BYD double Tesla : l'outsider chinois devenu le géant des voitures électriques
BYD double Tesla : l'outsider chinois devenu le géant des voitures électriques

BYD double Tesla : l’outsider chinois devenu le géant des voitures électriques

27.03.2025 14:32
6 min de lecture

Le constructeur chinois BYD a détrôné pour la première fois Tesla en 2024 pour devenir le premier fabricant de voitures électriques au monde. Un aboutissement pour une marque dont le PDG, Wang Chuanfu, avait prédit en 2008 qu’il serait au top en 2025. Et un camouflet pour Elon Musk.

Alors que le Donald Trump s’en prend aux vandales qui détruisent des Tesla et menacent ainsi  la “success story” de son conseiller Elon Musk, celui-ci voit d’autres nuages s’accumuler au-dessus de son empire.

Le roi américain des voitures électriques et des provocations d’extrême droite peut craindre un autre némésis venu de Chine dont le nom se résume à trois lettres : BYD.

Le constructeur chinois a détrôné Tesla, lundi 24 mars, pour devenir la première marque mondiale de voitures électriques. BYD – qui signifie Build your Dream (construis ton rêve) – a vendu davantage de véhicules et son chiffre d’affaires en 2024 (100 milliards de dollars) a dépassé pour la première fois celui de Tesla (97,7 milliards de dollars).

Des batteries pour smartphone aux voitures électriques

Le nouveau numéro 1 mondial des voitures électriques demeure encore largement méconnu à l’international. D’abord parce qu’il vend essentiellement en Chine : “Le marché intérieur correspondait encore à environ 85 % de son chiffre d’affaires en 2023”, souligne Gregor Sebastian, spécialiste du secteur des voitures électriques pour le Rhodium Group, l’un des principaux cabinets international d’expertise sur la Chine.

Ensuite, parce que contrairement à Tesla qui a fait des voitures électriques son ADN dès le départ, BYD semble avoir emprunté la route de l’automobile un peu par accident. Le groupe a été fondé en 1995 sous le nom de Yadi Electronics – du nom de la rue d’un quartier de la ville de Shenzen où se trouvait le siège -, par Wang Chuanfu qui avait emprunté un peu moins d’un million de dollars à un proche pour se lancer. Mais pas dans l’automobile : Wang Chuanfu voulait fabriquer des batteries pour téléphones.

Et c’est ce qu’il a fait avec succès… pendant un temps. Il est devenu l’un des principaux fournisseurs de marques internationales comme Nokia ou Motorola, souligne ABC News, la télévision publique australienne.

Wang Chuanfu voyait plus grand pour ses batteries. Dès le milieu des années 2000, il imagine un avenir où les voitures seraient majoritairement électriques et auraient besoin de ses piles. Mais à cette époque, les constructeurs traînaient encore des roues pour se lancer dans la voiture électrique… à l’exception d’un entrepreneur américain un peu fantasque du nom d’Elon Musk.

De son côté, Wang Chuanfu décide alors de faire ses propres voitures et acquiert en 2003 Xi’an Qinchuan Automobile, un petit constructeur.

Elon Musk ne croit pas en BYD, Warren Buffett si

BYD a donc fait l’inverse de 99 % de ses concurrents qui ont fabriqué des voitures avant de s’intéresser aux batteries et aux véhicules électriques.

Mais BYD ne va pas y arriver du jour au lendemain. En 2009, alors que personne ou presque ne croyait encore en lui, Wang Chuanfu assure tout de même au Financial Times qu’il sera le numéro 1 de l’automobile en 2025. Certes, il ne domine pas encore tout le secteur, mais il est tout de même parvenu à tenir son calendrier pour arriver en tête des fabricants de véhicules électriques, le segment de ce marché qui progresse le plus vite.

Le succès actuel de BYD doit d’autant plus irriter Elon Musk qu’il avait éclaté de rire en 2013 lorsqu’une journaliste avait osé présenter le constructeur chinois comme un concurrent sérieux. “Vous avez vu leur voiture !”, s’était-il alors contenté de répondre. Il est vrai qu’au tournant des années 2010, les premiers modèles de BYD n’impressionnaient guère les spécialistes du secteur.

Sauf Warren Buffet, le légendaire investisseur américain. Il a été tellement convaincu par la vision de Wang Chuanfu qu’il a investi 250 millions de dollars dans BYD en 2009.

Par ailleurs, Wang Chuanfu a fait preuve d’un sens politique et industriel hors pair pour s’adapter aux politiques industrielles changeantes du gouvernement chinois.

Avant de tout miser sur la voiture électrique, son groupe “a notamment fabriqué et vendu des bus hybrides aux collectivités locales”, note Gregor Sebastian.

 « BYD a réussi à surfer sur toutes les vagues de la politique industrielle chinoise, ce qui lui a permis de profiter très largement des subventions publiques”, souligne Xin Sun, spécialiste de l’économie industrielle chinoise au King’s College de Londres. « Sans subventions, BYD n’aurait probablement pas survécu il y a une dizaine d’années », ajoute cet expert.

BYD contrôle toute la chaîne de production

Lorsque Pékin décide enfin de faire des voitures électriques une priorité stratégique – notamment dans le plan « Made in China 2025 » dévoilé en 2015 -, BYD dispose de tous les atouts pour jouer les premiers rôles. Face à la concurrence internationale, le constructeur bénéficie « de main d’œuvre à bas prix et les infrastructures industrielles locales permettent de fabriquer à plus grande échelle et à moindre coût », assure Xin Sun. Une voiture BYD coûte environ 15 % moins cher à construire que si elle avait été fabriquée aux États-Unis ou en Europe, d’après une étude de la banque UBS publiée en 2023.

Au niveau local, « les principaux concurrents de BYD sont chinois”, souligne Gregor Sebastian. Ils s’appellent Geely (en partenariat avec Volvo) ou encore SAIC et ne disposent pas de l’atout maître de BYD : « Il est le seul à être verticalement intégré, c’est-à-dire qu’il construit les voitures, les batteries, et dispose d’un accès direct aux matières premières », résume Xin Sun. BYD a, notamment, acquis des parts dans des très stratégiques mines de lithium en Amérique du Sud. Un contrôle essentiel de toute la chaîne de production pour être le seul maître à bord quand il s’agit de fixer le prix des voitures, actuellement l’élément le plus important de la bataille féroce pour les parts de marché en Chine.

Cette concurrence féroce représente l’un des principaux défis pour BYD, surtout à l’heure du ralentissement économique chinois. La surenchère dans la baisse des prix est telle, avec des modèles à environ 5 000 euros, « que les marges des constructeurs sont de plus en plus faibles », note Xin Sun. Une situation que BYD et ses concurrents pouvaient gérer tant que les ventes augmentaient en Chine. Mais « depuis environ deux ans, le marché ralentit fortement », constate Xin Sun.

Le défi de l’international

Il est donc nécessaire de trouver des relais de croissance à l’international. Pas facile pour les marques chinoises. « Le principal obstacle pour le développement à l »international de BYD est que les Américains n’en veulent pas. Ils viennent d’adopter une règle qui va interdire à partir de 2027 la vente aux États-Unis de toutes voitures connectées avec des composants chinois », souligne Gregor Sebastian

Et en Europe ? C’est la grande question, d’après les experts interrogés. D’un côté, les ventes de Tesla s’effondrent à cause de la mauvaise image associé à Elon Musk, ce qui procure une opportunité aux concurrents chinois. Mais de l’autre, les Européens ne savent pas non plus sur quel pied danser à l’égard des exportations chinoises, et « ils subissent des pressions de la part des Américains », affirme Gregor Sebastian.

Les horizons naturels de développement pour BYD se trouvent ailleurs. Que ce soit en Asie avec l’Indonésie, ou en Amérique du Sud avec le Brésil, les constructeurs chinois ont encore des marchés à conquérir… même si la voiture électrique y est encore moins populaire qu’en Amérique du nord ou en Europe.

En attendant de voir si BYD va décoller à l’international, les autorités chinoises peuvent jubiler de voir leur champion détrôner une marque américaine… associée d’aussi près de Donald Trump. “C’est une question éminemment politique et symbolique aussi. Tout comme avec DeepSeek, c’est une nouvelle preuve que la Chine peut s’imposer dans des domaines de pointe”, résume Xin Sun. BYD a notamment dévoilé en février une nouveauté susceptible d’enfoncer le clou technologique face à Tesla : les nouveaux modèles pourront être rechargés en cinq minutes pour une autonomie de plus de 450 km, a affirmé Wang Chuanfu.  “C’est bien plus rapide que les meilleurs modèles de Mercedes ou Tesla”.

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