La Commission européenne pressent les Vingt-Sept de valider d’ici la fin de l’année l’accord de libre-échange de l’UE avec le Mercosur, qu’elle présente comme une opportunité économique majeure, assortie de nouvelles garanties pour les agriculteurs. Cependant, en France, la colère du monde paysan persiste : syndicats et éleveurs dénoncent une concurrence déloyale et une « trahison » politique, rapporte TopTribune.
Depuis décembre dernier et la conclusion des négociations, le texte de l’accord entre l’Union européenne (UE) et les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay) cause des tensions au sein de la vie politique européenne. Jugé stratégique par la Commission européenne, il doit encore être validé par les États membres et le Parlement européen. À l’approche d’un vote de confiance risque pour François Bayrou et alors que les agriculteurs se mobilisent, le dossier est devenu plus explosif que jamais.
En quoi consiste la dernière version de l’accord ?
Les négociations entre l’UE et le Mercosur ont été engagées dès 1999, avec l’idée de créer un marché commun transatlantique englobant près de 700 millions de consommateurs. Après des blocages multiples, un compromis a été trouvé en décembre 2024, et a été formellement validé par les commissaires européens ce mercredi 3 septembre 2025. Bruxelles espère désormais une adoption rapide, profitant de la présidence tournante du Mercosur par Lula.
L’accord prévoit de supprimer progressivement la plupart des droits de douane et d’ouvrir largement les marchés. L’Union européenne pourront exporter plus facilement ses voitures, machines-outils, vins et spiritueux en Amérique du Sud. En échange, les pays du Mercosur bénéficieront de quotas accrus pour la viande bovine, la volaille, le sucre, le riz, le miel et le soja. Selon la Commission, l’accord pourrait économiser 4 milliards d’euros par an en droits de douane pour les exportateurs européens.
Pour apaiser Paris, longtemps en pointe de la contestation, Bruxelles a annoncé l’ajout d’un « acte juridique » précisant des clauses de sauvegarde renforcées. Celles-ci permettraient de suspendre l’accord en cas de perturbations majeures sur certains marchés sensibles comme le bœuf, la volaille ou le sucre. La présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, affirme avoir entendu les craintes des agriculteurs et promet des garanties « juridiquement contraignantes ».
Pourquoi les agriculteurs français n’en veulent pas ?
Ces promesses n’apaisent pas les syndicats agricoles français. La FNSEA et les Jeunes Agriculteurs parlent d’un accord toujours « toxique », accusant Bruxelles d’ignorer une question centrale : l’absence de réciprocité sur les normes sanitaires et environnementales. « Peut-on continuer à importer des denrées produites avec des substances interdites en Europe ? » s’interroge le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau, qui estime que les clauses de sauvegarde ne répondent pas à ce problème.
La Coordination rurale, deuxième syndicat agricole français, évoque une « trahison programmée ». Son secrétaire général, Christian Convers, accuse le gouvernement d’avoir capitulé : « On aperçoit bien que ces choses-là étaient programmées. Ça ne va pas renforcer le lien de confiance entre agriculteurs et gouvernants. »
Dans les campagnes, la contestation s’intensifie. La FDSEA et les Jeunes Agriculteurs du Lot se sont rendus à Paris pour protester contre une « concurrence déloyale », avertissant que « ce texte menace directement notre survie ».
Le gouvernement français, par la voix du ministre du Commerce extérieur Laurent Saint-Martin, se dit prêt à examiner l’accord « avec bienveillance » si les garanties techniques sont suffisantes, mais reste officiellement opposé à une ratification en l’état. Le ministre des Affaires européennes Benjamin Haddad assure que Paris « n’acceptera pas un accord qui ne protège pas nos filières agricoles ».
Politiquement, le dossier suscite des tensions : le Rassemblement national dénonce une « trahison » d’Emmanuel Macron, La France insoumise parle de « capitulation », tandis qu’au Parlement européen, une coalition transpartisane tente de suspendre l’adoption du texte. Entre la volonté de Bruxelles de diversifier ses partenariats face à la Chine et aux États-Unis, et la colère d’un monde agricole fragilisé, l’accord UE-Mercosur apparaît plus que jamais comme une épreuve décisive pour l’Europe.