Deux juges d’instruction ont décidé mardi d’engager des poursuites contre Rachida Dati et Carlos Ghosn, entre autres, pour des accusations de corruption et de trafic d’influence. Cette affaire est centrée sur un contrat d’une valeur de 900 000 euros, signé à la fin de 2009 entre la ministre et l’ancien dirigeant de Renault-Nissan, qui aurait dissimulé une activité de lobbying en faveur du constructeur automobile au sein du Parlement européen, rapporte TopTribune.
Les accusations stipulent que Rachida Dati a exercé un lobbying en faveur de Renault, tandis que Carlos Ghosn aurait proposé une compensation généreuse pour s’assurer de son soutien. Le 22 juillet, les deux juges d’instruction ont donc officialisé le renvoi de Rachida Dati et Carlos Ghosn en procès pour corruption et trafic d’influence.
Rachida Dati, ancienne garde des Sceaux et élue eurodéputée depuis juin 2009, est soupçonnée d’avoir illégalement perçu 900 000 euros entre 2010 et 2012 dans le cadre d’un contrat de services juridiques pour le compte de RNBV, l’entité supervisant l’alliance Renault-Nissan. Cette ministre, aujourd’hui âgée de 59 ans, est appelée à comparaître pour recel d’abus de pouvoir et d’abus de confiance, ainsi que pour corruption et trafic d’influence passif en tant qu’élue au sein d’une organisation internationale, soit le Parlement européen.
Enquête pour « abus de biens sociaux »
L’enquête débute en novembre 2018, suite à l’arrestation de Carlos Ghosn à Tokyo pour suspicion de malversations financières. Pendant que les transactions financières du groupe sont minutieusement analysées, un actionnaire minoritaire de Renault porte plainte contre Ghosn, Dati et le criminologue Alain Bauer, dénonçant des contrats « suspects ». Par conséquent, une enquête est ouverte en 2019 par le Parquet national financier (PNF) pour « abus de biens sociaux » et « corruption », suivie d’une information judiciaire. Initialement considérée comme simple témoin, Rachida Dati est mise en examen en 2021.
Un « pacte de corruption »
Les événements remontent à 2009. Selon un document de 151 pages rédigé par les magistrats, un « pacte de corruption » aurait été établi entre Carlos Ghosn et Rachida Dati le 28 octobre. Ghosn aurait été approché par Dati cherchant à travailler pour de grandes entreprises françaises après son départ du gouvernement. Un accord de rémunération pour des services juridiques, formellement signé entre Dati et RNBV, a été, selon les magistrats, effectivement instauré par Ghosn, en tant que signataire. Ainsi, Dati aurait perçu 900 000 euros sur trois ans pour des prestations supposées, sans qu’il existe de preuves tangibles de son travail. Le PNF estime que le contrat entre Dati et RNBV n’était qu’une façade légale d’un accord corruptif manifeste, avec très peu de preuves de l’existence des travaux fournis par Dati.
« Lobbying » et « conflit d’intérêts »
En outre, Rachida Dati n’était pas en droit d’exercer une activité de conseil après son élection comme eurodéputée en juin 2009, ni de servir comme avocate de Renault, à cause des subventions accordées au constructeur par l’État pendant la crise financière de 2008. Les procureurs estiment que Carlos Ghosn a obtenu, par l’intermédiaire de Dati, un accès à des instances décisionnelles tant nationales qu’européennes, lui offrant ainsi la possibilité d’influencer le processus normatif de l’Union européenne.
Les juges reprochent à l’ancienne ministre de ne pas avoir pris les précautions nécessaires pour éviter des conflits d’intérêts. Ils affirment qu’elle aurait dû se retirer, mais Dati a continué à siéger à Strasbourg dans des commissions liées aux questions économiques et industrielles de 2009 à 2014. Elle a été accusée de chercher des décisions favorables à Renault, sans informer ses interlocuteurs qu’elle était bénéficiaire d’une rémunération. Un e-mail du 5 janvier 2010 démontre qu’il était prévu de sa part qu’elle soutienne les intérêts de Renault pour bloquer les actions collectives, qui représentaient des coûts pour les fabricants ; cette situation, selon les juges, ressemblait à du lobbying, incompatible avec son mandat et sa profession d’avocate.
« Abus de pouvoir », « corruption » et « trafic d’influence »
Carlos Ghosn, 71 ans, fait face depuis avril 2023 à un mandat d’arrêt et sera jugé pour abus de pouvoir en tant que dirigeant d’entreprise, abus de confiance, corruption et trafic d’influence actif. Un autre mandat d’arrêt a été émis contre lui en 2022 lors d’enquêtes à Nanterre concernant le distributeur omanais Suhail Bahwan Automobiles. Ghosn, possédant des nationalités libanaise, française et brésilienne, a été capturé fin 2018 au Japon, où il devait répondre de malversations financières durant son mandat à la tête de Renault-Nissan.