Guerre au Proche-Orient : agents infiltrés, écoutes, collecte d'informations... Comment les services secrets israéliens ont procédé pour mener leurs opérations contre le Hezbollah
Guerre au Proche-Orient : agents infiltrés, écoutes, collecte d'informations... Comment les services secrets israéliens ont procédé pour mener leurs opérations contre le Hezbollah

Guerre au Proche-Orient : agents infiltrés, écoutes, collecte d’informations… Comment les services secrets israéliens ont procédé pour mener leurs opérations contre le Hezbollah

02.10.2024
4 min de lecture

En l’espace de deux semaines, Israël a porté un sérieux coup au mouvement chiite libanais soutenu par l’Iran. Bipeurs, assassinats de hauts dirigeants… Plusieurs opérations mais une même signature, celle du Mossad.

Cinq jours après la mort de son chef Hassan Nasrallah, le Hezbollah cherche ses taupes. « Il y a de la paranoïa dans les rangs, les gens veulent savoir qui a parlé, raconte de manière anonyme une source au sein du mouvement chiite libanais, que franceinfo a pu joindre mardi 1er octobre. Des gens accusent des gens, des gens sont suspectés sans preuves… » Car pour atteindre le leader religieux de 64 ans, qui vivait reclus dans son bunker de la banlieue sud de Beyrouth, l’armée israélienne a bénéficié de la présence d’infiltrés chez l’ennemi. « ll peut s’agir d’agents israéliens. Mais le plus probable, à mon avis, est qu’il s’agisse d’agents recrutés sur place, des ennemis du Hezbollah qui ont accepté de faire le boulot en échange d’argent, de personnes qui ont des comptes à régler avec le Hezbollah parce qu’elles n’auraient pas obtenu un poste par exemple », analyse Raphaël Jeruslamy, ancien officier du renseignement militaire de l’armée israélienne.

L’opération bipeurs menée le 17 septembre, puis celle des talkies-walkies le lendemain, et enfin l’assassinat de plusieurs dirigeants du Hezbollah, est une victoire militaire d’ampleur pour l’Etat hébreu. Considérés comme étant parmi les meilleurs au monde, les services de renseignements israéliens signent leur retour en grâce après les ratés du 7 octobre 2023 et l’attaque terroriste du Hamas. « Le blason est, en quelque sorte, redoré après la grande gaffe qu’ils ont commise », analyse avec ses mots l’ex-espion Raphaël Jerusalmy.

Un travail de surveillance commencé il y a quinze ans

S’il s’est considérablement accéléré ces derniers mois, ce travail d’espionnage du Hezbollah remonte en réalité à 2006 et la deuxième guerre du Liban. Après plus de 33 jours de combats, l’armée israélienne se rend compte qu’elle est incapable de recueillir des informations vitales sur le leadership et la stratégie du Hezbollah. Ce conflit, qui s’est terminé par un cessez-le-feu négocié par l’ONU, est un tournant pour les services de renseignement israéliens. A l’époque, « les Israéliens ont décidé de ne plus considérer le Hezbollah comme une organisation terroriste, mais comme une armée terroriste, recadre auprès de franceinfo Ahron Bregman, politologue israélien au King’s College de Londres, spécialiste du Mossad. Cela signifiait qu’ils allaient y consacrer plus d’attention, plus de temps et plus d’argent. »

Une unité du Mossad se retrouve particulièrement renforcée : l’unité 8200. Souvent comparée à la NSA américaine pour son haut niveau de technicité, la Israeli SIGINT National Unit (ISNU) va notamment développer des outils performants pour intercepter les téléphones portables et les transformer en appareils d’écoute. Lorsqu’un agent du Hezbollah est identifié, ses mouvements sont automatiquement entrés dans une énorme base de données. « Les déplacements de personnes, le courrier, les déplacements de fonds, les commandes de take away… Ce sont des centaines de milliers d’informations qui ont ainsi pu être collectées », énumère Raphaël Jerusalmy.

« Il est probable que les bipeurs utilisés par le Hezbollah ont aussi facilité la collecte de renseignements sensibles, reconnaît la chercheuse israélienne Shir Mor, spécialiste des questions de sécurité au Moyen-Orient. Ils ont pu fournir un aperçu des plans opérationnels, des opérations tactiques telles que des embuscades, des déploiements d’armes au Liban et au Moyen-Orient. » 

D' »un petit groupe de guérilla à une grande force paramilitaire »

Le Hezbollah a surtout changé de dimension à partir de 2012, avec le conflit syrien. Son engagement auprès du régime de Bachar Al-Assad lui a permis de se renforcer et de recruter en masse. « Selon mes informations, le Hezbollah est passé de 7 500 combattants et 20 000 réservistes à environ 50 000 hommes, parmi lesquels 20 000 combattants et 30 000 réservistes après 2011 », expliquait en 2021 Joseph Daher, auteur du livre Le Hezbollah, un fondamentalisme religieux à l’épreuve du néolibéralisme, dans les colonnes de L’Orient Le Jour(Nouvelle fenêtre).

En ouvrant autant ses rangs, le mouvement chiite prend aussi le risque de la perméabilité. « Le passage du Hezbollah d’un petit groupe de guérilla à une grande force paramilitaire a accru son influence au Liban et en Syrie, mais cela a également posé des risques importants, continue Shir Mor. Cette expansion a compliqué la discipline et le secret, rendant le Hezbollah plus vulnérable à l’infiltration des services de renseignements. »

« Les grandes organisations sont plus difficiles à contrôler, ce qui entraîne des risques plus élevés de fuites d’informations et d’erreurs opérationnelles. »Shir Mor, spécialiste des questions de sécurité au Moyen-Orient

à franceinfo

Parfois, Israël n’avait ainsi qu’à cliquer pour rassembler des informations. « Lorsqu’un combattant du Hezbollah était tué en Syrie, il était possible de trouver sur les réseaux sociaux de nombreuses informations sur ses amis, sa famille, son village… Lorsque vous rassemblez toutes ces petites informations, vous obtenez une assez bonne vision du Hezbollah. C’est ce que les Israéliens ont fait », résume Ahron Bregman. 

Interrogés par le New York Times(Nouvelle fenêtre), trois hauts responsables de la défense israélienne sont d’ailleurs formels : « Les dirigeants israéliens savaient depuis des mois où se trouvait Hassan Nasrallah ». Raphaël Jerusalmy, ancien du Mossad, embraie : « L’armée israélienne était prête, elle a attendu une confirmation visuelle pour procéder aux frappes et atteindre son objectif. » Autrement dit, « une taupe qui a par exemple vu la cible entrer dans l’immeuble visé ». Exactement ce qu’il s’est passé peu après 18 heures, vendredi 27 septembre, dans la banlieue sud de Beyrouth.

Laisser un commentaire

Your email address will not be published.

Dernières nouvelles