Entrée en EHPAD : un tournant difficile dans la vie des personnes âgées
Avec l’augmentation continue de la population âgée, plus de 25 millions de personnes auront plus de 65 ans en France d’ici 2050 (INSEE), le passage en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) devient un enjeu majeur. Ce processus, souvent perçu comme une rupture brutale plutôt qu’une transition, impacte de plus en plus de personnes face à la perte d’autonomie, aux troubles cognitifs ou à la nécessité d’une aide quotidienne, rapporte TopTribune.
L’entrée en EHPAD est parfois marquée par un événement déclencheur tel qu’une hospitalisation, une chute ou une détérioration soudaine de l’état de santé, rendant cette décision urgente et souvent non anticipée. De nombreux résidents passent directement de leur domicile à l’hôpital, puis au nouvel établissement, souvent sans avoir eu le choix de ce dernier.
Cette transition s’accompagne d’un déracinement profond, laissant derrière des souvenirs pour une chambre dans un cadre collectif. Cependant, pour certains, l’EHPAD peut représenter une opportunité de sortir d’une situation d’isolement social et de retrouver un environnement plus sécurisé et enrichissant. Cela modifie complètement la manière d’interagir et de tisser des liens.
Les proches ressentent également les effets de cette décision, souvent comme un signal déclencheur de la dernière étape de la vie. La culpabilité de ne pas pouvoir continuer à accompagner un parent à domicile peut s’installer, bien que ce passage en EHPAD puisse également être perçu comme un soulagement une fois que les familles constatent que leur parent reçoit des soins adaptés et sécurisants.
Environ 70 % des résidents dans des EHPAD comme ceux de la Fondation Partage et Vie souffrent de maladies neuro-évolutives, ce qui rend leur situation particulièrement délicate. Ces troubles exacerbent la fragilité face au changement, nécessitant une reconstruction progressive des repères personnels.
Les enjeux lors de cette transition incluent des considérations médicales, psychologiques et sociales. La prise en charge doit être rigoureuse et adaptée aux multiples pathologies chroniques que présentent souvent ces résidents. Le soutien psychologique est crucial, assurant que chacun puisse exprimer ses inquiétudes et besoins, tandis qu’un bon accompagnement social doit permettre de recréer les conditions d’une vie quotidienne stable.
Pour mieux anticiper cette transition, il est essentiel de déceler les premiers signes de fragilité. En identifiant rapidement les besoins, les familles peuvent envisager une entrée en EHPAD dans des conditions acceptables. Des dispositifs tels que les accueils de jour et les séjours temporaires facilitent cette transition, même au cours de périodes de convalescence après une hospitalisation.
Les visites de préadmission, où les professionnels se déplacent pour présenter l’établissement, sont également encouragées afin de créer un lien avant le transfert. Les centres de ressources territoriaux contribuent à cette préparation, permettant aux personnes de participer à des activités en EHPAD pour un passage en douceur.
Il est primordial d’ouvrir un dialogue franc sur la nécessité d’un EHPAD, en expliquant que ce choix n’est pas un échec, mais une solution qui peut offrir sécurité et qualité de vie. Évoquer cette option au bon moment, avant qu’une crise ne survienne, facilite beaucoup la prise de décision. Les enfants, en particulier, doivent d’abord accepter cette réalité pour converser librement avec leurs parents, qui sont souvent plus ouverts à cette solution que leurs proches ne l’imaginent.
* Une réflexion collective sous la conduite du philosophe Roger-Pol Droit et de Dominique Coudreau, président du conseil d’administration de la fondation Partage et Vie (médecins, psychanalystes, philosophes, experts, aidants, professionnels des établissements médico-sociaux et sanitaires, etc.), avec le neuropsychiatre Boris Cyrulnik, le philosophe François Jullien…