Le scandale des frais de représentation à la Mairie de Paris continue de susciter des interrogations. Après les dépenses critiques de la maire Anne Hidalgo, récemment exposées par Mediapart, c’est au tour des maires d’arrondissement de faire l’objet d’une attention particulière. Les factures du maire du 18e arrondissement, Eric Lejoindre, ont été initialement mises en lumière par Enzo Morel, une figure du mouvement Saccage Paris, avant que la mairie ne publie l’ensemble des frais de représentation de ces élus, transmis en primeur à Libération, qui en fait état ce vendredi, rapporte TopTribune.
Les frais de représentation sont limités à 19 720 euros par an pour la maire de Paris et à 11 092 euros pour les maires d’arrondissement. Ces dépenses sont régies par la commission de déontologie de la Ville de Paris, qui a établi des règles strictes limitant leur usage, prohibant notamment la prise en charge de « dépenses strictement privées ou liées à une activité professionnelle ou associative ».
Dépenses effectuées pendant les vacances
Les dépenses des maires d’arrondissement soulèvent des questions sur la frontière entre l’utilité publique et le « strictement privé ». Libération révèle que plusieurs maires ont demandé à se faire rembourser des frais engagés pendant leurs vacances ou en dehors de Paris. Jean-Pierre Lecoq, maire LR du VIe arrondissement, a ainsi soumis des factures attestant de ses achats à La Baule ou au Pouliguen, tandis qu’Emmanuelle Pierre-Marie, maire du 12e, a réclamé le remboursement d’un repas au Havre et de « quatre bols à prénom » à Cherbourg.
Emmanuelle Pierre-Marie a défendu ses dépenses, affirmant : « Je suis allée au Havre pour les journées d’été des Ecologistes. J’ai déjeuné avec Eva Sas, députée de la 8e circonscription de Paris. Nous avons discuté de la mairie. » Concernant les bols, elle a précisé qu’il s’agissait de cadeaux pour ses collaborateurs, ajoutant que ses revenus avaient diminué de moitié depuis son élection.
Jean-Pierre Lecoq, quant à lui, s’est justifié en affirmant que ses dépenses, validées par la Mairie de Paris, comprenaient des vêtements achetés à La Baule, réutilisés à Paris. Lorsqu’on l’interroge sur des chaussures pour femme d’une valeur de 745 euros, il évoque un cadeau sans spécifier pour qui, déclarant : « Cela a été validé. Si on veut changer les règles, changeons les règles, et on s’y conformera. »
Des cadeaux pour les collaborateurs
D’autres élus, tels que Philippe Goujon, maire du 15e, et Eric Lejoindre, ont aussi soumis des factures pour des repas comportant des « menus enfant » ou des lampes antiodeurs achetées « par leur femme ». Emmanuelle Pierre-Marie a demandé le remboursement d’un jeu de société destiné aux enfants et de vêtements pour homme, qu’elle qualifie de « unisexe », qu’elle utilise lors de maraudes dans le bois de Vincennes.
Philippe Goujon a reconnu une « erreur » des services en charge du remboursement et a promis de restituer les montants indus à la ville. Francis Szpiner, ancien maire du 16e, a aussi mentionné une « erreur » avec sa carte de fonction. Il se présente, néanmoins, comme l’un des maires les moins dépensiers, selon le tableau des frais de représentation publié par la mairie. Emmanuelle Pierre-Marie s’est défendue en mentionnant la finalité sociale de ses dépenses, tout en déclinant l’interview. Eric Lejoindre n’a pas souhaité faire de commentaires, expliquant que « tout a déjà été dit ».
Ces dépenses, aux objectifs parfois flous, remettent en question la légitimité des frais de représentation, notamment en ce qui concerne les montants colossaux accordés pour divers cadeaux ou frais vestimentaires, soulevant de sérieuses questions d’éthique et de moralité : un maire d’arrondissement peut-il justifier des milliers d’euros chaque année pour ce type de dépenses alors que dans le secteur privé, ces coûts sont normalement à la charge des employés eux-mêmes ?