Fraude aux eaux minérales : Alexis Kohler convoqué par la commission d’enquête
Fraude aux eaux minérales : Alexis Kohler convoqué par la commission d’enquête

Fraude aux eaux minérales : Alexis Kohler convoqué par la commission d’enquête

27.03.2025
4 min de lecture

Le secrétaire général de l’Élysée, Alexis Kohler, est officiellement convoqué par les sénateurs en charge de la commission d’enquête du Sénat sur la fraude d »eaux en bouteille », dévoilent franceinfo et « Le Monde ».

Le bras droit d’Emmanuel Macron est officiellement convoqué, mardi 8 avril à 17 heures, par les sénateurs en charge de la commission d’enquête du Sénat sur les pratiques des industriels de l’eau embouteillée. De nouveaux échanges, dévoilés mercredi 26 mars par le Sénat, confirment l’existence de contacts rapprochés entre Alexis Kohler et les dirigeants de Nestlé. Cette commission, mise sur pied en novembre dernier, vise notamment à enquêter sur l’utilisation de procédés de filtration interdits après des révélations par Radio France, Le Monde et Mediapart concernant l’utilisation de traitements illégaux par des minéraliers, dont Nestlé Waters. 

« Monsieur le secrétaire général, il apparait que la présidence de la République a été approchée à plusieurs reprises par le groupe Nestlé, (..) que vous avez suivi au moins une partie du dossier » et « ménagé des facilités de contacts à Nestlé au sein des administrations ». C’est par ces mots que Laurent Burgoa, sénateur (LR) du Gard et président de la commission d’enquête, a annoncé mercredi 26 mars la convocation du secrétaire général de l’Élysée Alexis Kohler, avant de déclarer convoquer également le directeur général de l’entreprise Nestlé, Laurent Freixe.

Cette annonce intervient à la suite de nouvelles révélations lors de l’audition par les sénateurs, mardi, de Nicolas Bouvier, représentant d’intérêts du cabinet Brunswick Group : le capitaine de l’opération de lobbying menée par Nestlé depuis des années pour couvrir une fraude aux consommateurs et tenter de conserver son appellation « eau minérale naturelle », malgré de multiples rapports indiquant les contaminations de ses ressources en eau. Contaminations incompatibles avec la réglementation sur les eaux minérales naturelles.

Plusieurs échanges entre Nestlé et l’Élysée

Comme la cellule investigation de Radio France et le journal Le Mondel’avaient révélé, cette opération de lobbying menée au plus haut niveau de l’État et débutée en 2021, a permis au groupe Nestlé d’obtenir du gouvernement, en février 2023, une dérogation pour contourner la loi, en utilisant des filtres interdits dans ses usines, et ce, jusqu’à aujourd’hui.

Or, comme le démontre l’audition de Nicolas Bouvier, les échanges entre le groupe Nestlé et l’État, ne se sont jamais interrompus. Au total, au moins 36 sollicitations, échanges téléphoniques ou rencontres ont été organisés, selon le représentant du cabinet Brunswick, entre juillet 2022 et décembre 2024, dont cinq au moins concernent directement Alexis Kohler. Les contacts entre l’Élysée et la multinationale se sont« intensifiés », selon le rapporteur de la commission d’enquête, Alexandre Ouizille (PS), qui évoque un « court-circuitage du circuit ministériel classique », l’Élysée étant selon lui au « centre des discussions ».

Le premier échange entre Alexis Kohler et les responsables de Nestlé sur cette affaire aurait eu lieu, selon le lobbyiste, lors du sommet Choose France au château de Versailles, en 2022. Un autre « échange de courtoisie », selon les mots de Nicolas Bouvier, a eu lieu au début de l’année dernière, après les premières révélations de Radio France et du journal Le Monde. Plus récemment, le 10 octobre 2024, le secrétaire général de l’Élysée rencontre Laurent Freixe, « à l’occasion de sa première visite en France », d’après le lobbyiste.

L’inquiétude de Nestlé sur une dérogation d’utilisation de filtres non-réglementaires

Un échange est aussi organisé entre Muriel Liénau, directrice générale de Nestlé Waters, et Alexis Kohler, le 17 décembre 2024. La veille, le 16 décembre, franceinfo et Le Monde ont dévoilé le contenu d’un rapport de l’ARS Occitanie évoquant un arrêt possible de la production d’eau minérale Perrier(Nouvelle fenêtre), en raison de contaminations « inacceptables » des eaux brutes exploitées pour produire la marque.

Ce jour-là, le représentant d’intérêts de Nestlé écrit directement à l’Élysée, expliquant que Muriel Liénau souhaite s’entretenir avec le secrétaire général « le plus rapidement possible ». « Il y avait eu un changement de gouvernement début décembre », avance Nicolas Bouvier, « Muriel Liénau s’inquiétait » de savoir si la dérogation obtenue par la multinationale en 2023 pour utiliser des filtres non-réglementaires « était toujours d’actualité ».

Pourtant, c’est bien la révélation du rapport de l’ARS qui semble avoir été au menu des discussions entre Nestlé et l’Élysée ce jour-là. Selon Alexandre Ouizille (PS), au lendemain de cette discussion, le 18 décembre, des conseillers de l’Élysée évoquent en effet dans des échanges de mails l’inquiétude de Nestlé concernant le rapport, ce dernier montrant que « les traitements ne sont pas compatibles avec l’appellation d’eau minérale naturelle » et qu’ils ne « règlent que partiellement le problème de qualité sanitaire de l’eau », car ils ne filtrent pas les virusLe groupe Nestlé craint les conséquences pour Perrier, alors que le préfet du Gard doit se prononcer sur la demande de renouvellement d’exploitation de l’usine de Vergèze où est produite la célèbre marque d’eau minérale naturelle.

Contacté, l’Élysée estime qu’il est « normal que l’Élysée réponde à des acteurs économiques », mais assure n’avoir pris « aucune décision », et avoir systématiquement renvoyé Nestlé vers les ministères concernés.

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