accueilli dans ce foyer, où il a pu entamer une formation, un CAP menuiserie. « Le trafic, c’est fini, dit-il. Tout ça, ça ne sert à rien parce qu’au final, soit c’est la prison, soit c’est la mort. Celui qui dit l’argent facile, non, ce n’est pas l’argent facile. C’est de l’argent vraiment dur, tu risques ta vie. Ce n’est que de la merde.« 

Au sein du foyer Calendal, il côtoie Enzo, 16 ans. Lui aussi a une enfance passée dans un quartier marseillais au sein d’une famille dysfonctionnelle, un placement en foyer très tôt et le deal à partir de 13-14 ans, dans une cité où règne la violence et où, pour un rien, vous pouvez être menacé. « On peut te frapper, et puis ils peuvent te tuer… C’est un truc de fou« , murmure-t-il. Avant de glisser, qu’il n’avait « même pas peur« .

« Pour Enzo, c’est normal. Il n’a pas cette notion de peur, précise Karine Courtaud-Lamaire, la directrice du foyer Calendal. Ils sont dans les trafics beaucoup plus jeunes. Avant, c’était plutôt vers 16, plutôt même 17-18 ans« , décrypte-t-elle.

« Aujourd’hui, c’est à l’entrée du collège qu’on voit des jeunes qui sont happés par les quartiers… »Karine Courtaud-Lamaire

Autre nouveauté, insiste la spécialiste : les réseaux de trafiquants essaient désormais de faire régner la terreur au sein même des structures de réinsertion. Le foyer Calendal en a fait les frais quand l’un des ados hébergés s’est fait saisir de la marchandise par la police. Ces menaces sur le foyer ont même poussé la directrice à embaucher un vigile pour surveiller l’entrée de l’établissement.

« Quoi qu’il ait fait, aujourd’hui, nous l’accueillons »

Mais malgré les pressions exercées par les réseaux, le foyer continue son travail de réinsertion des mineurs en leur proposant un parcours scolaire ou une formation professionnelle adaptée, en les logeant convenablement. Et puis, tout simplement, en leur donnant de la considération.

« Quand un jeune arrive ici, on a le souci qu’il soit attendu. Et pour lui, ça change tout. Un jour, j’accueille un jeune qui arrive. C’était son septième placement. Et je lui dis, ‘écoute, bienvenue, on t’attendait’. Il me regarde alors : ‘mais pourquoi bienvenue ? Quoi ?’. Sa réaction veut tout dire : quoi qu’il ait fait, aujourd’hui, nous l’accueillons« , détaille Karine Courtaud-Lamaire.

Avant de décrire : « Lorsqu’on les accueille, ils ont un trousseau qui les attend. Ils ont une chambre qui sent bon. Un éducateur référent à qui parler, pour échanger. On n’est pas dans le monde des Bisounours : quoi qu’il arrive, le jeune n’a pas envie d’être placé. Mais, malgré tout, on veut lui donner l’opportunité de lui montrer autre chose. On met des bonbons à disposition : on fait alors appel à l’enfant qu’ils sont ou qu’ils n’ont jamais pu réussir à être. Mais on ne va pas travailler que ça. On va lui proposer en premier lieu un parcours professionnel et scolaire. On ne laisse aucun jeune sur le carreau : aujourd’hui, chez Calendal, il n’y a aucun gamin qui n’est pas soit à l’école, soit dans une scolarité adaptée, soit en contrat d’apprentissage, soit en stage », assure la responsable du foyer.

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