Législatives 2024 : Hongrie, Italie, Pologne... Comment l'extrême droite gouverne chez nos voisins européens
Législatives 2024 : Hongrie, Italie, Pologne... Comment l'extrême droite gouverne chez nos voisins européens

Législatives 2024 : Hongrie, Italie, Pologne… Comment l’extrême droite gouverne chez nos voisins européens

05.07.2024
5 min de lecture

Plusieurs gouvernements d’extrême droite sont à la tête de pays de l’Union européenne. Certains, comme en Hongrie, mettent à mal la démocratie.

Pour la première fois dans l’histoire de la Ve République, le Rassemblement national pourrait accéder au pouvoir. Le parti d’extrême droite et ses alliés est arrivé en tête avec 33,2% des voix lors du premier tour des élections législatives du 30 juin. Il pourrait obtenir une majorité absolue de sièges à l’Assemblée nationale (289), dimanche 7 juillet, lors du second tour. Cette bascule à l’extrême droite a déjà été expérimentée par plusieurs de nos voisins européens ces dernières années. Hongrie, Italie, Pologne… Franceinfo fait le tour de ce que peuvent nous apprendre ces pays. 

En Hongrie, la démocratie sous emprise

La Hongrie est dirigée par le Premier ministre populiste Viktor Orban depuis 2010. En 14 ans, le chef de gouvernement a réduit les libertés civiles et mis à mal l’Etat de droit. La Hongrie est même devenue une « démocratie partielle », selon le rapport 2024 sur l’état des démocraties de l’ONG Freedom House. « Il s’agit du modèle de gouvernement d’extrême droite le plus achevé dans l’UE », résume la politologue Catherine Fieschi, spécialiste des droites radicales européennes.

La justice a été la première victime, mais tous les contre-pouvoirs ont été progressivement soumis à l’emprise de Viktor Orban. Les attaques contre l’indépendance de la justice lui ont attiré les foudres de la Commission européenne, qui a bloqué des paiements européens à destination du pays en 2022 pour faire pression. Viktor Orban et son parti, le Fidesz, ont aussi écrasé la liberté de la presse, en « transformant l’audiovisuel public en organe de propagande » et en prenant le contrôle de centaines de médias nationaux et locaux, via la fondation Kesma, explique Reporters sans frontières. 

« Viktor Orban possède désormais une véritable mainmise sur les médias et le pouvoir judiciaire. »Catherine Fieschi, politologue

à franceinfo

Héraut de l’extrême droite européenne pour sa défense de « la famille traditionnelle », Viktor Orban a fait des minorités et des immigrants l’une de ses cibles privilégiées. Le Parlement du pays a adopté une loi anti-LGBT+ en 2021, interdisant notamment la « promotion » de l’homosexualité auprès des mineurs. Une mesure dénoncée avec force à l’époque par l’exécutif européen.

Le Hongrois est aussi fréquemment en conflit avec l’UE, n’hésitant pas à bloquer les décisions des Vingt-Sept. Le régime Orban est d’ailleurs régulièrement accusé de détourner des fonds européens, ce qui lui a valu une pénalité de 1,5 milliard d’euros en 2019. Trois ans plus tard, les eurodéputés adoptaient un rapport selon lequel la Hongrie n’était plus une démocratie, mais un « régime hybride d’autocratie électorale »« Nous savons que c’est la famille même d’Orban qui récupère les fonds européens », déclarait l’écologiste française Gwendoline Delbos-Corfield en 2022, en présentant le rapport. « L’économie est gérée comme en Russie, les contrats publics sont distribués à ceux qui sont redevables au pouvoir », confirme Catherine Fieschi. 

En Pologne, un retour difficile du camp pro-démocratie au pouvoir

Au pouvoir de 2005 à 2007, puis de 2015 à 2023, le parti polonais Droit et justice (PiS) a utilisé des méthodes similaires aux techniques hongroises pour s’attaquer à la démocratie et asseoir son pouvoir. Le PiS a largement malmené l’Etat de droit, s’attaquant à l’indépendance des juges en 2019. Le sujet a été l’objet d’un long contentieux avec l’UE, qui avait fini par bloquer la distribution de fonds européens à Varsovie. Comme en Hongrie, le PiS a mis l’audiovisuel public sous son contrôle en y plaçant ses hommes et s’est attaqué aux droits des personnes LGBT+, créant des « zones anti-LGBT+ » en 2021.

Contrairement à la Hongrie, « les oppositions sont restées importantes et mobilisées tout au long du règne du PiS », relève Catherine Fieschi. Freedom House considérait ainsi la démocratie polonaise comme « libre », dans son rapport 2024. Pour preuve, la victoire de la coalition menée par le Premier ministre de centre-droit, Donald Tusk, en octobre 2023. Pas simple, pourtant, de remettre en place « ce qui a été détricoté, notamment parce que le président du pays reste issu du PiS et qu’il s’oppose à chaque changement », souligne Catherine Fieschi.

Andrzej Duda, dont les prérogatives sont limitées, dispose en effet d’un droit de veto, que l’actuel gouvernement n’est pas en mesure de contrer et qu’il utilise pour défendre les positions ultraconservatrices de son camp. D’autant que « le PiS reste extrêmement puissant dans les sondages », prévient Catherine Fieschi, et que la coalition au pouvoir rassemble des partis de droite, du centre et de gauche, ce qui ne facilite pas sa tâche. Rassurée par les débuts de réforme sur la justice, la Commission européenne a cependant annoncé en mai mettre fin à la procédure qui visait Varsovie au sujet de l’Etat de droit. 

En Italie, une attitude prudente à l’international et une vision très conservatrice en interne

La présidente du Conseil des ministres italien Georgia Meloni, en poste depuis la victoire de son parti Frères d’Italie en septembre 2022, a passé les deux dernières années à tenter de rassurer ses partenaires européens. La cheffe de la troisième économie de l’UE, dont le parti est un héritier du fascisme et qui gouverne avec la très anti-européenne Ligue de Matteo Salvini, avait effrayé les Vingt-Sept avant son accession au pouvoir. Mais la dirigeante s’est depuis distinguée par un fort soutien à l’Ukraine face à la Russie et une volonté de collaborer avec Bruxelles. « Elle a surpris tout le monde, mais elle a compris que l’Italie avait besoin de l’UE, notamment pour financer ses promesses électorales », décode Catherine Fieschi. 

La dirigeante italienne « joue sur deux tableaux », nuance la spécialiste : « Elle a une personnalité sur la scène internationale et une autre sur la scène nationale. » Son gouvernement très conservateur s’est ainsi attaché à remettre en cause le droit de filiation des couples gays et lesbiens ou à autoriser en avril les militants anti-avortements à accéder aux structures qui pratiquent l’IVG.

« Elle avance masquée et je pense qu’elle ne restera pas comme ça longtemps, y compris sur la scène européenne », pressent Catherine Fieschi. Georgia Meloni souhaite transformer profondément l’Italie. Une réforme constitutionnelle importante est d’ailleurs dans les cartons. Si elle est adoptée par référendum, elle renforcerait considérablement la présidence du Conseil, qu’elle occupe, au détriment du Parlement et du président de la République italienne.

En Suède, une extrême droite influente sur le gouvernement

L’extrême droite suédoise a beau n’être à la tête d’aucun ministère, elle impose ses idées. Arrivée deuxième aux élections législatives de septembre 2022 avec plus de 20% des suffrages, elle soutient le gouvernement de centre-droit du Premier ministre Ulf Kristersson. Alors que le pays a accueilli de nombreux réfugiés au plus fort de la crise migratoire européenne de 2015, le parti des Démocrates de Suède, classé à l’extrême droite, a surfé sur le rejet d’une partie de la population des nouveaux arrivants. Résultat, « le gouvernement a largement repris ses propositions sur le sujet de l’immigration », pointe Catherine Fieschi.

L’accord de gouvernement prévoyait ainsi de réduire le nombre de réfugiés accueillis chaque année de 6 400 à 900, de durcir le regroupement familial et de restreindre l’accès à la citoyenneté suédoise. « Ce sont tout de même des mesures discriminatoires », souligne la spécialiste, alors que les attaques de l’extrême droite contre les musulmans se multiplient, explique un article du Monde.

En mai, le gouvernement a suscité la controverse en poussant pour une loi visant à forcer les fonctionnaires à signaler les personnes sans-papiers aux autorités. Certains fonctionnaires dénonçaient alors la mise en place « d’un état policier ».

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