Une primaire symbolique du parti d’opposition CHP a eu lieu dimanche jour-même où son unique candidat, Ekrem Imamoglu, a été incarcéré et démis de ses fonctions de maire d’Istanbul. Le vote a pris la forme d’un plébiscite et mobilisé bien au-delà de ce parti. Au total, 15 millions d’électeurs turcs se sont rendus aux urnes, a indiqué la municipalité, qui précise que plus de 13 millions « ont exprimé leur solidarité avec l’édile ».
La primaire organisée en Turquie par le parti d’opposition CHP malgré l’incarcération dimanche 23 mars de son seul et unique candidat, le maire d’Istanbul Ekrem Imamoglu, a pris la forme d’un plébiscite et mobilisé bien au-delà de ce parti.
Quelque quinze millions d’électeurs turcs ont participé à ce scrutin symbolique, a annoncé la municipalité de la métropole.
« Sur quinze millions de votes, 13 211 000 ont exprimé leur solidarité » avec l’édile, qui devait être investi dimanche comme candidat du parti à la prochaine présidentielle en 2028, a-t-elle précisé.
« On ne va pas se laisser aller au désespoir ! », lançait plus tôt dans la journée Aslihan, une Stambouliote de 38 ans qui patientait dans une file d’attente du quartier de Besiktas, à Istanbul.
Dès 8 h (5 h GMT), les votants de tous âges se sont pressés vers les bureaux ouverts par le Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate), le parti laïc de Mustafa Kemal, le fondateur de la République turque.
Au point que les opérations qui devaient prendre fin à 17 h (14 h GMT) ont été prolongées jusqu’à 20 h 30 (17 h 30 GMT), a annoncé le parti qui assure que des « millions d’électeurs » se sont dirigés vers ses 5 600 bureaux de vote dans toute la Turquie.
« Dès qu’il y a un opposant fort, ils essaient de l’éliminer. On a une dictature en Turquie en ce moment, rien d’autre. Nous vivons en république mais elle n’en a que le nom », s’insurge Ferhat, 29 ans, qui comme beaucoup renâcle à donner son nom de famille.
« Nous sommes venus soutenir notre maire. Nous sommes toujours avec lui », poursuit sa voisine, Kadriye Sevim, sous une tente dressée près de la municipalité d’Istanbul, haut lieu de la contestation depuis l’arrestation mercredi du maire de cette ville, le principal opposant au président Recep Tayyip Erdogan.
« Une grande injustice »
« En aucun cas, aucun pouvoir n’a le droit de faire cela à la jeunesse et au peuple turc. Nous nous opposerons jusqu’à la fin. Imamoglu sortira de là parce que c’est une grande injustice », martèle Kaan Peker, un ingénieur du son de 25 ans.
« Une fois qu’il sera sorti, nous le porterons, espérons-le, vers de plus hautes responsabilités », poursuit-il, évoquant ainsi la présidence.
Les mêmes foules déterminées se retrouvent de l’arrondissement branché de Kadikoy, sur la rive asiatique d’Istanbul, aux rues de Kasimpasa, un quartier populaire de la Corne d’or, où le président Erdogan a passé son enfance.
Surtout, les images se répètent d’un bout à l’autre du pays, d’Ankara la capitale, à Diyabarkir, la plus grande ville à être en majorité peuplée de Kurdes, dans le sud-est, et jusqu’en Thrace, dans l’extrême nord-ouest, traditionnellement kémaliste, près des frontières bulgare et grecque.
« Un monde fou »
« Nous avons tous voté, c’était comme une fête ! Les gens du CHP qui s’occupent des urnes disent qu’il y a un monde fou et surtout, beaucoup de gens d’autres partis », s’enthousiasme Sevil Dogrugüven, 51 ans, une employée du secteur privé à Edirne.
« Dans la campagne de Thrace, les gens se sont déplacés jusqu’aux mairies » pour voter, affirme-t-elle à l’AFP.
À Ankara, Nurcan Kabacioglu, une enseignante à la retraite de 57 ans, se veut combative : « Il n’y a pas de situation désespérée, que des gens découragés. Moi, je ne perds jamais espoir », assène-t-elle.
« On ne va pas se laisser aller au désespoir », abonde dans le même sens à Istanbul Aslihan. « C’est le premier mouvement de masse depuis les protestations de Gezi », une vague de contestation partie d’Istanbul qui avait balayé la Turquie pendant plusieurs semaine en 2013.
« Après Gezi, on a cédé au découragement. Mais après l’injustice commise aujourd’hui, je me sens plus forte et plus confiante. Je sens aussi que c’est notre dernière chance », lâche-t-elle.