À Fessenheim (Haut-Rhin),
La centrale nucléaire de Fessenheim, perdue au milieu des champs de maïs et des pylônes électriques, n’est pas devenue une friche depuis son débranchement il y a cinq ans. Son démantèlement, bien qu’en cours, mobilise encore « près de 400 personnes sur place ».
« C’est loin des 1.200 employés qui œuvraient lors de son fonctionnement, mais il reste de l’activité », souligne Claude Brender, le maire de la commune. Récemment, le nom de Fessenheim a refait surface dans le débat public à la mi-juin, notamment à travers une proposition de loi Gremillet concernant la trajectoire énergétique de la France, qui envisageait la réouverture de la centrale. Proposée par le Rassemblement national (RN), cette idée a été rapidement rejetée, suscitant néanmoins de vifs échanges.
« Certains m’ont demandé si un redémarrage était envisageable, mais cela me semble irréel !, s’exclame l’édile. Les personnes informées de la situation savent que cela est impossible. » Nicolas Goldberg, un expert en énergie chez Colombus Consulting, confirme : « Les deux réacteurs sont en phase de démantèlement, le circuit primaire a été décontaminé à l’acide, et il n’existe plus de soubassements pour une reprise de l’activité. »
Une proposition de loi qui suscite la colère à Fessenheim
Goldberg exprime également son incompréhension face à cette proposition du RN. « Cela revient à un coup de communication, et manifestement, cela fonctionne puisqu’on en parle », déclare Raphaël Schellenberger, député des Républicains de la circonscription. « C’est une démarche regrettable qui fait écho à la douleur des ouvriers ayant travaillé ici et à celle de tout un territoire. »
Dans cette petite région d’Alsace, située au bord du Rhin entre Colmar et Mulhouse, la centrale nucléaire est encore perçue comme faisant partie intégrante du paysage. La mention d’un potentiel redémarrage ne laisse pas indifférent. « C’est absurde ! Pourquoi voter des lois sur des sujets que l’on sait impossibles ? On ne peut pas rouvrir une centrale comme ça du jour au lendemain ! », s’indigne Nadège, depuis la boulangerie de la rue principale.
Avec l’arrêt de la production d’électricité et les départs de nombreux employés, la ville a effectivement constaté une réduction de l’activité commerciale. « Bien sûr, nous vendons moins de sandwichs le midi, mais nous avons su nous adapter », indique-t-elle. Dans un snack-restaurant voisin, le propriétaire partage un sentiment similaire. « Il subsiste moins d’activité car moins de personnes travaillent ici, mais je ne regrette pas de m’être installé ici. Il faut que Fessenheim continue de vivre », dit-il, qualifiant cette potentielle réouverture de « non-sens ». « Nous ne pouvons pas revenir en arrière, c’est du passé ! »
« Fessenheim doit rester un site nucléaire »
En regardant vers l’avenir, un projet de technocentre est en préparation, destiné à devenir une « usine pour le recyclage de métaux très faiblement radioactifs (TFA) issus du démantèlement de centrales nucléaires », selon EDF. « Ce projet devrait voir le jour vers 2031 ou 2032 et pourrait générer 200 emplois », précise le maire, qui rêve également de l’implantation d’une nouvelle centrale nucléaire.
« C’est mon combat. Nous avons la ressource, le réseau, toutes les infrastructures nécessaires pour redémarrer une production d’électricité. Peut-être pas avec de grands EPR, mais avec de petits réacteurs », augure-t-il, bien conscient que cela « prendra des années, voire des décennies ». Le député Schellenberger partage cette vision : « Fessenheim doit rester un site nucléaire, les installations sont adéquates. »
Pour la population, cette vision n’apparaît pas comme une menace. « Ayant grandi à proximité, cela ne m’a jamais dérangé », confie la boulangère Nadège. « Pour les réacteurs actuels, c’est irréversible maintenant. Mais s’il y a de nouveaux projets… aucun souci », ajoute Marie, nouvellement installée avec sa famille dans cette commune où tout est à portée. « École, collège, commerces, supermarché, santé, nous n’avons pas besoin de partir », détaille-t-elle, draisienne en main, avant de se rendre à l’école maternelle pour son fils.
« La fermeture de la centrale est perçue ici comme un traumatisme, une gâchis et un fiasco financier. C’était purement une décision politique », conclut Claude Brender. « Nous avons perdu une centaine d’habitants, mais nous sommes en train de les récupérer et nous dépasserons bientôt 2.500. De nouveaux projets d’entreprises émergent, notre territoire demeure dynamique. » Et il continue de célébrer !, rapporte TopTribune.