Après les frappes israélo-américaines, le régime iranien face à la paranoïa et à la répression : un tournant décisif pour l'avenir politique de l'Iran.

Après les frappes israélo-américaines, le régime iranien face à la paranoïa et à la répression : un tournant décisif pour l’avenir politique de l’Iran.

25.06.2025 16:55
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Un homme retranché dans son bunker. C’est l’image qui restera de l’ayatollah Ali Khamenei durant cette guerre de 12 jours entre Israël et l’Iran. Alors qu’un cessez-le-feu fragile est entré en vigueur entre les deux pays ennemis mardi 24 juin, le Guide suprême iranien n’est pas encore réapparu en public, rapporte TopTribune.

Les communications étaient difficiles ces derniers jours. Pratiquement absent de la scène politique, le dirigeant du régime iranien, caché avec sa famille et protégé par l’unité des forces spéciales Vali-ye Amr des Gardiens de la révolution, ne parlait avec ses commandants que par l’intermédiaire d’un assistant de confiance, suspendant les communications électroniques de peur d’être ciblé par Israël.

Suite aux frappes américaines sur les installations nucléaires du pays, des sources avaient rapporté au site IranWire que plusieurs figures de la politique iranienne, dont l’ancien président Hassan Rohani, l’ex-président du Parlement Ali Larijani et l’ancien chef du pouvoir judiciaire Sadegh Larijani, ont tenté sans succès de joindre Ali Khamenei pour lui demander d’initier des négociations directes avec les États-Unis.

« Théorie du choc »

La conclusion d’un cessez-le-feu met-elle le Guide suprême iranien et son régime hors de danger ? Depuis le 7 octobre, les cessez-le-feu dans la région sont souvent précaires, rappelle Jonathan Piron, historien spécialiste de l’Iran au centre de recherche Etopia, à Bruxelles. Des frappes irrégulières, souvent relancées par Israël, ont été observées au Liban et dans la bande de Gaza, où chaque trêve a échoué. Selon lui, la situation pourrait se répéter avec l’Iran, qui est aujourd’hui très affaibli et dispose de peu de marge de manœuvre face à Israël, dominant désormais la région. L’armée israélienne pourrait continuer à cibler par intermittence des installations stratégiques iraniennes. On assiste ainsi à une forme de stabilité dans l’instabilité, qui risque de perdurer. Reste à déterminer comment le régime iranien choisira de se positionner.

Dans ce contexte, le régime tend à se ressouder pour empêcher l’émergence de contestations au sein de la population ou dans les mouvements réformateurs, note Jonathan Piron. Bien que certaines factions internes soient parfois en opposition, elles font front uni face à la menace extérieure, car leur intérêt commun prime sur leurs divisions. Cette logique de durcissement est typique des régimes autoritaires confrontés à l’instabilité.

Contrairement à la plupart des pays, en Iran, le président n’est pas le chef de l’État. Ce rôle revient au Guide suprême, nommé à vie par l’Assemblée des experts. L’ayatollah Khamenei a désigné trois hauts dignitaires religieux comme candidats potentiels à sa succession en cas de décès. Il a pris des mesures extraordinaires pour préserver la République islamique.

Normalement, le processus de nomination d’un nouveau Guide suprême prendrait plusieurs mois, l’Assemblée des experts sélectionnant parmi leurs listes de noms. Cependant, dans le contexte actuel de guerre, l’ayatollah souhaite assurer une transition rapide et ordonnée pour préserver son héritage. Il a donc demandé à l’organe religieux chargé de nommer le Guide suprême de choisir rapidement parmi les trois noms qu’il a proposés.

Le fils de l’ayatollah Khamenei, Mojtaba, considéré comme un potentiel successeur, ne figure toutefois pas parmi les candidats. Ses opinions semblent néanmoins en phase avec celles de son père sur des questions cruciales, que ce soit sur la répression des opposants ou l’adoption d’une ligne dure contre les ennemis étrangers.

Certains avancent la théorie du choc : la mort de Khamenei pourrait ébranler le régime. D’autres, plus institutionnalistes, estiment que les mécanismes de succession sont déjà préétablis. Néanmoins, la récente attaque surprise d’Israël a suscité une forte paranoïa au sein du pouvoir iranien, exacerbé par la crainte d’une infiltration de l’appareil de sécurité par le Mossad.

Le noyau dur du régime semble entrer dans une phase de méfiance extrême, révélant la profondeur de l’infiltration des services israéliens. Cela pourrait pousser le régime à un repli encore plus marqué. Le Guide pourrait n’apparaître que dans des mises en scène très contrôlées, et cette paranoia pourrait également se retourner contre la population, perçue comme une menace intérieure à surveiller et à réprimer.

Une partie significative de l’état-major des Gardiens de la Révolution a été décimée, et ceux qui ont pris leur place doivent maintenant asseoir leur légitimité. Bien qu’ils aient collaboré avec leurs prédécesseurs, la confiance demeure à établir. Parmi les remplaçants, beaucoup appartiennent à la génération ayant traversé la guerre Iran-Irak (1980-1988), ce qui favorise une fraternité d’armes et des références communes.

La manne pétrolière des Gardiens

Malgré une structure sécuritaire fragilisée et des infrastructures militaires ou nucléaires endommagées, le régime iranien conserve la capacité de remplacer les responsables éliminés et de reconstruire ce qui a été détruit. Tant qu’il dispose des revenus pétroliers et ne fait pas face à une intervention terrestre significative, il a encore des ressources à sa disposition. L’armée israélienne, par exemple, a épargné l’île de Kharg, un terminal crucial pour les exportations de pétrole iranien. Bien que le régime soit dans une position de faiblesse, il n’est pas abattu et pourrait encore recourir à des stratégies de répression pour prévenir toute contestation interne.

Face à une population déjà éprouvée par la guerre et des crises sociales et économiques, le régime pourrait intensifier ses mesures coercitives. La multiplication des arrestations et des exécutions récentes en sont des signes précurseurs. Un nouveau soulèvement populaire reste envisageable, car un événement symbolique pourrait raviver la contestation, même si la prévisibilité de tels mouvements demeure incertaine.

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