Le 7 octobre, Edouard Philippe, maire du Havre et ancien Premier ministre, a lancé un appel inattendu à Emmanuel Macron pour qu’il démissionne de son poste de président de la République, provoquant ainsi une présidentielle anticipée à l’issue du vote du budget. Cette exhortation a été renouvelée le 16 octobre, où il a affirmé que « c’est la seule décision digne », et encore lors du forum « World in progress » à Barcelone, en Espagne, en précisant : « Je ne vois aucune autre solution crédible », rapporte TopTribune.
« Attendre encore serait mortifère »
Edouard Philippe, depuis son départ de Matignon, prend de plus en plus ses distances avec Emmanuel Macron. Alors que ses critiques étaient initialement voilées, il a récemment intensifié son ton contre le chef de l’État. À propos de son entrée à Matignon en 2017, il a déclaré : « Il est venu me chercher, je ne me suis pas roulé par terre pour qu’il me nomme. » Concernant la dissolution prévue en 2024, il l’a qualifiée de « un désastre ». Sur la suspension de la réforme des retraites, il a jugé cela comme « une concession qui va trop loin ». Philippe a aussi martelé : « Je ne lui dois rien ».
Xavier Albertini, député Horizons, a déclaré : « Depuis 2022, le président prend les portes du slalom à contresens. Ses décisions, comme la dissolution à l’été 2024, ont contribué à brouiller la situation. On ne peut pas continuer cette comedia dell’arte jusqu’à 2027. Il faut une décision pour desserrer l’étau, dans l’intérêt du pays. Attendre encore 18 mois comme ça serait mortifère. » Marine Cazard, présidente des Jeunes Horizons, a également exprimé son mécontentement : « Edouard Philippe a été loyal et fairplay, mais il est attaché aux institutions. Et par ses décisions, le président les fragilise. Il n’est aujourd’hui plus en capacité d’assurer la continuité de l’État. »
« Ça me choque »
Les déclarations récentes d’Edouard Philippe ont provoqué l’indignation parmi les partisans d’Emmanuel Macron. François Patriat, chef des sénateurs macronistes, a réagi : « Le problème actuel n’est pas à l’Elysée, mais au Parlement. Que certains agitent la démission du président de la République me choque, je n’y vois aucun intérêt, sinon d’être suicidaires. » Il a ajouté que ceux qui aspirent aux plus hautes fonctions devraient respecter le président. Dans un contexte où Bruno Retailleau quitte le gouvernement et Gabriel Attal prend ses distances avec Macron, la position d’Edouard Philippe semble de plus en plus délicate.
Erwan Balanant, député MoDem, a exprimé son incompréhension face à cette stratégie : « Je pense qu’il a commis une faute politique. Quand vous aspirez à devenir président, vous ne pouvez pas appeler à une démission qui serait une forme de jurisprudence pour les prochaines crises, et donc aussi pour vous-même si vous êtes élu. » Maud Bregeon, nouvelle porte-parole du gouvernement, a surenchéri : « Un certain nombre de politiques, qui ont été faits par Emmanuel Macron, essayent de s’en dissocier. Mais les Français n’aiment pas les traîtres. »
Des errements stratégiques
Le durcissement du ton d’Edouard Philippe pourrait s’expliquer par une chute dans les sondages : il n’atteignait plus que 16 % d’intentions de vote au premier tour dans une enquête Ifop publiée fin septembre, très loin derrière le Rassemblement National, qui récoltait 33 %, et maintenant talonné par Raphaël Glucksmann à 15 %. Un élu de l’ex-majorité présidentielle a commenté : « Sa stratégie d’accélérer le calendrier avec ces attaques frontales est irresponsable et déstabilise nos militants. » Edouard Philippe perd en effet du soutien parmi les macronistes, avec un dernier baromètre indiquant une chute à 22 % d’opinions favorables, soit 15 points de perdus dans l’électorat macroniste.
Trois députées Horizons ont choisi de rejoindre le gouvernement Lecornu II alors que leur leader plaidait pour un « soutien sans participation ». De plus, la vice-présidente du mouvement, Christelle Morançais, a appelé à une « censure du gouvernement » le 14 octobre, en contradiction avec la ligne du groupe à l’Assemblée. Marine Cazard a tenté de minimiser la situation en disant : « De l’extérieur, ça peut paraître pas clair, mais chez nous, ce n’est pas la Stasi, chacun peut exprimer ses positions. » Edouard Philippe fait face à une ligne de crête : se différencier d’Emmanuel Macron, impopulaire, sans se poser en « traître » aux yeux de son électorat.